Pour ouvrir l'édition 2025 du festival Le Temps d'aimer la danse, Thierry Malandain a souhaité reprendre La Chambre d'amour, vingt-cinq ans après son arrivée à la direction du CCN de Biarritz. Une œuvre à la portée universelle qui n'a pas pris une ride.

Après 90 ballets et 40 ans de carrière, dont 27 à la direction du Centre chorégraphique national de Biarritz, Thierry Malandain boucle la boucle en reprenant La Chambre d'amour, présentée pour la première fois à la Gare du Midi à Biarritz, le 13 mai 2000. Cette œuvre était chorégraphiée sur une partition symphonique originale du compositeur basque Peio Çabalette, créée et enregistrée à l'époque par l'Orchestre régional Bayonne côte basque sous la direction de Xavier Delahaye, avec Marina Pakowski au piano.

La musique de Peio Çabalette et les décors et costumes de Jorge Gallardo, fidèle collaborateur de Thierry Malandain depuis 37 ans, sont les mêmes qu'à la création, mais cette recréation s'offre la nouvelle lumière de François Menou. La partition originale de La Chambre d'amour a été écrite pour un orchestre de 30 musiciens avec piano solo. La pianiste Marina Pakowski, présente dans la salle lors de la recréation, a rappelé qu'elle souhaitait que le piano soit extrêmement présent dans la partition, désir auquel le compositeur avait accédé. Exempte de toute dimension narrative, l'œuvre a été construite selon les instructions de Thierry Malandain, qui répartissait les entrées des solistes et les ensembles. La musique, savante, développe un tissu orchestral très riche où le piano concertant occupe effectivement une place prépondérante. C'est une belle partition contemporaine, assez austère, qui sert d'écrin à cette légende basque ultra connue portée à la scène par Thierry Malandain.

Le ballet évoque en effet Hura et Errera (eau et beauté en basque), les amants de la légende basque, engloutis par l'océan dans la célèbre grotte de la Côte d'argent, dite la Chambre d'amour. Pour étoffer la légende, Thierry Malandain a eu envie de croiser le couple basque avec les autres couples d'amants ou de frères au destin tragique : Adam et Eve, Caïn et Abel, Didon et Énée, Roméo et Juliette, Orphée et Eurydice… ce qui donne lieu à une succession, voire à une juxtaposition de duos, ou parfois trios, qui s'appuient et se reposent sur des rochers argentés, disséminés sur le plateau. Comme la toile de fond, paysage marin dans une tonalité noir et blanc, les costumes sont taillés dans des tissus légers, formant un camaïeu de gris. Ces tonalités sombres mettent l'accent sur la dimension tragique du destin des personnages évoqués tour à tour par le chorégraphe.

Il est parfois difficile de distinguer les différents couples, car rien dans leurs costumes ne permet de les identifier, en particulier quand ils se fondent dans les unissons du corps de ballet. On reconnaît cependant Caïn et Abel, que le chorégraphe fait mourir à plusieurs reprises, Adam et Ève, alias Hura et Errera, les amants basques, le trio composé d'Othello, de Desdémone et de Iago et un magnifique duo, très empathique, de Didon et Énée. Lorsque le décor s'ouvre, révélant une scintillante grotte d'argent, Orphée et Eurydice se démultiplient en sous-vêtements de couleur chair. Ce qui frappe particulièrement, c'est la multiplication de motifs se dupliquant en boucles savantes et infinies ou en constructions géométriques hyper maîtrisées.

Dans ce ballet à la structure complexe et ambitieuse, l'écriture chorégraphique de Thierry Malandain est inventive. Encore en pleine possession de ses capacités physiques de danseur il y a vingt-cinq ans, Thierry Malandain avait multiplié les portés et les manipulations, poussant les danseurs dans un niveau de technicité inédit. Le CCN Malandain Ballet Biarritz s'empare aujourd'hui avec brio de cette écriture chorégraphique, tant dans les ensembles à l'unisson que dans les parties solistes, et le ballet est parfaitement réglé par les maîtres de ballet de la compagnie, dont Giuseppe Chiavaro qui avait fait partie de la première distribution en 2000. Le choix de porter l'effectif à 22 danseurs, alors qu'ils étaient 14 à l'origine, donne une nouvelle dimension et une seconde vie bienvenue à la pièce, à l'occasion de cette recréation réussie.

Crédits photographiques : ©  Stéphane Bellocq

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