Concerts, La Scène, Musique d'ensemble, Musique symphonique

Philippe Herreweghe interprète le Requiem de Cherubini à Paris

Avec un idéal, livre une grande interprétation de l'Eroica de Beethoven, avant un Requiem de Cherubini parfait pour mettre en exergue les qualités du .

Le pas s'est ralenti pour entrer sur la scène de la Philharmonie de Paris, mais pas son interprétation de la Symphonie n°3 de Beethoven. Aidé dans sa vision par l', idéal de souplesse et de célérité sur instruments anciens, peut impulser à l'ensemble ce qu'il souhaite, malgré des gestes aujourd'hui réduits à la plus pure concision.

Avec un nombre de cordes inférieur à celui des grandes formations symphoniques lorsqu'elles jouent cet œuvre, l'ensemble maintient pour les vents la nomenclature demandée par la partition. Devant trois cors et des bois par deux, quatre contrebasses et seulement un instrumentiste de plus par groupe ensuite – donc cinq violoncelles, six altos, sept seconds violons et huit premiers violons – le chef belge parvient à une cohérence que l'on entend rarement, où l'ensemble d'à peine plus de quarante musiciens n'est jamais mis en défaut par l'acoustique de la grande salle de la Philharmonie de Paris.

Encore plus rapide que dans son enregistrement officiel avec le Royal Flemish Philharmonic, Herreweghe tend d'abord par la fluidité et l'absence de pause dans l'Allegro con brio vers ce que proposait Harnoncourt dans ses interprétations. Face à des bois si naturels et à des cordes si vives, on se dit écouter sans doute quelque chose de véritablement ressemblant à ce que pouvait encore entendre Beethoven lorsqu'il a composé la partition. D'une manière assez inédite, le chef fait ensuite gronder les contrebasses, de même qu'il parvient à insuffler un juste caractère de contrition à la Marcia funebre, sans pour autant jamais empeser le mouvement. Le Scherzo profite encore à merveille de la souplesse des cordes, légères et en même temps très nettes dans les attaques, mais surtout et malgré quelques notes à côté (l'instrument est tellement dur), les interventions des cors naturels montrent exactement ce que devait rechercher ici le compositeur : un effet d'appel, comme à la chasse ou sur le champ de bataille, bien plus puissant que dans les interprétations sur cors modernes. Dans la continuité interprétative des autres mouvements et avec une grande maturité dans les idées du chef, le Finale fait la part belle aux bassons et aux timbales.

Ensuite, le Requiem de Cherubini nous ramène vers la royauté, créé douze ans après la symphonie fugacement dédiée à Bonaparte, en commémoration du 24ème anniversaire de la mort de Louis XVI. Assez peu joué aujourd'hui, l'ouvrage a cependant toujours attiré les grands chefs, de Toscanini à Muti (EMI) en passant par Markevitch et Giulini (Profil). Plus récemment, les chefs baroques comme Frieder Bernus ou Martin Pearlman lui ont donné un nouvel éclairage, suivi par Herreweghe, qui ne reprend cependant pas le Tractus a capella. Avec évidemment plus de componction que dans la symphonie, mais là encore sans jamais chercher à appuyer le pathos, le chef gère surtout cette fois à merveille le , en même temps qu'il profite toujours autant des sonorités de l'.

Très finement, Herreweghe applique la volonté de Cherubini de ne pas tomber dans la démonstration vocale, celui-ci s'étant d'ailleurs refusé à utiliser l'habituel quatuor de solistes en plus du chœur. L'Introitus se développe donc en douceur, avant un magnifique Graduale, où le canon qui fait se superposer les hommes et les femmes sur « Requiem aeternam » montre avec quelle justesse l'ensemble gantois est capable de s'accorder. Un gong ne sert qu'une seule fois en plus des timbales, mais c'est encore avec les cors, les violons et les contrebasses que l'on retrouve le plus d'attrait à un orchestre sur instruments anciens, notamment au puissant Dies irae. L'Offertorium permet de bien séparer les quatre voix du chœur, ensuite plus serein à l'unisson dans le Sanctus et au Pie Jesu, puis toujours aussi concentré pour achever paisiblement cette magnifique soirée, avec l'Agnus Dei.

Crédits photographiques : © ResMusica

(Visited 46 times, 46 visits today)
Partager

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte, écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.