Crystal Pite et Simon McBurney achèvent à Montpellier Danse la trilogie Figures in Extinction sur laquelle ils travaillent ensemble depuis quatre ans avec le Nederlands Dans Theater.

Quel est le point commun entre une orchidée, une grenouille, un rhinocéros et un glacier ? Ils sont en voie d'extinction. La chorégraphe Crystal Pite et le metteur en scène Simon McBurney entreprennent dans Figures in Extinction [1.0] the list
, première partie de la trilogie Figures in Extinction, de dresser la glaçante liste des espèces animales, végétales et des lieux naturels disparus depuis la Préhistoire à nos jours. Bluffante, la chorégraphe canadienne utilise avec maestria tout l'éventail de son écriture chorégraphique pour des solos, duos, quintette ou ensemble qui évoquent un oiseau, un bouquetin, un singe ou un poisson disparus.

Grâce aux splendides lumières de Tom Visser et à la scénographie de Jay Gower Taylor, ainsi qu'à la virtuosité des danseurs du NDT1, ces « figures en extinction » semblent reprendre vie comme par magie dans les vitrines d'un musée d'histoire naturelle. Ponctuellement, avec la technique théâtrale de voix off que l'on a déjà vu dans les spectacles créés par Cristal Pyte avec Kidd pivot, une figure d'homme d'affaires libéral intervient, déclinant tous les poncifs du climato-scepticisme, refusant de voir l'évidence. Cette première partie est assurément un ballet pour éveiller les consciences.

Beaucoup plus (trop ?) bavarde, la deuxième partie signée Simon McBurney, Figures in Extinction [2.0] but then you come to the humans
, s'intéresse à la manière dont fonctionne le cerveau, et dont il se laisse submerger par un trop-plein d'informations et de sollicitations. À travers un groupe compact de danseurs et de danseuses en costumes cravate, happés et rétro éclairés par l'écran de leurs téléphones portables, il décline la submersion informationnelle et ses dérives. Au fur et à mesure du tableau, le message humaniste devient plus audible, tandis que les corps se déploient à l'unisson ou dans un effet miroir. Ces deux parties avaient été créées ensemble en février 2024 à La Haye, siège du Nederlands Dans Theater, et ce n'est qu'en février 2025 que la chorégraphe et le metteur en scène ont complété la trilogie avec une troisième partie, créée à Manchester.

Ce troisième tableau, Figures in Extinction [3.0] requiem
, signé conjointement par Crystal Pite et Simon Mc Burney est le plus ambitieux et le plus saisissant de la trilogie. En s'intéressant au corps et au cerveau humain, il tisse un lien entre les vivants et les morts dans une fresque d'une très belle amplitude, qui pourrait fonctionner seule. La pièce utilise différents registres pour mobiliser l'attention, de l'hyperréalisme d'une agonie et d'un constat de décès dans une chambre d'hôpital à l'onirisme d'un tableau où morts et vivants se mêlent, en passant par une scène d'explosion où tout vole au ralenti, semant la mort et la désolation.

Nommés et invités à se projeter dans leurs racines familiales, les remarquables danseurs du NDT1 témoignent d'une grande attention à l'autre. La chorégraphie du « care » de Crystal Pite renforce cette dimension altruiste et généreuse, avec ses chaînes et ses boucles de mouvements mais surtout la plasticité et la synchronicité de ses figures. L'ensemble de cette partie dont le message est profond et optimiste permet de se rassurer après les messages anxiogènes des deux premières parties : sur le climat et l'extinction de la biodiversité pour la première ou sur la saturation cognitive et informationnelle pour la deuxième. Les sentiments humains et l'attachement à la filiation et aux origines permettront peut-être de sauver l'humanité de l'effondrement ?

Crédits photographiques @ Rahi Rezvani

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