Concerts, La Scène, Musique symphonique

Carolin Widmann et l’Akademie für alte Musik à Augsbourg, l’esprit collégial de la musique

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Augsbourg. Kleiner goldener Saal. 9-X-2025. Michael Haydn (1737-1806) : Symphonie n° 23 MH 287 ; Joseph Haydn (1732-1809) : Concerto pour violon et orchestre Hob. VIIa:4 ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Sérénade pour cordes KV 525 « Une petite musique de nuit » ; Concerto pour violon et orchestre n° 1 KV 207. Carolin Widmann, violon ; Akademie für alte Musik Berlin

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Dans une belle salle rococo que Mozart a bien pu connaître, les musiciens se penchent sur des œuvres connues et inconnues avec un même esprit de découverte.

Mozart et les frères Haydn dans une salle qu'ils auraient pu connaître, c'est toujours une expérience forte. La « petite salle dorée » à Augsbourg est la salle des fêtes du collège jésuite, construite en 1763, dans une petite rue à l'écart du centre-ville. On ne peut savoir si Mozart est entré dans cette salle, mais il est au moins passé devant : c'est dans cette rue que résidait la cousine de Mozart, la Bäsle avec laquelle il entretient une correspondance bien connue. La ville natale du père de Mozart organise chaque année un festival Mozart au moins de mai : on ne saura pas pourquoi ce concert seul se retrouve programmé en plein automne, mais le public ne se fait pas prier.

La première partie du concert est consacrée à des œuvres qu'on n'entend pas tous les jours en concert. Les symphonies de ont certes été enregistrées, chez CPO (aujourd'hui repris dans un coffret monographique chez Brilliant Classics), mais elles n'en sont pas plus connues pour autant. Cette 23e symphonie, datée de 1779, est peut-être un peu moins ignorée, parce qu'une copie de la main de Mozart d'une partie du finale fugato a conduit Ludwig von Köchel à attribuer à ce fragment le numéro 291 dans son catalogue des œuvres de Mozart. Elle n'a tout de même pas grand-chose de mozartien, a fortiori du Mozart de 1779, déjà en pleine possession de ses moyens. On peut admirer, certes, l'ambition compositionnelle de ce fugato, et Haydn le jeune propose un parcours plein de surprises, de théâtre musical en quelque sorte – mais il faut bien dire que ces vents (ici deux cors, deux hautbois et un basson) peu individualisés ne sont pas très inventifs, et on le sent trop soucieux de divertir son auditoire à chaque instant pour penser le discours musical à l'échelle de la symphonie entière.

L', du moins, donne ici une interprétation plus ambitieuse que ce qu'en proposent les rares enregistrements disponibles, et la vingtaine de musiciens présents sur scène tirent tout le profit possible de la partition, sans céder à la tentation d'en exagérer les discontinuités – on se réjouit que l'effectif présent soit à la hauteur de l'œuvre et de la salle, loin des effectifs étiques qu'on subit souvent dans ce répertoire préclassique.

C'est ensuite au tour de la soliste de faire son entrée : interprète ce soir non pas un, mais deux concertos, le premier concerto de Mozart pour finir le concert, et tout d'abord le quatrième des trois concertos de Haydn – le deuxième, en effet, est perdu, sans parler des apocryphes. Quatrième et dernier donc, et pourtant encore une œuvre de jeunesse : accompagné par les seules cordes, le violon solo n'y est pas un virtuose planant au-dessus d'un faire-valoir orchestral. , comme elle le fera aussi pour le concerto de Mozart à la fin du programme, se conforme à la partition et aux usages du temps en jouant avec les premiers violons quand elle n'est pas sollicitée comme soliste, ce que tous les solistes ne font pas, et elle ne tente pas dans ses interventions en solo de mettre son instrument en avant plus qu'il ne le faut ; cette position moins surplombante que d'habitude n'est pas dans nos habitudes d'écoute, mais l'expérience est gratifiante.

Après l'entracte, on pouvait redouter la Petite musique de nuit, que contrairement à ce que laisse entendre le programme on entend bien assez en concert. L'Akademie für alte Musik, toujours sans chef mais avec qui se glisse dans les seconds violons, ne peut tout à fait sauver l'œuvre de son éprouvante surexploitation, mais elle propose du moins une interprétation droite, sans alanguissements, qui redonne sa dignité à une œuvre trop souvent maltraitée à force de vouloir à tout prix en faire un tube : dans ces conditions, avec autant d'esprit que de rigueur, on peut pour une fois prendre plaisir à cette œuvre rabâchée.

Puis Carolin Widmann revient en soliste pour le premier concerto de Mozart, moins rabâché mais tout même plus courant dans le répertoire des concerts que le concerto de Haydn ; elle ne reprend pour autant pas la posture du soliste romantique et pense son interprétation en étroite relation avec le son de l'orchestre. Ici encore, toujours en conformité avec la partition et les usages d'époque, elle joue les tutti avec les premiers violons, et ses interventions solistes ne réduisent jamais l'orchestre à une simple bande-son, même si sa partie est évidemment plus exigeante et plus centrale que dans le concerto de Haydn. Elle trouve dans les musiciens de l'Akademie des partenaires d'une même probité musicale, tout aussi inventifs et engagés qu'elle-même. Elle s'abstient à la fin du concert de donner un bis en soliste : c'est une bonne illustration du premier facteur de réussite de ce concert, l'esprit collégial qui n'oppose pas l'individu et le collectif mais les place à égalité.

Crédits photographiques : © Bastian Walcher

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Augsbourg. Kleiner goldener Saal. 9-X-2025. Michael Haydn (1737-1806) : Symphonie n° 23 MH 287 ; Joseph Haydn (1732-1809) : Concerto pour violon et orchestre Hob. VIIa:4 ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Sérénade pour cordes KV 525 « Une petite musique de nuit » ; Concerto pour violon et orchestre n° 1 KV 207. Carolin Widmann, violon ; Akademie für alte Musik Berlin

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