Folksongs de Berio et créations par l’Ensemble intercontemporain
Le soir du centième anniversaire de Luciano Berio (1925-2003), le Festival d'Automne de Paris et la Philharmonie ont programmé un concert mettant à l'affiche les célèbres Folksongs du compositeur, entourées par les créations inégales de quatre jeunes compositrices : Sara Glojnarić, Eva Reiter, Ni Zheng et Zara Ali.

Commençons ce compte-rendu par la création la plus réussie de la soirée, Cauldron of Mania de Ni Zheng (née en 1997) pour ensemble et électronique donnée ce jour en première mondiale. Extrêmement sombre, cette pièce figurative fait entendre coups, gémissements et pleurs. Un long cri (celui de la souffrance infligée aux animaux) se déploie tout au long de la pièce à partir de la voix de la compositrice. L'œuvre, saisissante et angoissante, transporte le spectateur sans son univers lugubre à la structure et à l'écriture maîtrisées. L'autre réussite de la soirée est la création de S.M.B. (South Memphis, Bitch) de Zara Ali. Dans cette œuvre politique, qui dénonce l'implantation polluante d'une usine de calcul intensif appartenant à Elon Musk dans le Sud de Memphis, la compositrice emprunte, dans une esthétique renouvelée, à l'art du collage cher à Luciano Berio. Cette pièce a pour point commun avec Cauldron of Mania de Ni Zheng d'avoir une thématique autour de l'environnement et d'être une œuvre mixte. Cependant, elle s'appuie sur une esthétique plus pop-rock. Dans cette pièce dynamique, la compositrice veille à l'équilibre entre l'électronique et les instrumentistes.
Le concert a débuté par la création française d'Irrlicht d'Eva Reiter pour ensemble et électronique. La compositrice explore le matériau des instruments et s'inspire de la voix humaine. Les sons des instruments sont triturés, les modes de jeux traditionnels modifiés par des bruits de clés, des bruits de bouche, des sons percussifs sur l'instrument. On est presque dans de la musique concrète ou les recherches des bruitistes du début du XXe siècle. Mais trop d'effets tuent l'effet et la pièce s'essouffle vite. Pure Bliss de Sara Glojnarić, également en création française ce jour, souffre d'une électronique assourdissante qui gêne l'oreille et masque les sonorités acoustiques. Il y a cependant quelques bonnes idées comme le jeu sur la pulsation, ou le finale pendant lequel le chef d'orchestre diffuse une musique de son choix. Ce soir, Vimbayi Kaziboni avait choisi Feelings de Nina Simone.

Pour célébrer les 100 ans de Berio, l'Ensemble intercontemporain a choisi d'interpréter les Folksongs composées pour Cathy Berberian en 1964, le fil conducteur du concert étant l'utilisation de la voix sous différentes formes. La partie vocale est confiée à Sarah Aristidiou, un peu scolaire et manquant au début d'ouverture dans les aigus (le trac est-il en cause ?). Les solistes de l'Ensemble intercontemporain, sous la direction placide mais au cordeau de Vimbayi Kaziboni, sont tous excellents, mais il manque hélas ce soir un souffle, une dynamique, une chaleur pour nous emporter pleinement dans ce chef-d'œuvre de Luciano Berio.
Crédits photographiques : © Anne-Elise Grosbois
Lire aussi :









