Thaïs mis en espace par Pier Luigi Pizzi
L'œuvre de Jules Massenet est trop connue pour que nous en rappelions ici l'argument. En revanche, on ne saurait assez souligner l'originalité d'une production qui sous la direction de Pier Luigi Pizzi, chef flamboyant et précis, a choisi d'éviter les coûteux (et parfois inutiles) effets de la mise en scène rétro pour se contenter d'une « mise en espace » d'un goût et d'une sobriété qui forcent l'admiration.
Impeccablement encadrés et accompagnés, les chanteurs ont ainsi tout loisir de faire valoir leurs voix plaisantes, notamment Eva Mei qui, dans le rôle-titre, fournit une prestation très agréable, très délicate, dans un climat dépouillé servant au mieux les subtilités de la partition de Massenet. Quant à l'Athanaël de Michele Pertusi, sans être parfait – et même à la limite de la justesse dans certain aigus – il se signale par une très remarquable présence scénique, qui touche parfois à la grandeur (« Toi qui mis la pitié dans nos âmes »). Si la vision enchanteresse de Thaïs reste l'un des grands moments scéniques de cette version, avec une disposition particulièrement judicieuse des danseuses sulfureuses, on note un certain relâchement au cours du second acte ; il ne suffit pas, pour racheter la médiocrité des décors, d'empourprer Thaïs et de lui offrir un lit d'épines dont elle semble assez peu ressentir la cruauté ! Pour ne pas dire qu'elle étonne et déçoit par la faiblesse de son investissement scénique. Le reproche peut aussi valoir pour le troisième acte, la pléthore des croix et l'omniprésence du lit d'épines finissant par générer un certain sentiment de lassitude. Rien à relever en revanche du côté de l'orchestre, efficace, juste, cohérent. Quant à la célèbre Méditation, elle peut ne pas enthousiasmer, mais c'est tout de même, pour le mélomane, l'occasion de se souvenir que, gaie ou mélancolique, sublime ou licencieuse, la musique n'est jamais gagnante qu'au prix d'efforts multiples et constants, à l'image de ceux que déploie ici sa très sensible interprète ! Enfin, il serait injuste de clore cette chronique sans saluer la performance de Christine Buffle et Elodie Méchain dans l'admirable duo unissant et opposant Crobyle à Myrtale, ainsi que celle des exécutants du chœur des moines.









