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Mon royaume pour un énième bis

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Paris. Cité de la Musique. 22-III-2006. Steve Reich (né en 1936) : Sextet, pour percussions, pianos et synthétiseurs ; Different trains pour quatuor à cordes et support audio ; Variations pour vibraphones, pianos et cordes. London Sinfonietta, direction : Brad Ludman.

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Hommage à par le

L'ovale de la salle des concerts de la Cité de la Musique était archicomble ce soir-là. Preuve que la musique d'aujourd'hui – ou d'avant-hier – sait séduire les foules quand elle veut bien céder aux sirènes plaisantes et irrésistibles du easy listening. Reconnaissons que n'est pas l'un des minimalistes américains qui ait le plus démérité avec le temps, malgré le succès qui a fait de lui une véritable pop star – plus de 150 concerts à travers le monde cette année pour ce jeune homme qui fête ses 70 ans – Philip Glass remportant haut la main la palme de la complaisance mélodique façon Clayderman pour bobos après des débuts extrémistes qui datent tout de même de plus de 40 années. On sent en effet chez comme un fond de sincérité intacte, une candeur ingénument savante dans la fidélité à un procédé qui se traduit par une exigence rythmique et un minimum de concessions faites aux facilités un peu casse-bonbon de ses nombreux suiveurs approximatifs (Michael Nyman, René Aubry, Wim Mertens et consorts…)

Jouant d'une symétrie sonore totale, électriquement amplifiée – qui ne nous a pas épargné des entrées de souffle un peu perturbantes – l'instrumentation séduisante du Sextet (percussions, pianos et synthétiseurs) hypnotise d'emblée l'assistance par le balancement lentement décalé de ses cinq mouvements enchaînés. Créée voici plus de vingt ans au centre Pompidou à Paris par l'ensemble Nexus, l'œuvre entraîne toujours inexorablement l'écoute dans le piège plaisant de la répétition déphasée, empruntée aux archétypes de toutes les musiques populaires du monde -dont l'Afrique n'est peut-être que le creuset le plus archaïque– calées qu'elles sont sur nos biorythmes les plus intimes et donc les plus universels. Le métissage est donc ici parfaitement invisible, ou plutôt fondu dans une pulsation confondante de précision et de dynamisme qui nous hante tous au plus intime de notre corps. Superbement swinguée par les instrumentistes du , les déplacements des percussionnistes s'effectuent avec la grâce de danseurs en état d'apesanteur. Une réussite.

C'est à un convoyage différent que nous invite Different Trains, quatuor qui avec Helicopter quartet de Stockhausen partage la grâce de l'alliance entre le mœlleux charnel des cordes et la sensualité froide des machines. Pour l'auditeur abonné au CD du Kronos Quartet maintes fois remis en boucle sur sa platine, la surprise est de taille de constater que ces fameuses cordes font l'objet en quelque sorte d'un rerecording en bonne et due forme, des parties d'écriture purement instrumentales se trouvant tout simplement déjà fixées sur le support audio. On apprécie la paradoxale fraîcheur de cette musique mixte – qui rappelle les heureux débuts de It's Gonna Rain, dont les boucles vocales réitérées héritées de Schaeffer préfigurent tout le mouvement minimaliste américain qui déferlera par la suite… Le parallèle entre les allers-retours du jeune Steve Reich entre New-York et Los Angeles et les allers sans retour pour Treblinka est un peu « léger », mais on conviendra que l'évocation du drame des camps d'extermination est un peu plus concise que celle de Claude Lanzmann. Les voix se confondent aux voies, et la musicalité troublante de ces fragments de voix trouve une distanciation stupéfiante dans l'imitation effectuée principalement à l'alto – véritable écho de voix humaine et soliste de ce quatuor– dans ses reprises décalquées en speech melodies. Un opéra miniature ciselé et émouvant.

Créées à Cologne et redonnées à Bruxelles, Vienne, Amsterdam et Athènes…les Variations pour vibraphones, pianos et cordes ont la dimension irrésistible d'une déferlante rythmique inexorable. Il n'est pas innocent que le train qui inspira les premières études de musique concrète se retrouve avec l'œuvre précédente et celle-ci au cœur de l'inspiration minimaliste, tant le transport – amoureux et hypnotique – donne corps à tous nos fantasmes de régression primitive et d'évasion définitive. Remplacer le silence par des sons, c'est l'exact opposé d'une démarche à la Gérard Pesson ou à la Helmut Lachenmann, et cette accumulation orgiaque se défend tant elle tend elle aussi à la monumentalité du vide. L'univers ultra-consonnant de Steve Reich n'appelant plus aucun commentaire c'est sur le relatif ratage de la chorégraphie du pourtant génial Akram Kahn que nous nous arrêterons : une gestuelle extrême-orientale plus qu'indienne se serait parfaitement satisfaite d'un seul danseur, tant elle paraphrase par trop la répétition des cycles musicaux, manque terriblement d'imagination dans ses développements, de cohérence et de précision dans les déplacements des trois danseurs… Il n'aurait fallu en garder qu'un, de loin le plus inspiré et intérieur et cela eût suffi à notre bonheur : le jeune coréen Young Jin Kim était parfait. Magnifique soirée tout de même.

Crédit photographique : © DR

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