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Dijon. Grand Théâtre. 14-III-2007. Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Quatuor n° 9 en ut mineur « Razumowsky » op. 59 n° 3  ; Franz Schubert (1797-1828) : Quatuor n° 14 en ré mineur « La Jeune Fille et la Mort » D. 810. Quatuor Mosaïques : Erich Höbarth, violon I ; Andrea Bischof, violon II ; Anita Mitterer, alto ; Christophe Coin, violoncelle.

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Bon ; le troisième « Razumovsky » et La jeune Fille et la Mort ; on se dit : voilà un programme pas franchement original. On s'en accommode cependant volontiers, avec le sentiment que, tout bien considéré, on ne s'en lasse pas. Et puis l'occasion n'est pas si fréquente, dans nos provinces, d'entendre les Mosaïques en concert. Un quatuor qui, depuis maintenant plus de vingt ans qu'il a imposé sa marque et ses particularités, s'est forgé une réputation – non usurpée – de rigueur et d'excellence. Sa marque tenant essentiellement à l'emploi d'instruments « historiques » et donc à sa sonorité, et sa particularité première touchant à sa composition : un violoncelliste français – fondateur – et trois artistes autrichiens, purs produits des écoles viennoises et membres permanents, entre autres, du fameux Concentus Musicus Wien.

Après leur incontestable réussite discographique dans Haydn, dont ils semblent s'être faits une quasi-spécialité, les Mosaïques sont actuellement engagés dans l'opus 18 de Beethoven (les Quatuors n°2 et n°3 sont annoncés en avril chez Naïve), une option qui ressemble fort à l'amorce d'une intégrale. Aussi le choix du quatuor n° 3 de l'op. 59 n'est-il sans doute pas pur hasard.

Si Beethoven, comme on le sait, ne composait ni pour quelque dédicataire (en l'occurrence ici, le comte Razumovsky, ambassadeur de Russie à Vienne) ni – et encore moins – pour les « misérables cordes » ( !) chargées de jouer sa musique, mais, affirmait-il, pour l'avenir, pour la postérité, on ne peut s'empêcher d'éprouver, à deux siècles de distance, une pensée compatissante pour le « pauvre » Schuppanzigh et ses amis musiciens du quatuor, confrontés aux difficultés d'exécution de la partition, et cela même si ces œuvres ne font plus aujourd'hui figure d'épouvantail. Le fait est que nos « misérables cordes » du moment, passé un démarrage à froid pas exemplaire de netteté (un trait de violon, un autre d'alto), s'acquittent fort bien de la tâche. Ainsi peut-on souligner une introduction lente inquiétante à souhait, captant immédiatement l'attention, une parfaite maîtrise rythmique dans ce premier mouvement chaotique, un Andante infiniment mélancolique que les sonorités instrumentales et tout particulièrement la matité du pizzicato au violoncelle dramatisent (peut-être à l'excès), gommant par exemple tout caractère de romance aux épanchements du violon I. Si le menuet n'appelle pas de remarque particulière (sinon qu'il s'agit là du dernier que Beethoven composa), l'ébouriffant Allegro molto final (joué ici quasi presto) donne toute la mesure du talent des interprètes, dont le jeu de grande rigueur, dense, tendu, serré, fait merveille : un modèle de virtuosité contrôlée. D'autant que – et c'est ce qu'il y a d'extraordinaire avec ces Mosaïques – ils ne trahissent, physiquement s'entend, aucun effort apparent. Difficile de trouver plus sobre dans la tenue…et dans l'effet.

Oui mais…justement ; après Beethoven, le plus romantique des classiques, Schubert : sans doute le plus classique des romantiques. Qu'en sera-t-il du « ré mineur » ? Tellement joué, tellement de références à opposer…et puis les instruments anciens… ?! Réglons tout de suite cette dernière objection : les timbres instrumentaux, et donc la « couleur », ce n'est pas le vrai problème. Un peu d'acidité, de cette böse Farbe chère au compositeur, ne messied pas à sa musique, à ce quatuor-là en tout cas ; Mais trop de rigueur et de sobriété (des qualités qu'on pouvait apprécier dans Beethoven) ne sont pas pour autant applicables à Schubert ; ou alors c'est un peu comme le Pollini des dernières sonates, même si on peut, certes, apprécier : la partition, rien que la partition ! Or, sans prôner la carte du pathos, il manque un peu de vie, de flamme, d'intensité, d'émotion à ce Schubert-là. Si l'Allegro initial – prometteur – et le Scherzo échappent à la critique, en dépit d'une belle clarté instrumentale, d'une louable pureté de ligne et d'articulation, ils nous proposent globalement une lecture qui, à notre sens, pêche par modération : les variations Andante con moto sur le thème du Lied (épisode capital de l'œuvre) manquent de relief dans la dynamique et le phrasé ; un violoncelle, certes très juste et de beau son, mais au vibrato un peu chiche ; le Presto final manifestement tempéré d'un Ma non troppo, tout cela relativise l'enthousiasme, surtout quand vous ont vivement marqué, au disque comme au concert, des prestations telles que celles des Berg, des Prazák ou des Manfred…

L'auditoire montrant toutefois, et avec insistance, une visible (et audible !) satisfaction, les Mosaïques consentent un bis ; et c'est Schubert encore, léger, allègre et viennois, presque mozartien, avec le Menuet du Quatuor n°9 D. 173 : pure gourmandise que l'on déguste…sans modération.

Crédit photographique : © DR

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Dijon. Grand Théâtre. 14-III-2007. Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Quatuor n° 9 en ut mineur « Razumowsky » op. 59 n° 3  ; Franz Schubert (1797-1828) : Quatuor n° 14 en ré mineur « La Jeune Fille et la Mort » D. 810. Quatuor Mosaïques : Erich Höbarth, violon I ; Andrea Bischof, violon II ; Anita Mitterer, alto ; Christophe Coin, violoncelle.

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