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Gérard Grisey, le frisson interstellaire au Festival Agora

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Paris. Eglise Saint Eustache 4-VI-2008. Festival Agora. Gérard Grisey (1946-1998) : Le noir de l’étoile pour six percussionnistes disposés autour du public, bande magnétique et transmission in situ de signaux électroniques. Les Percussions de Strasbourg. Technique IRCAM

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En Prologue à l'ouverture officielle du Festival Agora qui se tiendra à la Cité de la musique ce Mercredi 5 Juin, son directeur Frank Madlener rendait un premier hommage à décédé le 11 Novembre 1998 en programmant à l'Eglise Saint Eustache « Le noir de l'étoile ». 

L'œuvre est certainement la plus visionnaire du compositeur suscitée par la rencontre à Berkeley en 1985 de l'astronome et cosmologiste Jo Silk. Ce dernier fait découvrir à Grisey les sons des pulsars, ces grands « phares du ciel », véritables toupies aimantées qui titillent aussitôt l'imagination du musicien envisageant alors la possibilité de les intégrer dans une œuvre qui leur servirait d'écrin.

Faute de pouvoir capter en temps et en heure les sons de ces pulsars – Grisey rêvait cependant d'une exécution « in situ » et « in tempore » reliée aux rythmes cosmiques -, ces signaux astronomiques fixés sur support audio sont diffusés et spatialisés par 12 haut-parleurs imposant aux six percussionnistes entourant le public un tempo de référence. Mieux encore que la Salle des concerts de la Cité de la musique où Les avaient déjà donné l'œuvre il y a quelques années de cela, l'espace acoustique et la capacité de résonance de l'Eglise Saint Eustache plongée dans le noir offrait à l'auditeur le lieu idéal pour se sentir assiégé par l'énergie du son propulsé de tous les côtés par des interprètes qui semblaient ce soir avoir décuplé leur force vitale pour dialoguer avec « l'objet céleste ». A l'instar d'un Varèse regardant toujours vers « un nouveau ciel », évoque « le pouvoir chamanique » de la percussion capable de nous relier aux forces qui nous entourent ».

Après une introduction diffusant en « voix off » le très beau texte de l'astrophysicien – mais aussi poète et écrivain – Jean-Pierre Luminet à qui Grisey emprunte le titre de son œuvre « Le noir de l'étoile », les six percussionnistes cernant le public sortent progressivement de la pénombre tandis que naît la pulsation originelle. Puis s'ouvrent ensuite « quatre fenêtres » sur la transmission des pulsars – celui de Vela d'abord qui séduit tout particulièrement le compositeur – auxquels réagissent les interprètes par le biais des différentes qualités résonnantes de l'instrumentarium choisi par Grisey. Entre chocs brutaux dont la violence est souvent à l'échelle de la fureur cosmique, chaos granuleux et bouffées rythmiques des peaux et des métaux – « analogues aux sons que nous transmet le soleil » – Grisey semble nous faire écouter tous les sons de la planète jusqu'au « déchaînement progressif des forces centrifuges sonores » dans le final ponctué par un ultime coup de cymbale suspendue ; c'est « l'instrument pulsar » ; il est placé au centre de l'espace acoustique et va propager son onde sonore et lumineuse jusqu'à l'extinction totale du mouvement.

Cette œuvre d'une force absolue et d'une beauté transcendante ne manqua pas de susciter au sein de l'auditoire une violente émotion à la pensée du compositeur disparu.

Après ce Prologue saisissant, deux autres concerts à l'affiche du Festival Agora, les 5 et 7 Juin, prolongeront l'hommage fait à l'un des compositeurs les plus singuliers de notre temps. Pour le dixième anniversaire de sa mort, les éditions Musica Falsa publient le volume très attendu des écrits complets du compositeur.

Crédit photographique : © DR

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