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La Scala et Barenboim à Paris, en mode symphonique

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Paris. Salle Pleyel. 28,29-I-2012. Manuel de Falla (1876-1946) : Nuits dans les jardins d’Espagne. Maurice Ravel (1875-1937) : Rapsodie espagnole ; Alborada del gracioso ; Pavane pour une infante défunte ; Boléro. Gioachino Rossini (1792-1868) : Ouverture de Semiramide. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concerto pour piano n°26 en ré majeur K.537 « Couronnement ». Giuseppe Verdi (1813-1901) : Quatuor en mi mineur (version pour orchestre à cordes). Claude Debussy (1862-1918) : La Mer, trois esquisses symphoniques. Filarmonica della Scala de Milan, piano et direction : Daniel Barenboim

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Ancien locataire des lieux à l'époque où il était directeur de l'Orchestre de Paris, revenait pour deux concerts dans une salle Pleyel rénovée depuis, avec un de ses orchestres actuels, le , extension de l'orchestre d'opéra de la Scala de Milan. Il reviendra un peu plus tard dans la saison avec son autre orchestre, la Staatskapelle de Berlin. Pour cette fois il a choisi un premier programme tout entier hispanisant, alors que plus de variété d'inspiration nous attendait le lendemain.

Pour la première œuvre inscrite au programme, dirigée du clavier par Daniel Barenboïm, un dispositif scénique particulier a été mis en place avec un piano légèrement incliné permettant au chef-pianiste d'avoir les premiers violons à sa main droite, et le reste de l'orchestre à sa gauche (et en partie dans son dos aussi). Sans doute voulait-on ainsi préserver la puissance d'émission du piano vers la salle, mais ça ne nous a pas semblé toujours suffisant tant l'équilibre sonore parut perfectible, avec des effets montagnes russes où parfois le piano sonnait véhément suivi de passages où il disparaissait sous l'orchestre. D'ailleurs on nota, dès ces Nuits dans les jardins d'Espagne que le niveau sonore était globalement élevé, avec des pianissimo plus proches du mezza voce et des fortissimo gonflés aux anabolisants, c'est-à-dire manquant franchement de subtilité et de variété, grossissant le trait dans des œuvres qui ne le réclament pas vraiment. Cela constitua le gros défaut de ce premier concert, qui gâcha incontestablement une partie du plaisir, retirant de l'esprit à ces œuvres, dont d'ailleurs, le caractère espagnol n'était pas si flagrant que ça. Et l'idée de diriger cette œuvre de du piano ne nous a pas plus convaincus devant la sensation de manque de continuité ressentie au long des trois mouvements de l'œuvre.

Après l'entracte et ce début de concert cahin-caha nous attendait un programme tout Ravel qui allait se montrer plus convaincant, retrouvant dans chacune des œuvres une meilleure continuité du discours, une cohérence de ton plus affirmée, ainsi que plus de variété expressive (merci au talent d'orchestrateur de Ravel). Néanmoins ce « plus » plafonnait assez vite sous la direction un peu binaire du chef, qui ne cherchait manifestement pas à peaufiner chaque détail et chaque plan sonore, mais aller droit au but avec ce qui sembla être les fameux fortissimos mentionnés plus haut. Le Boléro conclusif allait en être l'archétype, avec à son début une caisse claire parfaitement audible même au fin fond de la salle (rappelons nous le même passage quasi muet avec Welser-Möst), un Barenboim laissant l'orchestre seul jusqu'au premier tutti, et ensuite un « bruit » gonflant jusqu'à l'énorme, qui impressionna sans doute le public si on le mesure au niveau de ses applaudissements. Ce plaisir partagé conduisit le chef à se lancer dans pas moins de quatre bis tout aussi hispanisants puisque extraits de la suite de Carmen, dont le dernier, sitôt lancé, fut abandonné par le chef qui, visiblement heureux, se promena dans les rangs de son orchestre, félicitant ou plaisantant avec ses musiciens, jusqu'à ce que le public décide d'entrer dans la danse en marquant la mesure par ses applaudissements, à l'image de la fameuse Marche de Radetzky du 1er janvier. Le chef, restant au milieu de ses troupes se contenta alors de diriger le public, concluant la soirée dans la bonne humeur générale.

Si le concert du lendemain resta globalement sur les mêmes bases, plus musclé que raffiné tout en étant moins « anabolisé » que la veille, il apporta plus de satisfaction, en particulier grâce à un Mozart qui convient toujours fort bien à Barenboïm, à un joli Verdi et à un orchestre de la Scala qui nous paru plus concentré. Le concert débuta par une Ouverture de Sémiramide de belle tenue, chef et orchestre surent ménager les moments de suspens et ne pas trop en faire sur les crescendos, corrigeant ainsi en partie le défaut des fortissimos trop épais de la veille.

Barenboim reprit ensuite sa place au piano pour un concerto du « Couronnement », sans doute hors des modes, mais musicalement très défendable et fort bien défendu. Peut-être l'orchestre, un peu banal par rapport aux meilleures formations, malgré de bons solistes, n'apporta pas un aspect plus décisif à cette interprétation. Avec la version pour orchestre à cordes du Quatuor de Verdi, plus d'effet grossier sur les tutti, et, peut-être parce que les musiciens chantaient « dans leur arbre généalogique », il nous a semblé que la musique avait retrouvé un naturel et une évidence qui coulait de source, avec une ampleur dynamique maitrisée et une élégance qui allaient très bien à cette œuvre. Enfin, la soirée s'acheva sur La Mer de Debussy, qui, d'un point de vue orchestral fut sans doute le meilleur moment du cycle (hors Verdi où l'orchestre était réduit à ses cordes). On y trouva une belle animation des différents épisodes, des couleurs adéquates même si manquant toujours un peu de subtilités, comme certains fortissimos. C'est sur un vigoureux «Dialogue du vent et de la mer» (pas de bis ce soir, même si, à l'évidence, il y en avait un tout prêt) que s'achevait ce cycle Barenboim-Scala, où le plaisir de jouer ensemble allié avec une incontestable connivence avec le public, généra une bonne humeur communicative en même temps qu'un léger sentiment de désinvolture toute italienne qui nous sembla par moment poindre.

Crédit photographique : © Silvia Lelli

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