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Salonen et Mahler, les propositions fortes savent toujours se faire entendre

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Luxembourg. Philharmonie. 3-X-2019. Alban Berg (1885-1935) : Lulu-Suite, pour soprano et orchestre ; Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 9. Rebecca Nelsen, soprano ; Philharmonia Orchestra ; direction : Esa-Pekka Salonen.

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Avec Mahler et Berg, est au cœur de son répertoire. Ce soir avec le , le premier lui réussit mieux que le second.


La Symphonie n° 9 de suffit souvent à occuper toute une soirée, mais Esa Pekka Salonen aime la faire précéder d'œuvres nées dans le même contexte, celui de cette Vienne du début du XXe siècle, creuset réel et fantasmé de notre modernité. Ce soir, c'est la Lulu-Suite d' qui ouvre donc le concert : l'attachement de Salonen à ce répertoire permettait d'en attendre beaucoup, mais le résultat est étonnamment terne. Les séductions sonores, la sensualité de cette musique passent au second plan derrière ce qu'on suppose être une conception plus dépouillée, mais le résultat paraît plus monotone qu'austère. apporte un peu de chaleur, avec une voix qui n'est pas celle d'un soprano léger, avec des aigus sans faille, mais une couleur plus métallique et cuivrée que d'habitude : on entendra avec intérêt ce qu'elle peut proposer dans le rôle complet qu'elle a abordé en 2018, mais essayer de jouer le rôle y compris pendant les mouvements où elle ne chante pas n'est pas une excellente idée.

La pièce de résistance du concert, elle, ne justifie pas ces quelques réserves. On pourrait craindre la lassitude face à une œuvre si souvent programmée ces dernières années, a fortiori par les orchestres en tournée, mais les propositions fortes savent toujours se faire entendre. À des années-lumière de la vision de fin du monde proposée par Herbert Blomstedt, Salonen livre une interprétation dans la droite ligne de ses choix antérieurs, rapide sans superficialité, dramatique sans grands effets (en témoigne un disque, déjà avec le Philharmonia, qui confirme ici ses qualités, peut-être sans vertige mais avec efficacité). On donnerait sans doute de cette vision de l'œuvre une image trompeuse en le qualifiant d'intime, mais c'est pourtant bien de cela qu'il s'agit : non, Salonen n'invente pas un Mahler de salon, bien entendu, et cependant il n'est sans doute pas faux d'y entendre un parcours individuel, celui d'un héros à la façon du Titan de la Symphonie n° 1. Il y a dans cette vie de héros des moments de contemplation, une manière de faire entrer en soi toute la nature : l'individu ne s'y abîme pas dans le cosmos, mais y nourrit sa force vitale.

Rien dans tout cela n'est désincarné, abstrait, éthéré : il y a au contraire une chaleur humaine qui unit les moments les plus hédonistes et les combats plus douloureux. Notre héros ne dédaigne pas les plaisirs simples du Ländler du deuxième mouvement, le grotesque est présent, et les combats du finale ne sont pas un cri de douleur, mais une véritable lutte où la vie ne veut pas partir vaincue. Schoenberg voyait dans l'œuvre un effacement de la subjectivité, ce n'est pas du tout ce que Salonen fait entendre, au contraire. Les détenteurs de certitudes interprétatives diront qui a raison, mais les mélomanes ne peuvent que se réjouir qu'on ne leur refuse pas les accès pluriels à une telle œuvre, dans toute sa polysémie.

Photo © Benjamin Suomela

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Luxembourg. Philharmonie. 3-X-2019. Alban Berg (1885-1935) : Lulu-Suite, pour soprano et orchestre ; Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 9. Rebecca Nelsen, soprano ; Philharmonia Orchestra ; direction : Esa-Pekka Salonen.

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