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À Liège, rendez-vous amoureux avec Michael Spyres

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Liège, Salle Philharmonique. 17-I-2021. Airs de Wolfgang Amadeus Mozart, Charles Gounod, Jules Massenet, Giuseppe Verdi, Richard Wagner, Giacomo Puccini, Leonard Bernstein. Avec : Elise Caluwaerts, soprano ; Michael Spyres, ténor. Orchestre Philharmonique Royal de Liège, direction : Gergely Madaras
Concert filmé et diffusé sur le site de l’OPRL

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L', dirigé par son chef titulaire depuis septembre 2019, , propose un concert à la thématique opératique et amoureuse, avec le concours de deux solistes du chant : l'éblouissant ténor américain, , secondé par la soprano belge .

Dans les conditions très strictes d'un quasi reconfinement général belge, la phalange mosane profite des quelques permissivités de la norme sanitaire pour continuer à un rythme réduit ses activités en livestreaming sur sa nouvelle plateforme numérique. Sous un éclairage feutré évocateur des fastes de l'opéra, la scène de la Salle philharmonique, envahie de plexiglas de sécurité, qu'un habile cadrage nous fera oublier, semble soudainement bien vide lorsque surgissent de l'obscurité le concertmeister (excellent Alberto Menchen) et le chef, masqués.

L'orchestre, courageux et discipliné, adopte une distribution symphonique réduite, au gré des circonstances, sorte de moyenne pondérée entre répertoires mozartien et wagnérien : au final seuls Gounod, Massenet et Verdi y trouveront vraiment leur compte par une adéquation plus probante de l'effectif. Car la répartition des cordes semble un brin lourde pour Mozart, plombant le frais babil de l'ouverture de Cosi fan tutte, et inversément malingre et rachitique pour ce prélude de Tristan un peu rhétoriquement stoïque et distant, loin de toute irrépressible ignition musicale. Il est donné de surcroît dans un montage alambiqué avec cette coda inspirée des ultimes mesures du « Liebestod » assez maladroitement raccordée au corps des pages augurales du drame.

L'on peut compter sur le métier du chef, pour brider ou stimuler une phalange peu aguerrie au répertoire lyrique et à un travail d'accompagnement de fosse d'opéra. A plus d'une reprise l'orchestre semble jouer la prudence avant tout, malgré des solistes de la petite harmonie particulièrement en verve (entre autres la flûte lustrale de Valerie Debaele, ou l'adamantin hautbois de Sylvian Cremers).

L'essentiel demeure évidemment pour un tel récital lyrique placé sous les flèches de Cupidon, le couple vedette d'amoureux transis. Le ténor apparaît bien précautionneux, un peu approximatif de justesse et de projection et stylistiquement un rien ampoulé dans l'air de Ferrando Un'aura amorosa del nostro tesoro au second acte de Cosi fan tutte, exigeante entrée en matière s'il en est. Plus détendu et impliqué, il améliore sensiblement la projection de la voix au fil du duo – enchaîné – avec Fiordiligi Fra gli amplessi in pochi istanti, tandis que sa partenaire, la soprano montre une intonation parfois erratique et un vibrato trop envahissant dans ce répertoire impitoyable.
Notre couple d'amoureux trouve enfin le bon registre et le ton correct au fil des deux duos d'opéras français proposés. subjugue tant dans en Roméo (Gounod) qu'en des Grieux (Massenet) par sa facilité d'émission, sa richesse timbrique, la clarté de sa diction, la facilité de son aigu ou encore son charme vocal ravageur. Et sa partenaire, bien plus en situation, convainc d'avantage et offre des répliques en Juliette ou Manon de bon aloi, juste un peu trop pudiques et circonstanciées.

Dans les deux courts extraits du premier acte de la Traviata (le célébrissime Libiamo ! et sa suite quasi enchainée dans la partition originale « Un dì felice, eterea », certes les qualités du tenorissimo du jour sont au rendez-vous malgré un registre plus lyrico que spinto, mais sa partenaire n'a tout simplement pas les moyens vocaux d'une Violetta. Et musicalement, en l'absence forcée de toute force chorale, le Brindisi manque d'élégance orchestrale. Dans son « Sì, mi chiamano Mimi » de la Bohème, campe une héroïne phtisique et rêveuse plausible, à défaut de candeur naïve et de grandes et idéales espérances enchanteresses.

Les deux artistes lyriques nous offrent en guise d'adieu, mis prudemment en espace, le fameux duo du balcon « Tonight » extrait de West Side Story de Leonard Bernstein. Si, côté solistes, globalement la performance reste très séduisante et rallie les suffrages, il manque, par la faute d'une direction d'orchestre un rien amidonnée, le swing et le punch nécessaire pour retrouver au-delà des notes l'agogique naturelle de cette musique si sensuellement évocatrice des parfums de la nuit et des promesses de l'aube de l'Ouest new-yorkais.

En l'absence de tout public, les musiciens s'encouragent et s'auto-applaudissent, quitte à surligner un certain sentiment de solitude, de désarroi et de désolation. Un au revoir qui prend des allures de rendez-vous amoureux quelque peu manqué.

Crédits photographiques : © OPRL

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