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Ode à la scénographie de Yánnis Kókkos

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Moulins. Centre national du costume de scène. Du 20 mai au 7 novembre 2021. Scènes de Yannis Kokkos. Commissaire de l’exposition : Catherine Treilhou-Balaudé

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Spécialisé dans le costume de scène, le CNCS de Moulins se doit, dans sa nouvelle exposition, d'élargir son approche en mettant à l'honneur le scénographe, metteur en scène, dessinateur et créateur de costumes grec Yánnis Kókkos.

On pourrait facilement qualifier Yánnis Kókkos de « touche à tout » si le circuit de l'exposition du ne mettait pas clairement en évidence la cohérence du parcours de ce créateur. Né à Athènes en 1944 et formé à l'École du Centre dramatique de l'Est, Yánnis Kókkos se mettra très tôt au dessin, avec une première exposition dans la capitale grecque dès ses onze ans. La scénographie et la création de costumes feront partie intégrante de sa vie professionnelle à partir de 1965, et c'est en 1987 qu'il signera sa première mise en scène au théâtre alors qu'il aura débuté à l'opéra dès 1970.

Dans sa démarche artistique, Yánnis Kókkos place l'acteur au centre de toute chose, et au sein de mises en scène sans artifice ni superflu. L'acteur devient ainsi un personnage, qui mène à l'élaboration d'un costume, qui évolue dans un espace…. L'angle d'approche du CNCS avec comme point d'entrée le costume de scène, est de fait pertinent, permettant alors d'orienter le visiteur selon une certaine logique malgré les inspirations variées du créateur.

La ligne directrice de cette exposition intitulée Scènes de Yánnis Kókkos est donc construite selon deux composantes : l'itinéraire d'un artiste qui a œuvré à plus de 200 spectacles théâtraux et lyriques ; et une présentation thématique des créations qui caractérisent son art. L'exposition s'articule ainsi autour d'une centaine de costumes issus du fonds du CNCS et de prêts extérieurs (Théâtre du Capitole, Opéra de Lorraine, Scala de Milan, Teatro Real de Madrid, Grand Théâtre de Genève…), d'une centaine de dessins et maquettes de décors et de costumes originaux, et enfin de photographies de scène et d'extraits audiovisuels.

Du dessin à la scène

Pour Yánnis Kókkos, tout commence par le dessin. C'est dans l'intimité de son atelier que l'exposition débute avec un judicieux dispositif où un écran sur un bureau de travail, montre les mains du protagoniste croquant quelques dessins exposés dans la salle. Des dessins et maquettes sur papier de Tancredi et La Femme sans ombre, en crayon graphite et aquarelle, sont exposés, se partageant la vedette dans la vitrine centrale avec un cahier de croquis datant de 1989 autour de Boris Godounov et un feuillet de dessins et de caricatures de 1997 relatant en images ces années de formation à l'École du Centre dramatique de l'Est de Strasbourg entre 1963 et 1965. L'art du dessin y est manifeste, exprimant par de fines silhouettes, les mouvements, les jeux de couleurs ou de reflets qui construiront le projet final.

Mais le cahier de mise en scène de Tristan et Isolde (1993) indique aussi que le processus créatif de l'artiste est alimenté par les mots et l'intrigue : le livret d'opéra exposé est annoté selon des intentions (« désir ») et encore des dessins construisant la scénographie future. Quatre costumes – c'est bien ce que le visiteur vient chercher en allant au CNCS ! – et six marionnettes en bois complètent cette première salle, mettant à l'honneur sa mise en scène de Tancredi en 2007 au Teatro Real de Madrid.

De la nuit noire au blanc immaculé

Les douze autres salles sont élaborées selon un parcours allant de la nuit vers la clarté. Cela se traduit par une démarche sur la lumière particulièrement précise de Laurent Castaingt, éclairagiste de théâtre et d'opéra nommé trois fois aux Molières pour son travail.

Du côté sombre, la salle « Nuits » expose les différentes maquettes et costumes de Turandot donné à l'Opéra national de Lorraine en 2013, définis selon la couleur de leur manteau tout droit extrait d'une Chine médiévale imaginaire ; une couleur associée aux fonctions représentées autant que le pouvoir et la violence associés à celles-ci. Sont implantées également dans cette salle les maquettes de Boris Godounov (Teatro Comunale de Bologne, 1989), des Bassarides de Hans Werner Henze (Théâtre du Châtelet, 2005), et d'Hernani de Victor Hugo (Théâtre national de Chaillot, 1985) avec au centre, sur un plateau rotatif, la sublime robe bouffante équipée d'un système de fibres optique, transformant la salle en un ciel étoilé.

L'inspiration pastorale fantasmée de Yánnis Kókkos apparaît dans la pénombre au sein des deux salles « Songes » et « Forêts ». D'un côté, les amazones chasseresses du ballet de John Neumeier Sylvia créé par les danseurs de l'Opéra de Paris en 1997 et les robes noir et blanc – couleurs essentielles de l'artiste – du Songe d'une nuit d'été (Théâtre des Amandiers de Nanterre, 2002). De l'autre, l'imagination enfantine des oiseaux de la fantaisie lyrique de Walter Braunfels (Théâtre de Genève, 2004) et l'inspiration colorée du peintre espagnol Miró pour créer les costumes et les décors d'Hansel et Gretel (Théâtre du Chatelet, 1997).

Les salles « Pouvoirs » et « Noir » exposent les costumes grandioses grâce à la splendeur des brocarts et l'éclat des parures, des œuvres de Wagner, le Crépuscule des Dieux (Teatro alla Scala, 1998) et Tristan et Isolde (Théâtre Royal de la Monnaie, 2006), de Meurtre dans la Cathédrale mis en musique par Ildebrando Pizetti (Teatro alla Scala, 2009), et de La Vie de Galilée de Brecht (Comédie-Française, 1990). La seconde salle n'est pas moins majestueuse avec les costumes de l'opéra de Verdi, Macbeth (Palais Garnier, 1984), et les autres drames de Victor Hugo mis en musique par Georges Aperghis Lucrèce Borgia (Palais des Papes d'Avignon, 1985) et Hernani (Théâtre national de Chaillot, 1985). Les dessins de Yánnis Kókkos côtoient continuellement les costumes en vitrine, comme pour rappeler le processus de création que l'exposition cherche à dévoiler.

En guise d'entracte, deux salles proposent des extraits de captations de spectacles et plusieurs entretiens de Yánnis Kókkos, avant de rejoindre la clarté dans la seconde partie de l'exposition.

La disposition des deux salles suivantes, « Tréteaux » et « Ors », se révèle un peu redondante de celles précédemment visitées : une grande vitrine thématique fait face à plusieurs dessins et maquettes. L'intérêt de la visite se renouvelle grâce au « compartimentage » de la salle « tragédies », avec notamment la sublime robe longue à traîne lamé or et son masque intégral de tête de bélier de la même couleur pour Medea de Cherubini (Théâtre du Capitole, 2005), mais surtout le quasi-monochrome de la salle « Blanc » qui déploie le style minimaliste au théâtre comme à l'opéra pour la tragédie d'Iphigénie en Aulide de Gluck (Theatro alla Scala, 2002). choisit en effet des couleurs unies pour laisser toute la place aux drames et au dénouement de l'histoire.

Et comme toute exposition du CNCS, celle-ci se conclut avec une salle particulièrement spectaculaire. Dans un blanc immaculé, les vagues d'une mer tempétueuse dans Le Vaisseau fantôme (Teatro Communale di Bologna, 2000), poétique dans Le Soulier de Satin (Palais des Papes d'Avignon, 1987), ou mythologique dans Odyssey (Ballet de Hambourg, 1995), sont projetées grâce à des vidéoprojecteurs et des miroirs, la pleine lune faisant parfois son apparition. La mer est personnifiée par deux silhouettes féminines dont l'immense traîne bleue peut évoquer le voyage de l'existence humaine, ou la majestuosité d'une force non contrôlable pour l'homme.

Crédits photographiques : © CNCS / Jean-Marc Teissonnier

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