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Une porte sur l’univers d’Édith Canat de Chizy

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Édith Canat de Chizy : La loi de l’imaginaire. Entretiens avec Michèle Tosi. Éditions Aedam Muicae. 202 pages. 20 euros. Juillet 2021

 
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La Loi de l'imaginaire, ouvrage d'entretiens nous plonge dans l'univers de la compositrice , abordé sous toutes ses facettes.

Depuis ses premières œuvres en 1982, s'est imposée comme une personnalité incontournable de la musique contemporaine française. Si son parcours l'a amenée à explorer parfois de nouveaux outils, s'intéressant tardivement à la microtonalité ou à l'informatique musicale, elle a toujours suivi avec sérieux et méthode les inspirations premières qui l'ont animée dès ses débuts, comme l'intérêt pour l'expression du mouvement, la passion pour le timbre et pour la poésie, la spiritualité.

Comme Lili Boulanger, qui fut la première femme à obtenir le Prix de Rome en composition en 1913, est un symbole : un siècle plus tard, en 2005, elle est la première compositrice à être élue à l'Académie des Beaux-Arts, cette date si tardive faisant prendre la mesure du chemin qu'il reste à parcourir pour l'égalité entre les sexes.

Avec beaucoup d'application et de pertinence, notre consœur Michèle Tosi, creuse méthodiquement chaque sujet en profondeur. Ils sont répartis en six chapitres qui explorent les années de formation, tracent l'inventaire des matériaux et des gestes, des sources d'inspiration, évoquent le rôle joué par la compositrice dans l'enseignement musical et les œuvres des vingt dernières années avant d'ériger une synthèse. Peu à peu se dessine le portrait d'une compositrice profondément indépendante, en dehors des écoles et des courants, déployant tout au long de sa vie un patient artisanat mené autour de ses recherches sonores de prédilection et porté par le « goût du travail et le plaisir d'écrire » (p. 14). Celle qui dit être « littéralement née dans la musique » (p. 13) et qui devient compositrice « par nécessité » (p. 139) n'a pas connu de crise esthétique et a poursuivi sa quête dans un mouvement sans rupture.

Édith Canat de Chizy suit des cours d'histoire de l'art et de philosophie à la Sorbonne et reçoit l'enseignement d' au CNSM. Elle y rencontre également . Elle hérite de ce dernier la liberté de penser la musique sans systèmes et sans chapelles, cette singularité qui se retrouve jusque dans son franc-parler à l'Académie : « Je ne suis pas politiquement correcte » (p. 85). lui enseigne quant à lui tout l'amour de l'expérience du son, qui fait affirmer à la compositrice que « le matériau sonore est primordial et engendre la forme » (p. 16). Elle se dit cependant « chevillée à un plan structurel [qu'elle] essaie de respecter le mieux possible » pour chacune de ses œuvres (p. 62).

L'accent est mis au départ sur deux jalons fondateurs, le Livre d'heures pour solistes, chœur et ensemble instrumental (1984) et Yell pour orchestre (1985), puis tout son corpus se déploie au fil du livre, notamment ses cinq quatuors dont le dernier O God! (2019) est traité sous la forme d'un journal d'écriture, l'ensemble de ses concertos et les six pièces pour orchestre qui couvrent les années 2000, dont les incontournables Omen (2006) et Pierre d'éclair (2010). Une attention particulière est portée aux œuvres avec électronique Over the sea (2011) et Visio (2015), toutes deux fruits d'une collaboration avec l'Ircam. Michèle Tosi la fait également parler de Vega (2000), sa première pièce pour orgue, suscitée par Jean-Christophe Revel, car elle n'appréciait pas cet instrument a priori et l'a ensuite adopté pour plusieurs autres travaux. La transcription de cette œuvre en 2019 par le duo d'accordéons microtonals Xamp, avec Jean-Étienne Sotty et Fanny Vicens, l'ouvre sur le monde de la microtonalité, exploré encore avec Paradisio (2018).

Toutes les pistes suivies par Édith Canat de Chizy sont détaillées. En premier lieu son travail sur la notion de mouvement, à la fois souvenir du rythme de l'archet du violon de ses années d'études et reflet de son état intérieur, mais aussi référence à la mer : « Je trouve dans l'élément marin une correspondance avec la musique que j'écris, en termes d'instabilité, de mouvance, de ressac et de miroitement. » (p. 131-132) L'écriture du timbre constitue pour elle « le pari de la composition » (p. 38). Dans ce cadre, les cordes sont souvent privilégiées, adoptées pour leur « ductilité, brillance et virtuosité d'une part, transparence et matières impalpable des textures d'autre part » (p. 30) : « D'une façon générale, les cordes sont la chair de mon orchestre, son galbe et sa puissance. » (p. 101) La musique chorale est également un terrain privilégié. Édith Canat de Chizy expose ses relations aux vingt poètes et poétesses qui l'ont inspirée pour de nombreuses œuvres, avec un goût prononcé pour Federico Garcia Lorca, Emily Dickinson et les textes mystiques, dont ceux de saint Jean de la Croix et . Elle parle aussi de son lien à la peinture et au spirituel.

Michèle Tosi aborde également avec elle son rôle de directrice de conservatoires et sa haute considération de l'enseignement de la composition : « Je pense qu'un compositeur doit s'impliquer dans l'éducation ; c'était une mission que j'avais à mener » (p. 74). Canat de Chizy invite ses élèves à se poser les bonnes questions pour répondre à leurs désirs. Le livre est émaillé de nombreuses citations éclairantes, textes importants qui ont jalonné sa vie, propos de confrères (Edgar Varèse, …) ou d'interprètes (Roland Hayrabedian, le duo Xamp, Jean-Christophe Revel…). Il est complété par un catalogue des œuvres (cent dix-huit opus au moment de la publication) et la liste des quarante-quatre disques parus. En arpentant le dialogue entre Michèle Tosi et Édith Canat de Chizy, le lecteur ne peut qu'avoir envie de découvrir ou de réécouter ces nombreux enregistrements qui couvrent l'ensemble de sa carrière pour illustrer leurs échanges riches et exigeants : une solide porte d'entrée.

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