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Avec l’Arpeggiata, ça swingue au Corum !

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Montpellier. Opéra Berlioz/ Le Corum. 27-III-2023. Passacalle de la Follie. Œuvres d’Antoine Boësset (1587-1643), Gabriel Bataille (1575-1630), Henry de Bailly (158?-1637), Pierre Guédron (1565-1620), Lorenzo Allegri (1567-1648), Estienne Moulinié (1599-1676), Michel Lambert (1610-1696), Pandolfo Mealli (1624-1687), Claudio Monteverdi (1567-1643), Maurizio Cazzati (1616-1678), Luigi Rossi (1597-1653), Henry Purcell (1659-1695). Philippe Jaroussky, contre-ténor. Christina Pluhar, théorbe et direction musicale

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Pour marquer les vingt ans de sa collaboration avec , offre un programme festif qui fait la part belle à l'improvisation. Il reprend en partie le répertoire de leur dernier CD, « Passacalle de la Follie » chez Erato, consacré aux airs de cour français.

La tournée internationale de ce concert anniversaire, qui conduira l'Arpeggiata de Paris à Berlin, passe par le Corum de Montpellier où l'évènement se déroule à guichets fermés. Il faut dire que l'association Jaroussky/Pluhar a bénéficié ces deux dernières décennies de grands succès publics, qui ont parfois donné à la musique baroque des allures de star-système. Le programme de ce soir fait voyager de la cour de Louis XIII aux brumes de la Tamise en passant par l'Italie du premier baroque, source du théâtre des passions qui irrigue tout le XVIIᵉ siècle. Entre les bergers des airs de cour et les grandes figures héroïques de l'opéra italien, les tourments amoureux sont les mêmes, si bien incarnés par la voix théâtrale de . La plupart de ces musiques sont écrites sur une basse obstinée, et cette structure si simple leur confère une force envoûtante, qui offre un parfait écrin à la liberté d'improvisation, dont l'Arpeggiata s'est fait une spécialité, sur un tapis de cordes pincées. La mixité des formes populaires et savantes, avec les formes strophiques de certains airs de cour et l'influence des folklores espagnols, offrent un terrain de jeu à l'inventivité de l'instrumentation déployée par , où les castagnettes se mêlent aux diminutions endiablées du cornet.

est l'autre vedette de ce programme aux accents jazzy. Son cornet rivalise d'inventivité avec la voix, et se lance dans des contre-chants inattendus du plus bel effet. Dans le célèbre air Ohime, ch'io cado du Couronnement de Poppée, il répond au jeu de scène de par des envolées humoristiques, osant des citations de Beethoven ou de la Panthère Rose … Les intermèdes instrumentaux, construits sur des basses traditionnelles, se transforment en un « boeuf » où chaque instrumentiste prend la parole à son tour pour des diminutions qui tiennent plus du club de jazz que du manuel d'Ortiz, et où l'orgue de Dani Espasa prend des accents d'orgue Hammond ! Et cette liberté est purement géniale, parce que la parfaite maîtrise stylistique du vocabulaire musical de l'époque autorise toutes les audaces qui sont parfois reprochées à . Certes, on peut ouvrir le débat (voir, par exemple, l'article sur un concert à Luxembourg en 2015), mais pourquoi bouder son plaisir ? Ces musiques, qui nous sont souvent parvenues sous la forme réduite d'une simple mélodie accompagnée, appellent à cette liberté d'improvisation, comme les grilles d'accords du jazz. Et les instrumentistes de l'Arpeggiata y rivalisent de virtuosité maîtrisée, nous donnant l'impression que tout cela est un jeu qui nous fait oublier la difficulté technique.

Quelques moments de pure élégie échappent au tourbillon instrumental, comme le Concert des différents oiseaux de Moulinié et la sublime berceuse d'Arnalta de Monteverdi, Oblivion soave. Dans la passacaille Yo soy la Locura d'Henry de Bailly, qui donne son titre au programme, Philippe Jaroussky incarne la Folie avec force jeux de scène et renfort d'éventail. L'incontournable Music for a while de Purcell qui clôt le programme nous fait regretter l'intensité de la voix de Lucile Richardot dans le même air il y a quelques jours, mais là encore les improvisations du cornet transcendent cette interprétation. Et c'est encore qui tient la vedette lors du premier rappel, une Chaconne anonyme à la sauce Pluhar, où on découvre ses talents inattendus de baryton. Rarement la musique baroque n'a été aussi festive.

Crédit photographique : © OONM

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Montpellier. Opéra Berlioz/ Le Corum. 27-III-2023. Passacalle de la Follie. Œuvres d’Antoine Boësset (1587-1643), Gabriel Bataille (1575-1630), Henry de Bailly (158?-1637), Pierre Guédron (1565-1620), Lorenzo Allegri (1567-1648), Estienne Moulinié (1599-1676), Michel Lambert (1610-1696), Pandolfo Mealli (1624-1687), Claudio Monteverdi (1567-1643), Maurizio Cazzati (1616-1678), Luigi Rossi (1597-1653), Henry Purcell (1659-1695). Philippe Jaroussky, contre-ténor. Christina Pluhar, théorbe et direction musicale

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