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Kirill Petrenko et le Philharmonique de Berlin à Luxembourg, l’héritage romantique

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Luxembourg. Philharmonie. 3-IX-2023. Johannes Brahms (1833-1897) : Variations sur un thème de Haydn op. 56a ; Arnold Schönberg (1874-1951) : Variations pour orchestre op. 31 ; Ludwig van Beethoven (1770-1828) : Symphonie n° 8 op. 93. Berliner Philharmoniker ; Kirill Petrenko, direction

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Sans grands effets et avec un sens de la couleur proprement sensationnel, se montre en humble serviteur de la musique et de ses musiciens.

Après la Philharmonie de Paris, c'est au tour de celle de Luxembourg d'ouvrir la nouvelle saison, avec le même orchestre, le même chef, mais pas le même programme. Le monde germanique et le romantisme dans toutes ses expressions restent le thème de ce second programme qui s'étend cette fois sur plus d'un siècle.

a choisi pour ouvrir cette courte soirée les Variations sur un thème de Haydn de Brahms, et on sait au bout de quelques secondes où il va. Le choral initial, qu'il soit de Haydn ou pas, a une grâce un peu dansante, comme un refrain entêtant : la netteté des carrures, les articulations décidées et la netteté des couleurs franches qu'il choisit empêchent cette grâce de tomber dans la fadeur. Même quand Brahms prescrit enfin, dans le finale, un double forte, Petrenko ne se laisse pas aller à des excès dynamiques : tout reste transparent, et le public de Luxembourg, qui n'a que rarement l'occasion d'entendre cet orchestre, peut l'admirer dans toute la palette de ses talents, d'autant que le chef accorde une attention soutenue à la mise en valeur de toutes les possibilités de l'orchestre, à commencer par des cordes graves d'une sensualité sans fausse pudeur.

La combinaison avec les Variations pour orchestre de Schönberg a quelque chose d'une évidence, ne serait-ce que par le jeu de la variation ; l'expressivité, l'héritage post-romantique qui se lit dans la partition et que Petrenko souligne, rappellent aussi que Brahms faisait partie des grandes admirations de Schönberg. Là encore, bien sûr, le chef ne confond pas expressivité avec pathétique, ni ampleur avec tapage ; la musicalité simple de sa lecture rend la partition immédiatement séduisante, et son interprétation comme la réaction du public montrent que la musique de Schönberg a atteint ce dont beaucoup ne la croyaient pas capable : elle est désormais au cœur du grand répertoire, enfin appréciée pour elle-même et non comme un simple exemple imposé d'avant-garde musicale.

Enfin, choisit de terminer le programme par la Huitième symphonie de Beethoven : en un temps où les orchestres en tournée favorisent un répertoire qui leur permet de montrer leurs muscles, il est bon de ne pas oublier le classicisme viennois. La démarche de Petrenko, qui souligne l'ascendance haydnienne de l'œuvre et la légèreté de la danse, en fait une conclusion logique pour ce programme : le risque d'un certain maniérisme n'est pas toujours très loin, mais il y a aussi une générosité dans le dessin des phrases, dans le jeu des sonorités instrumentales, qui emporte l'adhésion. En particulier dans le premier mouvement, le chef souligne les carrures des phrases et n'a pas peur de marquer les discontinuités, mais la légèreté et l'élégance l'emportent ; seul le finale, sans tomber dans la brutalité, marque une vraie rupture qui prend les auditeurs par surprise : ce soudain regain d'énergie a quelque chose d'un peu plus banal, mais l'effet Petrenko est là : après quelques années de travail en commun, on retrouve l'orchestre au sommet de son ivresse sonore, ce qui n'était pas toujours le cas à la fin du mandat de Simon Rattle. Ce concert est bien dans la manière de Petrenko : qui attend à la tête d'un pareil orchestre un monstre sacré qui dompte ses troupes de toute sa hauteur sera peut-être déçu, mais la discrétion du chef ne masque pas l'ampleur de ce qui a été accompli pendant ce début de mandat.

Crédits photographiques : © Sébastien Grébille

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Luxembourg. Philharmonie. 3-IX-2023. Johannes Brahms (1833-1897) : Variations sur un thème de Haydn op. 56a ; Arnold Schönberg (1874-1951) : Variations pour orchestre op. 31 ; Ludwig van Beethoven (1770-1828) : Symphonie n° 8 op. 93. Berliner Philharmoniker ; Kirill Petrenko, direction

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