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À la (re)découverte du compositeur romantique suisse Hans Huber

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Hans Huber (1852-1921) : Eine Lustspielouvertüre, en mi majeur opus 50 ; première sérénade « Nuits d’été », en mi majeur opus 86 ; seconde sérénade « Nuits d’hiver », en sol majeur ; Humoresque en sol majeur « Carnaval romain » d’après un poème de Scheffel. Orchestre symphonique de Biel-Solothurn, direction : Yannis Pouspourikas. 1 CD Schweizer Fonogramm. Enregistré au Forum Yehudi Menuhin de Berne du 24 au 27 août 2022. Textes de présentation en allemand, angalis et français. Durée : 65’

 
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Le label Schweizer Fonogramm nous propose la (re)découverte du compositeur romantique helvétique (1852-1921) avec trois œuvres insignes et une première mondiale au disque.

Comme le rappelle le très documenté texte de présentation de David Rossel, fut le premier compositeur suisse à revenir au pays, ici après un imposant parcours académique à Leipzig, pour y développer sa carrière et concourir par l'enseignement à la fondation d'une véritable école « nationale ». Bien entendu, il ne s'agit pas de minimiser l‘importance d'un , l'aîné de trente ans (1822-1882), splendidement ignoré par la notice : mais ce dernier mena, il est vrai, sa carrière essentiellement en Allemagne !

Huber nous laisse un abondant catalogue : 137 numéros d'opus ; outre de nombreuses œuvres non numérotées (dont cinq opéras), on y dénombre neuf symphonies (dont une reniée composée entre les deux premières officielles), des concerti, une pléthorique production chambriste. En fait, au-delà de 1900, Huber ira à l'essentiel, ralentira en conséquence son rythme de publications et tendra avec ambition à un certain monumentalisme : sept des huit symphonies, par exemple, seront composées après le tournant du siècle.

Les œuvres réunies sur le présent disque couvrent les vingt premières années d'activité du maître. Œuvres de jeunesse, Eine lustspielouvertüre, opus 50, témoigne d'une verve plus bruyante que brillante, seule rescapée d'une musique de scène pour une pièce de Kelterborn : son thème principal – sous des dehors de valse extravertie – est, en accéléré, étonnamment proche du Matin de Peer Gynt d'Edward Grieg, de peu antérieur ; le Römischer Carneval, est l'orchestration d'une humoresque pour piano à quatre mains inspirée d'un poème de Johann Victor Scheffel, est sans aucun point commun, sous ses atours nostalgiques un peu doucereux, avec la truculente ouverture homonyme d'Hector Berlioz !

La période de transition menant à la pleine maturité est représentée par les deux sérénades (d'été – opus 86 datant de 1885 – et d'hiver de dix ans postérieure) : au-delà des acquis académiques, Huber semble s'émanciper et découvrir, au fil de la seconde, les sortilèges du chromatisme expressif wagnérien, (surtout dans la Traümerei) tout en se souvenant encore et toujours de Mendelssohn dans l'aérien Spinnelied (chant de Rouet) central. Rapprocher toutefois, comme le fait la notice, ces deux œuvres attachantes des deux sérénades de Brahms – d'une tout autre dimension, véritables symphonies avortées – est sans doute présomptueux : nous les comparerions davantage avec leur quasi contemporaines, par exemple de la seule sérénade, opus 49, de Félix Draeseke ou avec premières –marquée du sceau viennois – de Robert Fuchs.

Le label suédois Sterling, spécialisé dans la redécouverte du répertoire (post-) romantique rare, avait déjà œuvré à la réhabilitation des symphonies de Huber avec une intégrale des huit symphonies, grâce au concours de la Philharmoinie de Stuttgart placée sous la direction – parfois trop lourde et emphatique – de Jörg-Peter Weigle : ce cycle était malheureusement oblitéré par une prise trop réverbérée, mais était déjà complété par la Lustspielouveture et la Sommernâchte serenade. La Winternächte serenade avait déjà été enregistrée, entre autres, sous les auspices de la SRF, la Radio suisse alémanique voici quatre ans. Si bien que la première mondiale ne concerne que la présente version orchestrée du Carnaval Romain, relativement anecdotique.

Le présent disque est néanmoins bienvenu, tant par la conviction ou la précision apportées par le chef français – déjà fêté à Glyndebourne, à l'opéra des Flandres, à la Monnaie ou à l'Opéra de Paris et actuel directeur musical de l'orchestre de Bienne-Soleure (Biel-Solothurn) – que par la prise de son exemplaire de réalisme, ou par la conviction des forces instrumentales locales, jouant en quelque sorte dans leur arbre généalogique, Huber étant originaire précisément de ce canton suisse.

Si nos interprètes sauvent ce qui peut l'être de la tonique mais plus superficielle Lustpielouverture augurale, ils magnifient au fil de ce programme intelligemment agencé, par l'enchaînement naturel des plages et des tonalités, les deux belles sérénades, donnent un saisissant relief schumannien à celle d'été (on pense parfois à la Symphonie rhénane) et creusent encore d'avantage l'interprétation de celle d'hiver – la plus ambitieuse avec ses cinq mouvements – sorte d'évocation temporelle des fêtes et soirées hiémales, depuis la veillée de Noël jusqu'à l'exubérance du final carnavalesque, réminiscence des fêtes de Soleure ou de Bâle. Certes l'on pourrait souhaiter d'avantage de cohérence, çà et là, au sein des pupitres de cordes (par exemple au fil des finals des deux sérénades). Mais les solistes de la petite harmonie et le konzertmeister sont irréprochables d'à-propos pittoresque, d'implication virtuose et de poésie évocatrice. Le Carnaval Romain, rêveuse allusion romantique toute teintée de sehnsucht, ponctue dans un calme nostalgique de bon aloi ce bien beau disque, utile dans sa redécouverte de , indispensable maillon à l'émancipation d'une école « nationale » suisse à la fin de la période romantique.

Voilà ainsi une bien agréable (re)découverte et une nouvelle indiscutable réussite à mettre à l'actif du label hélvétique Schweizer Fonogramm après une superbe intégrale en première mondiale réalisée, sous la direction de Kaspar Zehnder à la tête du même orchestre, des six symphonies de Joseph Lauber.

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Hans Huber (1852-1921) : Eine Lustspielouvertüre, en mi majeur opus 50 ; première sérénade « Nuits d’été », en mi majeur opus 86 ; seconde sérénade « Nuits d’hiver », en sol majeur ; Humoresque en sol majeur « Carnaval romain » d’après un poème de Scheffel. Orchestre symphonique de Biel-Solothurn, direction : Yannis Pouspourikas. 1 CD Schweizer Fonogramm. Enregistré au Forum Yehudi Menuhin de Berne du 24 au 27 août 2022. Textes de présentation en allemand, angalis et français. Durée : 65’

 
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