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Découverte, variations et improvisations aux Passions Baroques de Montauban

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Montauban. Église Saint-Joseph. 29-IX-2023. André Campra (1660-1744) : Cantate Domino Canticum Novum, Motet à grand Chœur H 530 ; Marc-Antoine Charpentier (1643-1705) : Missa Assumpta est Maria H. 11. Chœur de chambre Dulci Jubilo : Clémence Montagne, Camille Suffran, Soline Verrecque, dessus ; Paul Cremazi ; Éric Beillevaire, tailles ; Roland Ten Weges, basse taille. Direction : Christopher Gibert. Les Passions-Orchestre Baroque de Montauban : Flavio Losco ; Nirina Betoto, dessus de violon ; Sarah Baert-Labrousse, Haute-contre de violon ; Solenne Burgelin, Taille de violon ; Damien Ventula, violoncelle ; Yvan Garcia, orgue. Direction : Jean-Marc Andrieu

Bardigues. Château de Lamotte. 1-X-2023. Œuvres de Michael Prätorius (1571-1621), Francis Poulenc (1899-1963), Manuscrit de Montpellier (autour de 1250-1300), John Dowland (1563-1626), Livre Vermeil de Montserat (vers 1399), Raymond Murray Schafer (1933-2021), Camille Saint-Saëns (1835-1921), George Gershwin (1898-1937) et Ira Gershwin (1896-1983), Claude Nougaro (1929-2004), John Lennon (1940-1980) et Paul Mac-Cartney (né en 1942). Quatuor Éphémère : Camille Suffran, soprano ; Lucile Rentz, mezzo-soprano ; Malo Evrard, ténor ; Christopher Gibert, basse.

Cordes-Tolosannes. Abbaye de Belleperche. 1-X-2023. Johann-Sebastian Bach (1685-1750). Variations Goldberg BWV 988. Céline Frisch, clavecin ; Nathalie Vidal, récitante

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La neuvième édition du festival Passions Baroques à Montauban et alentours, a choisi un vent de liberté cette année autour du thème variations et improvisations dans le plein esprit des musiciens baroques, qui se plaisaient ainsi à enrichir, ornementer et embellir une mélodie par un jeu d'interprétation sans cesse renouvelé.


Une surprise inédite de Campra et le grand œuvre sacré de Charpentier

C'est toutefois avec des musiques les plus écrites qui soient que le festival commence à l'église Saint-Joseph, l'ancienne église des jésuites de Montauban, avec l'orchestre et le pour une plongée dans le Grand siècle. Sur le modèle du motet à grand chœur fixé par Henry du Mont et Michel Richard Delalande, dans le cadre de la liturgie royale, le motet Cantate Domino canticum novum H. 530 d' est une œuvre inédite, qui n'a jamais été éditée, ni jouée. Il a été découvert par à la Bibliothèque Nationale lorsqu'il compulsait les 43 motets de Blanchard. Ce chant de louange est basé sur le célèbre psaume 97 « Chantez au Seigneur un chant nouveau /Car il a fait des merveilles ». Les récits solistes alternent avec des versets à grand chœur, dont l'écriture à cinq voix est caractéristique de la musique baroque française. Campra saute quelques versets, sans doute pour respecter le strict minutage qu'imposait le protocole liturgique de Louis XIV. Le thème de la louange se prête au mieux à la joyeuse clarté de l'écriture ensoleillée de Campra, qui même à Paris et à Versailles, a conservé un caractère méditerranéen dans sa musique. L'ensemble instrumental composée de cinq cordes, une flûte à bec et un orgue positif, accompagne le chœur et les cinq solistes selon un bel équilibre des voix. On y goûte la belle expressivité aux accents suaves du haute-contre François-Nicolas Geslot à laquelle répondent harmonieusement les sopranos et Eva Plouvier. L'ensemble est dirigé avec vigueur et finesse par , tandis que tient la flûte à bec dans l'orchestre.

rejoint le pupitre de basse et retrouve l'estrade pour la seconde œuvre au programme, la somptueuse Missa Assumpta est Maria ; Missa sex vocibus cum simphonia de . Avec quelques onze messes vocales, Charpentier est le seul compositeur de son temps à s'être consacré au genre de la messe concertante, qui n'était guère prisé en France, dans la mesure où Louis XIV lui préférait la formule du grand motet. Alors que Charpentier est maître de musique des enfants à la Sainte Chapelle, il s'agit de sa dernière messe et sans doute la plus belle, par la perfection de sa composition, suivant de près le texte liturgique et soulignant toute son expression, comme la douceur du Kyrie et de l'Agnus Dei, la ferveur et la tendresse du Credo, notamment dans le « Patrem omnipotentem » et « L'incarnatus est », la grandiose affirmation du « Et Unam Sanctam Catholicam et Apostolicam Ecclesiam », la somptuosité du contrepoint à la fin du Gloria et du Credo et la douce jubilation du Sanctus. Étonnamment, Charpentier omet la mise en musique du Benedictus dans le Sanctus, qui permet habituellement de tendres effusions, ainsi que celle du Dona nobis pacem, qui clôt normalement l'Agnus Dei et la messe. Pour la solennité de l'Assomption, qui était la fête nationale du royaume depuis le vœu de Louis XIII en 1637, il achève l'ouvrage par le verset 10 du psaume 19 « Domine salvum fac regem » (Seigneur sauvez le roi), que l‘on chantait à la fin des messes à la chapelle royale. D'ailleurs, la pompe développée dans le Gloria s'entend presque autant, sinon plus, à la gloire du roi que de Dieu. Le petit effectif instrumental est compensé par une somptuosité vocale où la diction du latin à la française est très claire et compréhensible, l'ensemble étant placé sous la direction attentive, souple, efficace et toujours élégante de Jean-Marc Andrieu.

Respiration a cappella

Le samedi soir à l'église de Giliniargues à Puycornet et le dimanche matin, sur la terrasse ensoleillée du château de Lamotte à Bardigues, le , composé de membres du chœur Dulci Jubilo et de son chef , proposent un large programme de brèves pièces et chansons du XIIIe siècle à nos jours. Il s'agit pour eux de chanter et magnifier l'être aimé des troubadours aux chanteurs, en passant par la Renaissance. Par des musique joyeuses et entraînantes ou des moments plus calmes et contemplatifs, ces quatre musiciens accomplis (soprano, mezzo, ténor et basse), se promènent à travers les époques avec aisance, légèreté et humour, présentant chaque pièce à un public ravi. Dans un joyeux désordre a cappella, on entend et reconnaît un certain nombre de tubes, à commencer par l'universelle pavane Belle qui tient ma vie, emblématique de la chanson médiévale, avec l'entraînant chant de pèlerin Stella splendes du Livre Vermeil de Montserat, Jusqu'aux suaves Honey Pie et Black bird des Beatles, I got Rythm de George et Ira Gershwin ou Dansez sur moi de . Mais ils sont également allés chercher des airs moins connus, parfois d'une grande complexité comme ce motet pluritextuel du Codex de Montpellier Amour mi font sofrir où une pastorale se superpose à une lamentation sur une base grégorienne, un noël de Prätorius Es ist ein Ros Entspurgen, ou l'amusant et espiègle Margotton va t'a l'iau de Poulenc. Des chansons à boire d'Etienne Moulinié et Gaston d'Orléans voisinent avec l'étonnant et comique Joujou de fait d'onomatopées pour les dessus. Au-delà du traditionnel spiritual américain Down in the river to pray, ils terminent par l'emblématique chant occitan Se Canto, qu'ils font chanter au public. Ce même programme était redonné lundi 2 octobre à l'Espace des Augustins à Montauban à destination d'un public scolaire.

Des Goldberg romanesques

Le premier week-end de ces neuvièmes Passions Baroques s'achève à quelques kilomètres de là, en bord de Garonne à l'abbaye de Belleperche, par un riche et étonnant concert lecture autour des Variations Goldberg de avec au clavecin et comme récitante. Œuvre énigmatique s'il en est, fruit d'une intense recherche spéculative de la part du compositeur, les Variations Goldberg n'ont pas fini d'interroger, ni de susciter de la littérature, bien qu'il s'agisse de la quatrième partie de la Klavierübung, c'est-à-dire une œuvre pédagogique destinée à l'étude. Jouée tant au clavecin qu'au piano, cette série de trente variations sur une basse obstinée de trente-deux mesures, que précède et suit une splendide aria fondée sur la même basse, en fait plutôt une sorte de chaconne ou de passacaille monumentale. C'est peu dire que connaît son Bach depuis la Schola Cantorum Basiliensis, qu'elle a en outre peaufiné avec Andreas Steier et qu'elle joue régulièrement, tant au continuo qu'en soliste, avec le Café Zimmermann qu'elle co-dirige avec le violoniste Pablo Valetti. Son enregistrement de ce même ouvrage, paru chez Alpha en 2001, a d'ailleurs été unanimement loué et primé par la critique. Cette musique lui est naturelle et elle aborde ce monument par cœur et avec une grande sérénité. Sur un beau clavecin de Philippe Humeau, daté de 2014, elle énonce l'aria initiale tout en douceur, puis elle aborde le cycle aussi simplement que le ruban d'une route bien tracée qui se déroule, avec ses virages et ses aspérités, jusqu'à la conclusion par la reprise de l'aria un peu plus développée. Cela n'empêche pas la virtuosité tempérée par une atmosphère sereine et jubilatoire selon les variations. Dans un style qui lui est propre, elle adopte des tempi vifs avec des phrasés élégants et des articulations bien marquées selon une fluide limpidité. Le vaste cycle est ponctué d'extraits du roman de Nancy Houston Les Variations Goldberg, romance, autant joués que dits par la comédienne . Dans le cadre d'une audition privée de cet ouvrage chez une claveciniste, qui avait convié des amis, l'auteure associe une variation à chacun des auditeurs, tout en sondant les impressions de l'interprète, ainsi que du chroniqueur chargé de relater l'événement, qui cherche quoi écrire sur une œuvre bien connue et un concert qui a déjà eu lieu. Certaines analyses approfondissent l'écoute, lorsque d'autres affects apportent de la fantaisie, voire un aspect comique.

Malgré des difficultés de financement et des subventions en baisse, le festival s'efforce de maintenir une qualité optimale. Il continue ainsi ces jours-ci avec des Tarentelles napolitaines et des follias virtuoses par Le Concert de l'Hostel Dieu, puis avec l'ensemble Jupiter de Thomas Dunford dans des concertos de Bach et Vivaldi, au théâtre Olympe de Gouge à Montauban, et enfin avec un programme autour de Dowland par la soprano , accompagnée par Bruno Helstroffer au théorbe et David Chevallier à la guitare à l'abbaye de Beaulieu en Rouergue.

Crédits photographiques : © Auxie Boivin ; © Emily Remy ; © Elodie Joubert

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Montauban. Église Saint-Joseph. 29-IX-2023. André Campra (1660-1744) : Cantate Domino Canticum Novum, Motet à grand Chœur H 530 ; Marc-Antoine Charpentier (1643-1705) : Missa Assumpta est Maria H. 11. Chœur de chambre Dulci Jubilo : Clémence Montagne, Camille Suffran, Soline Verrecque, dessus ; Paul Cremazi ; Éric Beillevaire, tailles ; Roland Ten Weges, basse taille. Direction : Christopher Gibert. Les Passions-Orchestre Baroque de Montauban : Flavio Losco ; Nirina Betoto, dessus de violon ; Sarah Baert-Labrousse, Haute-contre de violon ; Solenne Burgelin, Taille de violon ; Damien Ventula, violoncelle ; Yvan Garcia, orgue. Direction : Jean-Marc Andrieu

Bardigues. Château de Lamotte. 1-X-2023. Œuvres de Michael Prätorius (1571-1621), Francis Poulenc (1899-1963), Manuscrit de Montpellier (autour de 1250-1300), John Dowland (1563-1626), Livre Vermeil de Montserat (vers 1399), Raymond Murray Schafer (1933-2021), Camille Saint-Saëns (1835-1921), George Gershwin (1898-1937) et Ira Gershwin (1896-1983), Claude Nougaro (1929-2004), John Lennon (1940-1980) et Paul Mac-Cartney (né en 1942). Quatuor Éphémère : Camille Suffran, soprano ; Lucile Rentz, mezzo-soprano ; Malo Evrard, ténor ; Christopher Gibert, basse.

Cordes-Tolosannes. Abbaye de Belleperche. 1-X-2023. Johann-Sebastian Bach (1685-1750). Variations Goldberg BWV 988. Céline Frisch, clavecin ; Nathalie Vidal, récitante

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