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ART XIII, le jardin désenchanté de Phia Menard

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Le Havre. Le Volcan. 19-X-2023. Idée originale, mise en scène, écriture et scénographie : Phia Ménard. Assistanat à la mise en scène : Clarisse Delile. Interprétation et chorégraphie : Marion Blondeau. Dramaturgie : Camille Louis. Création sonore : Ivan Roussel. Création costumes : Fabrice Ilia Leroy assisté de Yolène Guais. Création lumière : Eric Soyer assisté de Gwendal Malard. Création régie plateau : Rodolphe Thibaud, David Leblanc. Compagnie Non Nova

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Avec Art XIII, récemment créée à la Biennale de la danse de Lyon et qui poursuit une longue tournée en France et en Belgique jusqu'au printemps, nous emmène dans un jardin qui n'est pas ce que l'on croit…

Cela commence très bruyamment. Avec le son assourdissant d'une tronçonneuse et/ou d'une débroussailleuse. Cela dure infiniment, cela devient dérangeant, d'autant que le son est en quadriphonie dans toute la salle. Un procédé que avait déjà utilisé dans Contes Immoraux – Partie 1 – Maison mère en 2018. Personne ne bouge, pourtant, dans le public. Ce bruit-là finit par se faire adopter, et se faire comprendre : sur scène, il y a un beau jardin. A la française. Très travaillé, donc. Au sol, une pelouse synthétique qui prend tout le plateau et des graviers en forme de fleurs de lys. Autour, des buis bien taillés. Au milieu, une immense statue d'Apollon, sur un grand socle. Le culte du beau, donc… Lorsque soudain, émerge de la terre, sous la pelouse, une tête de petite souris très joliment reproduite par un masque, sur un petit corps qui rampe, se traine au sol, vêtu d'un T shirt, d'un petit short enfantin, et de baskets.

Le corps rampe longuement autour du plateau-jardin, se lève, danse d'une jolie séquence de bras qui ondule et de grands pliés à la seconde, mélange de classique et de hip-hop. Le petit personnage s'éveille à la vie, regarde le monde, voit cette statue, tente d'y grimper, récupère une hache située le long de la jambe de notre Apollon, se demande quoi en faire, puis commence à déboulonner le socle de la statue. Cela devient à nouveau dérangeant, lorsqu'on se dit qu'à chaque spectacle, on casse le socle de plâtre, et on en re-frabrique un nouveau. Que l'on va re-casser chaque soir.  Est-ce bien raisonnable, en 2023, lorsqu'on doit tous s'efforcer d'être écologiquement correct ?

C'est là, qu'il nous manque une information essentielle. Celle que nous donnera lors de la rencontre d'après spectacle. Il faudrait toujours aller au « bord plateau » qui permet d'écouter les artistes. Ils risquent fort d'éclairer ce qu'ils n'ont pas dit, pas écrit, pas préalablement présenté sur une feuille de salle ou en interview. Par choix ou par souci de dire autre chose. Vient donc l'explication première de cette création, qui éclaire alors d'un tout autre jour la portée de l'œuvre. « Si j'ai fait ce spectacle » dit Phia Ménard, « c'est parce que j'ai été, comme vous tous, bouleversée par la tragédie du petit Eylan, cet enfant syrien, retrouvé mort sur une plage italienne, après avoir tenté, avec son père de rejoindre l'Europe en bateau. Sa photo avait fait le tour du monde. J'ai voulu lui offrir la suite du voyage qu'il n'aura pas pu faire. Voilà, après qu'il était sorti du sol, comme si la mer le déposait, je lui offre un jardin à la française. Et qu'il y fasse ce qu'il veut. »

Alors, tout s'éclaire. Le petit short bleu. Les petites baskets. Le doudou lapin abandonné. Qui va lui permettre d'entrer dans un monde à la Lewis Caroll, plus grand que lui. A jamais inaccessible… La métaphore du jardin, reflet de soi et d'une société qui s'y admire, que l'on se construit, qui se nourrit de la terre autant qu'il dépend de soi-même, et des autres.. le jardin zen, le jardin sauvage, le jardin nourricier, le jardin royal.. A chacun son jardin. Et celui que Phia Ménard propose à Eylan est pavé (au sens propre) de bonnes et mauvaises intentions. Il y a ceux qui ne l'accueilleront pas, et ceux qui le feront revivre. Après avoir fait sa colère d'enfant qui se révolte contre cette statue inatteignable,  ce dernier voit surgir un immense socle descendu des cintres, où reposent d'immenses pieds de statue géante. On voit bien que là, tout lui sera inaccessible. Que ce colosse aux pieds assassins va le détruire.

Mais l'enfant, astucieux, creuse la pierre, et par les interstices fait jaillir des cubes de pierre, fait de mousses. En déconstruisant, il va pouvoir construire. Une maison. Un abri, un rêve. L'épais nuage qui sort de cet « amas » de pierre prête à espérer. Ou non. De même que les multiples petites lumières telles des étoiles filantes qui se mettent à scintiller ensuite, laissent dans le doute : l'enfant est-il arrivé là-haut ? Ou s'est-il évanoui dans un rêve éveillé ? Ou un cauchemar final ? A chacun de voir … Reste le titre de cette pièce ; « Art XIII » qui fait référence à l'article 13 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme » : « 1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat. 2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. » Et reste une danseuse magnifique et bouleversante, , qui signe la chorégraphie, quand Phia Ménard assure la scénographie, la mise en scène et l'écriture. Un duo terriblement inspirant à découvrir en tournée jusqu'en avril 2024.

Crédits photographiques : © Christophe Raynaud de Lage

 

 

 

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