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Alexandre Kantorow, le génie rhapsodique à la Philharmonie de Paris

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Paris. Philharmonie, Grande salle Pierre Boulez. 9-XI-2023. Johannes Brahms (1833-1897) : Rhapsodie op. 79 n° 1 ; Chaconne. Franz Liszt (1811-1886) : Chasse-neige, extrait des Études d’exécution transcendante ; Vallée d’Obermann, extrait des Années de Pèlerinage. Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Sonate pour piano n° 1 op. 1. Béla Bartók (1881-1945) : Rhapsodie pour piano op. 1 Sz 26. Alexandre Kantorow, piano

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Dans la grande salle Pierre Boulez, l'étoile du piano français convoquait les grands compositeurs de rhapsodies, de Liszt à Bartók, dans un programme à son image : émouvant, tendre, fougueux et génial.

Une grève est annoncée : les lumières resteront allumées pour toute la durée du concert. La concentration du public pourrait en pâtir, tant il est vrai que la pénombre profite au recueillement. Mais rien n'entame la concentration d', lorsqu'il débute la Rhapsodie en si de Brahms. Tout le concert, le pianiste parvient à tenir ce fil ténu de tension et d'inquiétude, justement si propice à la forme de la rhapsodie, joint à l'évident plaisir de la virtuosité pianistique. Dans cette œuvre de la maturité (1879), Brahms alterne des passages agités autour d'un motif récurrent de triolet de doubles croches, et des passages doux, entrecoupés de grands pans de virtuosités. Kantorow, qui a enregistré l'œuvre en 2020 dans son disque « Brahms, Bartók, Liszt » (chez Bis Records, Clef d'or ResMusica), donne à entendre la fougue (sans raideur, ni les effets massifs souvent entendus chez Brahms) et la tendresse, accompagnant la ligne mélodique d'une partie de medium merveilleusement perlée.

Kantorow poursuit avec des œuvres parmi les plus belles, aussi les plus redoutables de Liszt  : le Chasse-neige, dernière Études d'exécution transcendante et la Vallée d'Obermann, célèbre pièce des Années de pèlerinage dans laquelle l'expression de la quête d'absolu est à son comble. Tout y est : le détail du jeu (ces trémolos vibrant sous la mélodie, dans le Chasse-neige) comme le souffle général de l'œuvre (la sublime grande montée chromatique de cette même œuvre par exemple). Dans la Vallée d'Obermann, Kantorow nous conduit sur des sommets de l'exaltation jusqu'aux dépressions profondes. La fin est prise frénétiquement, au bord de l'abîme.

Composée dans l'héritage de Liszt mais aussi de Brahms, la Rhapsodie de Bartók est plus inattendue. Premier opus de son catalogue, composé en 1904, elle donna lieu par la suite à une version pour piano et orchestre et à une autre pour deux pianos. Elle comprend deux parties : un adagio, dans lequel le pianiste surprend par un jeu moiré et délicat, surprenant chez Bartók, suivi d'un allegro virtuose, où les références tziganes sont explicites, comme celles du verbunkos, danse traditionnelle hongroise dont Bartók s'éloigna par la suite au profit de musiques populaires plus authentiques. Kantorow interprète cet allegro avec un alliage de brio et d'humour très réussi, et la souplesse et la détente féline de la main sont un plaisir à regarder.

La deuxième partie du concert pousse les frontières du romantisme du côté de Rachmaninov avec la Sonate pour piano n° 1, œuvre foisonnante dans laquelle se montre encore plus brillant, bondissant sur le clavier avec une maîtrise confondante, et subjugue l'auditoire dans l'entrelacement mélodique et délicat du mouvement lent. Le corps à corps avec l'instrument est beau à voir, et l'effort du pianiste, qui chantonne à plusieurs reprises, est palpable. Après cette performance très applaudie, il clôt le concert en revenant à Brahms, mais dans une œuvre fort différente de la première : la transcription pour piano de l'iconique Chaconne de Bach, un choix judicieux après le foisonnement des œuvres précédentes. Composée pour main gauche seule, elle est énoncée avec une grande clarté et noblesse et prend des allures orchestrales.

Comme pour illustrer les deux versants de sa personnalité pianistique, propose en bis une transcription (par !) de Mon cœur s'ouvre à ta voix du Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns et une de la fin de L'Oiseau de feu, déjà donné dans de précédents récitals, qui donnent une folle envie de l'entendre dans son intégralité.

Crédits photographiques : Alexandre Kantorow © Sasha Gusov

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Paris. Philharmonie, Grande salle Pierre Boulez. 9-XI-2023. Johannes Brahms (1833-1897) : Rhapsodie op. 79 n° 1 ; Chaconne. Franz Liszt (1811-1886) : Chasse-neige, extrait des Études d’exécution transcendante ; Vallée d’Obermann, extrait des Années de Pèlerinage. Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Sonate pour piano n° 1 op. 1. Béla Bartók (1881-1945) : Rhapsodie pour piano op. 1 Sz 26. Alexandre Kantorow, piano

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