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BIPED de Merce Cunningham entre au répertoire de l’Opéra de Lyon

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Lyon. Opéra. 16-IV-2024. Beach Birds. Création 1991. Reprise. Chorégraphe : Merce Cunningham. Assistante chorégraphique : Carol Tetelbaum. Musique : John Cage. Costumes et lumières : Marsha Skinner. Maîtres de Ballet : Pierre Advokatoff, Jocelyne Mocogni. Onze Danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon.
Biped. Création 1999. Entrée au répertoire. Chorégraphie : Merce Cunningham. Assistantes : Jamie Scott, Andrea Weber. Musique : Gavin Bryars. Décor et hologrammes : Paul Kaiser, Shelley Eshkar. Costumes : Suzanne Gallo. Lumière : Aaron Coppa. Interprètes : 14 Danseurs du Ballet (dont six dansant les deux pièces à la suite).

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Le programme Forever associe deux pièces emblématiques de : Beach Birds (1991) et BIPED (1999) qui fait son entrée au répertoire de l'Opéra national de Lyon, sous la direction subtile de Cédric Andrieux, le nouveau directeur du Ballet depuis août 2023.

Une des forces de est d'avoir érigé le hasard en règle dans le tracé de formes géométriques. En somme, quand il lançait un dé, pour décider d'un geste dansé, il abondait dans le sens de l'aléatoire. Ses interprètes acquiesçant, en avaient-ils le choix ?

Les « partitions » du chorégraphe (visionnaire) sont d'autant plus millimétrées qu'elles résultent aussi d'une synthèse esthétique, plastique et musicale. John Cage a composé notamment la musique de Beach Birds, que dirige vaillamment ce soir de Première, Gavin Bryars, au piano et bâton de pluie pour Beach Birds et aux claviers pour BIPED, dont il a créé la partition. Son fils Youri Bryars joue de la contrebasse (BIPED), du bâton de pluie (Beach Birds), accompagnés de la violoncelliste, Audrey Riley (BIPED) et du guitariste électrique, James Woodrow (idem), ainsi que de l'altiste et violoniste, Morgan Goff, depuis la fosse.

Alors que BIPED n'a plus de secrets pour Cédric Andrieux, ancien danseur de la Merce Cunningham Company l'ayant souvent interprété et aujourd'hui directeur du Ballet de l'Opéra national de Lyon, voir et revoir jouer par de nouveaux danseurs ces pièces d'anthologie est un délice très pur. Les danseurs du ballet excellent encore et toujours en des prouesses humaines, techniques et artistiques, qui parlent à l'âme en direct. C'est une chance de les voir évoluer, tournoyer, sauter de plus en plus haut, quasi en suspension, chaque muscle étant mobilisé, en en-dehors ici chez Merce Cunningham (douloureux pour les danseurs et danseuses plus en-dedans).

Ce n'est pas rien de se dire que certains des danseurs enchaînent les deux pièces avec un seul entracte. Il en va, nous croyons, d'un feu d'artifice d'émotions contrastées et toujours sur le versant d'une infinie grâce géométrisée, d'où s'échappe l'animalité ici, incroyable ! Ce programme aux riches correspondances, difficile et ambitieux, est tout en tensions, sauts suspendus, développés sur une seule jambe, patte d'oiseaux (des flamants ?), juchés souvent sur un seul pied et sans bras. Il est ainsi possible en regardant « ces vastes oiseaux des mers, qui suivent indolents compagnons de voyage, le navire voguant sur des astres amers » de croiser aussi L'Albatros des Fleurs du mal de Baudelaire, tandis qu'affleurent en leurs costumes blanc cassé et noir (en haut du corps) de Beach Birds, des manchots ! Et oui, on a l'impression qu'Albert Nikolli a des ailes et non plus de bras quand il prend son envol et qu'Anna Romanova va s'envoler aussi, ils sont magnifiques.

Cette soirée mémorable est source infinie de bonheur, tant la grâce habite cette scène. L'esprit de Merce Cunningham souffle encore et toujours sur la danse (il aurait eu 105 ans ce soir) comme un vent doux et organisé, qui insufflerait ses grâces dans les interstices du monde de l'art. Puisse ce monde déteindre pour un chant d'oiseau et une note de Cage par Bryars sur le monde en général.


Voir des ailes et des pattes (bras et jambes des danseurs), dans leurs costumes d'oiseaux de mer, blanc (en bas) et noir (en haut), se déployant dans l'espace, sur le frissonnement des bâtons de pluie, entre autres sons, recrée un univers à la croisée du sensible et de l'intelligible ? Les solos, duos, trios, quatuors… jusqu'aux mouvements d'ensemble, mettent en valeur chacun des interprètes. Avec Merce Cunningham, John Cage, ou Gavin Bryars, rien n'est hasardeux, tout est magiquement aléatoire et cela donne Beach Birds et BIPED, des œuvres habitées, qui se murmurent en silence et s'apprécient, en dansant, sinon serions-nous perdus ? Et pour commenter très librement in fine Merce Cunningham (sans paraphraser Pina Bausch, son alter ego féminin dans un autre registre, visionnaire aussi), nous écririons que les gracieux oiseaux de mer dansants de Beach Birds ne s'envolent pas au crépuscule (comme la chouette de Minerve), mais volent plutôt en surplomb sans poids, en décalé, sur les sons métalliques des « cloches » de John Cage, et ceux plus sablonneux des bâtons de pluie, tels les artistes du geste dessiné par un géomètre-philosophe, d'un danseur en somme. Le bipède (l'humain au pluriel), n'est tout aussi léger et sérieux dans son costume disco des années 80 chatoyant de couleurs vives, il s'élance à plusieurs et dégage sur les touches de Gavin Bryars sa subtile attitude d'être hybride, corps souple et âme précise, à l'orée du monde.

Crédits photographiques : Beach Birds ; BIPED © Agathe Poupeney / Ballet de l'Opéra national de Lyon

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Lyon. Opéra. 16-IV-2024. Beach Birds. Création 1991. Reprise. Chorégraphe : Merce Cunningham. Assistante chorégraphique : Carol Tetelbaum. Musique : John Cage. Costumes et lumières : Marsha Skinner. Maîtres de Ballet : Pierre Advokatoff, Jocelyne Mocogni. Onze Danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon.
Biped. Création 1999. Entrée au répertoire. Chorégraphie : Merce Cunningham. Assistantes : Jamie Scott, Andrea Weber. Musique : Gavin Bryars. Décor et hologrammes : Paul Kaiser, Shelley Eshkar. Costumes : Suzanne Gallo. Lumière : Aaron Coppa. Interprètes : 14 Danseurs du Ballet (dont six dansant les deux pièces à la suite).

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