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Don Pasquale pétillant à Nancy

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Nancy. Opéra national de Lorraine. 15-XII-2023. Gaetano Donizetti (1797-1848) : Don Pasquale, opéra bouffe en trois actes sur un livret de Giovanni Ruffini. Mise en scène : Tim Sheader. Scénographie : Leslie Travers. Costumes : Jean-Jacques Delmotte. Lumières : Howard Hudson. Collaboration au mouvement : Steve Elias. Avec : Lucio Gallo, Don Pasquale ; Vuvu Mpofu, Norina ; Marco Ciaponi, Ernesto ; Germán Olvera, le Docteur Malatesta ; Séverine Maquaire, le Notaire. Chœur de l’Opéra national de Lorraine (Chef de chœur : Guillaume Fauchère), Orchestre de l’Opéra national de Lorraine, direction : Giulio Cilona

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Avec sa mise en scène haute en couleurs et sa distribution jeune, théâtralement très active et vocalement impeccable, Don Pasquale à Nancy répond aux attentes pour un idéal spectacle de Noël adapté à tous les âges.

Évitant en cette période de fêtes de fin d'année les (trop) classiques tubes d'Offenbach ou opérettes viennoises, l'Opéra national de Lorraine et son directeur Matthieu Dussouillez se sont tournés vers l'opéra bouffe italien avec Don Pasquale, dernier chef-d'œuvre du genre d'un déjà au crépuscule de sa vie. Il mourra en effet à 50 ans, trois ans seulement après la création de Don Pasquale à Paris le 3 janvier 1843. Encore fallait-il ne pas trop demander ni alourdir le propos d'une œuvre qui vise essentiellement à faire rire et à divertir, d'une inspiration mélodique toujours au plus haut niveau et d'une difficulté d'exécution redoutable.

C'est chose faite avec la mise en scène du britannique , plus connu outre-Manche dans l'univers de la comédie musicale dont les codes et les techniques s'adaptent ici parfaitement. Le luxueux et spectaculaire décor tournant de Leslie Travers figure côté pile la façade d'un immeuble de bureaux gravé du nom de Don Pasquale, propriétaire donc d'une entreprise florissante où s‘affichent les cotes du CAC 40 et où s'affairent devant leurs écrans d'ordinateurs une armée de clones de golden boys. Le côté face est dévolu à la sphère privée du magnat, un univers opulent aux riches parquets et boiseries et aux multiples œuvres d‘art exposées dans des vitrines. Son neveu Ernesto, au look de backpacker, guitare en bandoulière et casque audio vissé sur les oreilles, est pressenti pour l'héritage à condition d'accepter le parti qu'on lui destine et qu'il refuse car déjà amoureux de Norina (en fait, une des employées au nettoyage). Don Pasquale décide en conséquence de se marier pour le priver de ses droits à la succession. Grâce au complot ourdi par le Docteur Malatesta, la nouvelle épouse sera Norina elle-même qui s'empressera, une fois le (faux) contrat signé, de se comporter comme la pire des garces dans le but de dégouter définitivement Don Pasquale du mariage. Au troisième acte après l'entracte, elle aura relooké l'intérieur de Don Pasquale en rose bonbon très envahissant avec, en clin d'œil à Noël, un immense sapin à son chiffre, un petit train porteur de cadeaux et un chœur déguisé en lutins…

Tim Shaeder occupe avec aisance cet espace, variant constamment les entrées, les interactions et les perspectives sans jamais ennuyer. La direction d'acteurs est suffisamment soignée pour donner précision et caractère à chacun des personnages et clarifier les situations dont le comique est bien rendu sans lourdeur ni gags envahissants. Et il n'omet jamais de « faire le show » comme dans les interventions du chœur chorégraphiées avec simplicité et goût. Au final, Norina apparaîtra comme une femme libre, jetant son dévolu sur qui lui plaît (même Malatesta s'y laisse prendre) mais ne se liant à aucun. Bref, on sourit de bon cœur à ce spectacle consensuel, facile d'accès, très divertissant et qui visiblement ravit le public, petits comme grands, au point de susciter dès le lever de rideau du troisième acte quelques applaudissements.

Silhouette centrale autour de laquelle tous gravitent, Norina trouve en l'actrice idéale. Son jeu libre et décomplexé y apporte tout le piquant, la rouerie et la drôlerie qui la rendent irrésistible. Malgré un timbre peut-être un peu trop corsé, l'interprétation vocale est impeccable tant dans les longues phrases soutenues de cantilène que dans le brio des vocalises jusqu'à l'assurance et le caractère percutant des suraigus. Plus fade scéniquement, dans le rôle de son amoureux Ernesto se montre un interprète nuancé et touchant, soignant les demi-teintes, à la technique solide (de superbes messas di voce) mais dont le timbre tend à blanchir dans l'aigu. donne un vigoureux relief au Docteur Malatesta et impressionne par sa longueur de souffle qui lui autorise un legato parfait et un chant syllabique rapide électrisant. C'est moins le cas du Don Pasquale au souffle plus court de mais qui cependant, sans en faire des tonnes et toujours bien intelligible et sonore, attire la sympathie en barbon bafoué et méprisé. réussit à capter l'attention dans le si court rôle du Notaire. Quant au , il assume avec une réjouissante réussite ses interventions tant vocales que chorégraphiques.

Star montante de la direction d'opéra (particulièrement en Allemagne), protéiforme (il est aussi pianiste soliste, claveciniste, organiste et formé à la musique baroque), le chef apporte vigueur et motricité rythmique sans jamais compromettre la précision et la mise en place des ensembles. Un sans-faute auquel contribue l' par sa plénitude son énergie et sa constante cohésion avec une mention spéciale pour le si éloquent et nostalgique solo de trompette qui ouvre le second acte.

Crédits photographiques : (Norina) et (Ernesto) / le © Jean Louis Fernandez pour Opéra national de Lorraine

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Nancy. Opéra national de Lorraine. 15-XII-2023. Gaetano Donizetti (1797-1848) : Don Pasquale, opéra bouffe en trois actes sur un livret de Giovanni Ruffini. Mise en scène : Tim Sheader. Scénographie : Leslie Travers. Costumes : Jean-Jacques Delmotte. Lumières : Howard Hudson. Collaboration au mouvement : Steve Elias. Avec : Lucio Gallo, Don Pasquale ; Vuvu Mpofu, Norina ; Marco Ciaponi, Ernesto ; Germán Olvera, le Docteur Malatesta ; Séverine Maquaire, le Notaire. Chœur de l’Opéra national de Lorraine (Chef de chœur : Guillaume Fauchère), Orchestre de l’Opéra national de Lorraine, direction : Giulio Cilona

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