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L’effet « Janus » à l’Espace de projection de l’Ircam

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Paris. Ircam, Espace de projection. 27-IV-2024. Justina Repečkaitė (née en 1989) : La Muë, pour chœur d’enfants, serpent et électronique ; Antoine Boësset (1587-1643) : Magnificat, pour chœur d’enfants ; Anonyme : Tota Pulchra es, motet pour chœur d’enfants ; Pierre Bouteiller (1655-après mars 1717) : Missa pro defunctis cum quinque vocum (Messe pour les défunts à cinq voix), extraits ; Jug Marković (né en 1987) : Stabat mater, pour chœur, viole de gambe et électronique ; Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Laboravi clamens, motet à cinq voix et basse continue. Christine Plubeau-Mazeaud, viole de gambe ; Patrick Wibart, serpent ; Louis-Avit Colombier, orgue ; Les Pages et les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles ; Fabien Armengaud, Clément Buonomo, direction musicale ; Johann Philippe, João Svidzinski, électronique Ircam ; Jérémie Bourgogne, diffusion sonore Ircam

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Donné dans l'Espace de projection avec l'acoustique modélisée de la Chapelle royale de Versailles telle que les ressources du lieu le permettent aujourd'hui, le concert Janus 2024 croise de manière audacieuse musiques des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles et création contemporaine.

Le projet Janus court de 2021 à 2025. Programmé une première fois durant le festival ManiFeste 2023, il consiste à réunir les deux têtes chercheuses de l' et du Centre de musique baroque de Versailles (CMBV) à travers master-classes et commandes d'œuvre adressées aux deux formations vocales du centre baroque, les Pages et les Chantres, comme à la lutherie ancienne et virtuelle.

Ainsi, sur le plateau de l'Espro, le serpent (qui accompagnait jadis les voix d'enfants à l'église) de est-il à côté du chœur des Pages, en costume d'époque, dans la pièce en création, La muë, de . La compositrice lituanienne s'est penchée sur l'Essai sur la muë de la voix (1754) de Samuel Auguste Tissot dont elle prélève certains mots-clés (voix, charme, l'amour, la mue, etc.). Ils servent de support textuel (quasi inaudible) à l'écriture un rien ingrate des voix d'enfants traitées en direct par l'électronique. Dans un autre registre, plus granuleux, le serpent, parfois entendu seul, émet d'abord des fréquences graves, comme un didgeridoo. L'interprète a recours à une technique de chant et de jeu simultanés assez spectaculaire qui l'amène à produire du chant diphonique (« la mue du serpent »), rejoignant la tessiture du chœur d'enfants. Sous la direction attentive de , l'ensemble est foisonnant, inattendu et immersif à la faveur de l'acoustique généreuse et de la diffusion ambisonique : une aventure « expérimentale » menée par Repečkaitė et quasi inouïe, qui ne laisse d'interroger l'auditeur.

Le serpent retrouve son rôle de « cuivre doux », toujours au côté des Pages auxquels s'est joint l'orgue de , dans le Magnificat de Boësset (1587-1643) qui multiplie les interventions solistes des jeunes voix en dialogue avec le tutti. Elles sont plus à l'aise dans l'anonyme Tota Pulcra es (« Ma bien-aimée vous êtes toute belle »), laissant apprécier la souplesse des voix et leur belle synergie.

Les Chantres relaient les Pages et la viole de gambe (-Mazeaud) fait son entrée sur scène pour le Requiem à cinq voix de (1655-1717), réunissant chœur mixte et continuo (serpent, viole de gambe et orgue) sous la direction de . Quatre parties sur les six sont entendues, le serpent, proche du baryton, donnant à chaque départ le timbre liturgique avec une parfaite intonation. La compréhension du texte (le latin prononcé à la française) y est soignée et l'écriture, balançant entre stricte verticalité et passages plus « madrigalesques », superbement restituée, comme sous la voûte de la Chapelle royale.

S'emparer aujourd'hui du texte du Stabat Mater est un défi que relève le compositeur serbe : « J'ai voulu prendre un texte connu afin de me concentrer uniquement sur le sonore et sur la magie du son encore non conceptualisé », écrit le compositeur qui aime céder à « l'intuition et à l'impulsion » dans sa composition. L'œuvre donnée en création réunit le chœur des Chantres et la viole de gambe de -Mazeaud, captée et traitée en direct par les logiciels de pointe de l'. Le texte, chanté en latin, y est souvent dissous dans la matière, Marković ne retenant d'ailleurs que quelques bribes de chacun des tercets de la séquence liturgique pour nourrir les huit mouvements de l'œuvre. Au fil du texte, il soumet les voix à différents traitements électroniques et modes d'énonciations : murmure, clameur, répétition litanique, débit rapide et pulsé dont la viole, entendue surtout sur les haut-parleurs, répercute les manifestations : autant de contrastes d'énergie et de dynamique accompagnés par les jeux de lumière dans la salle. L'électronique a également ses soli virtuoses où s'entend la synthèse du matériau vocal. Grain et couleurs ressortent de l'écriture portée avec vaillance et vigueur par le chœur des Chantres et la direction de dans une pièce tout en relief où opère in fine la fusion des trois sources sonores.

Terminer avec n'est certes pas la meilleure idée du concert mais son motet à cinq voix et basse continue, Laboravi clamans, permet de réunir sur le plateau l'ensemble des interprètes, Pages et Chantres, viole et serpent, dans une pièce très courte préludée par l'organiste . Les saluts font revenir sur scène chefs et compositeurs ainsi que les RIM travaillant dans l'ombre, et , accompagnés de en charge de la diffusion sonore.

Crédit photographique : ©

 

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Paris. Ircam, Espace de projection. 27-IV-2024. Justina Repečkaitė (née en 1989) : La Muë, pour chœur d’enfants, serpent et électronique ; Antoine Boësset (1587-1643) : Magnificat, pour chœur d’enfants ; Anonyme : Tota Pulchra es, motet pour chœur d’enfants ; Pierre Bouteiller (1655-après mars 1717) : Missa pro defunctis cum quinque vocum (Messe pour les défunts à cinq voix), extraits ; Jug Marković (né en 1987) : Stabat mater, pour chœur, viole de gambe et électronique ; Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Laboravi clamens, motet à cinq voix et basse continue. Christine Plubeau-Mazeaud, viole de gambe ; Patrick Wibart, serpent ; Louis-Avit Colombier, orgue ; Les Pages et les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles ; Fabien Armengaud, Clément Buonomo, direction musicale ; Johann Philippe, João Svidzinski, électronique Ircam ; Jérémie Bourgogne, diffusion sonore Ircam

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