Concerts, Festivals, La Scène, Musique d'ensemble

Silvacane : les rendez-vous de la musique ancienne à La Roque d’Anthéron

Plus de détails

La Roque d’Anthéron. Abbaye de Silvacane. 24-VII-2025. Exils, lamentations et consolations. Musiques de John Dowland (1563-1626), Peeter Cornet (ca.1570-1633), Claudio Monteverdi (1567-1643), Bernard Foccroulle (né en 1953), Francisco Correa d’Arauxo (1584-1654), William Lawes (1602-1645), Henry Purcell (1659-1695). Le Ricercar Consort : Lucile Boulanger, Anna Lachegyi, Clémence Schiltz, Layal Ramadan, Philippe Pierlot, violes de gambe. Bernard Foccroulle, orgue et direction.
25-VII-2025. Mystères, Bach/Biber. Musiques de Heinrich Biber (1644-1704) et Johann Sebastian Bach (1685-1750). Arnaud De Pasquale, clavecin. Salomé Gasselin, viole de gambe.

Partager

Les violes de gambe sont à l'honneur cette année dans la programmation du festival de piano : deux concerts de musique baroque avec un détour par la création contemporaine font se rejoindre les violes et les claviers sous les voûtes du cloître de Silvacane.

Le de et Bernard Foccroulle à l'orgue positif : voilà un bien beau plateau pour fêter les quarante ans de l'ensemble et faire se retrouver les deux complices liégeois (qui étaient déjà programmés la veille pour un concert J.S. Bach à St Jean de Malte). Le programme intitulé « Exils, lamentations et consolations » commence dans un climat recueilli avec le célèbre Lachrimae antiquae de J. Dowland pour 5 violes accompagnées par l'orgue. Ce qui frappe d'emblée, c'est la grande proximité sonore entre les violes et l'orgue, ici un très bel instrument récent du facteur Luc Meurice, d'esthétique allemande, aux tuyaux en bois. La précision des attaques des violes est étonnemment proche de celle de l'instrument à clavier. Le programme se poursuit dans le même climat d'intense émotion jusqu'à la pièce Exils écrite en 2019 par Bernard Foccroulle pour le . Le compositeur s'adresse au public pour présenter son oeuvre, jouée ici pour la première fois en France et que l'on avait entendue quelques jours plus tôt au festival belge de l'Eté Mosan). Basée sur le texte de cinq poèmes qui seront lus avant chaque partie, cette composition est un hommage au sort douloureux des migrants. Aujourd'hui encore, le monde est plein de dissonnances, nous dit Bernard Foccroulle, faisant référence au drame de Gaza. L'écriture de ces cinq pièces joue sur l'aspect très organique de la sonorité de la viole, et fait beaucoup appel aux pizzicatti et aux effets d'harmoniques (sons sur-aigus obtenus en effleurant les cordes). On ressent physiquement le froid et la morsure des barbelés, pris dans un véritable envoloppement de sons.

Après les larmes de l'exil, retour à la consolation par la prière avec les gloses sur le chant de l'Immaculée Conception de Correa d'Arauxo, pièce écrite pour orgue mais jouée ici par quatre violes, avec les diminutions au dessus de viole par . Après un autre Tiento transcrit pour les violes, c'est à l'orgue que Bernard Foccroulle nous offre une dernière pièce de Correa d'Arauxo dont il est un grand connaisseur (son intégrale de l'oeuvre de Correa en 2022 nous a laissé un souvenir inoubliable). Le jeu de régale utilisé pour cette pièce est d'une très belle douceur qui l'apparente à la sonorité des violes. Un Consort à cinq de William Lawes est une nouvelle occasion de mêler les violes à l'accompagnement de l'orgue, et on réentend le thème des Lachrimae dans la Pavane qui conclut l'ensemble. Enfin, deux pièces de Purcell à six voix offrent à l'orgue l'occasion de tenir le rôle de la viole la plus grave, et l'illusion est parfaite. En bis, la Galliard Battaglia de Samuel Scheidt nous ramène à la Guerre de trente ans, en deux choeurs qui se répondent. On sait que pour Bernard Foccroulle, « cela a beaucoup de sens de relier le répertoire ancien et la création contemporaine ». Avec ce programme intense en émotions, le pari est amplement gagné.

C'est décidément l'année de la viole de gambe à La Roque d'Anthéron ! Le lendemain, c'est au tour de d'être invitée dans le cloître de Silvacane pour un programme qui reprend en partie celui de son dernier disque « Mystères », accompagnée ici par au clavecin. Dès la première pièce, une Sonatina anonyme parfois attribuée à Biber, on sent une belle complicité entre les deux interprètes, et une grande liberté dans l'élocution de la phrase musicale. La sonorité de la basse de viole historique de 1653 que joue est d'une rondeur exceptionnelle. La violiste présente elle-même la suite du programme, dédiée à la transcription. La Sonate BWV965 est transcrite de la main de J.S. Bach pour clavier à partir d'une sonate pour deux violons de Reincken. Ici, la viole rejoint le clavecin pour l'Adagio introductif qui a des accents de stylus fantasticus, et pour la Gigue finale. La partie centrale permet d'apprécier au clavecin solo le toucher très expressif d'. La pièce suivante est la grande Passacaille de l'Ange gardien extraite du cycle des Sonates du Rosaire de Biber, véritable morceau de bravoure pour violon solo, encore plus impressionnant ici dans l'arrangement qu'en fait pour la basse de viole. Basée sur le tétracorde descendant, qui s'impose en une basse obstinée lancinante d'un bout à l'autre de l'oeuvre, elle développe des variations d'une incroyable virtuosité, jusqu'à l'extrême aigu de l'instrument. Mais jamais cette virtuosité ne prend le pas sur l'expressivité, et l'émotion transmise par l'archet de Salomé Gasselin est immense. La Sonate BWV 1028 pour basse de viole et clavecin obligé qui conclut ce programme nous ramène à un répertoire moins inattendu. On se souvient qu' avait enregistré ces sonates pour viole avec Lucile Boulanger en 2012. Il s'agit d'un véritable dialogue entre les deux instruments, le clavecin ayant ici un rôle concertant et ne se contentant pas d'un simple accompagnement. Dans les mouvements lents, le chant de la viole se fait d'une extrême lenteur et nous offre une interprétation profondément inspirée. Le public enthousiaste demande deux bis, qui se terminent par La Mariée de Marin Marais.

Crédit photographique : Pierre Moralès (), Christian Glaenzer (Salomé Gasselin)

 

 

(Visited 241 times, 1 visits today)
Partager

Plus de détails

La Roque d’Anthéron. Abbaye de Silvacane. 24-VII-2025. Exils, lamentations et consolations. Musiques de John Dowland (1563-1626), Peeter Cornet (ca.1570-1633), Claudio Monteverdi (1567-1643), Bernard Foccroulle (né en 1953), Francisco Correa d’Arauxo (1584-1654), William Lawes (1602-1645), Henry Purcell (1659-1695). Le Ricercar Consort : Lucile Boulanger, Anna Lachegyi, Clémence Schiltz, Layal Ramadan, Philippe Pierlot, violes de gambe. Bernard Foccroulle, orgue et direction.
25-VII-2025. Mystères, Bach/Biber. Musiques de Heinrich Biber (1644-1704) et Johann Sebastian Bach (1685-1750). Arnaud De Pasquale, clavecin. Salomé Gasselin, viole de gambe.

Partager

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte, écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.