I Masnadieri de Verdi à Munich : rapt de beauté
Créé en 1847 à Londres, I Masnadieri n'est pas l'opéra le plus connu de Verdi. Servi ici par une distribution de haut vol et un orchestre flamboyant, on ne peut que souhaiter l'entendre plus souvent.

L'œuvre est nimbée d'une ambiance romantique issue d'un néogothique macabre avec une succession d'intrigues à rebondissements et au dénouement assez surprenant. La mise en scène, unique pour l'ensemble de la soirée, se déroule dans le palais de la famille Moor, vu à travers un objectif fish-eye qui distord toutes les perspectives, permettant aux murs latéraux de se mouvoir, afin de laisser une ouverture centrale plus importante pour laisser passer le chœur ou bien se resserrer pour concentrer l'intrigue sur les protagonistes. Dans une permanente pénombre, des jeux de voiles permettent de délimiter certains espaces, jouant sur le cadre de scène. Seul varie le centre du plateau où sont alternativement disposés cercueils, tables et chaises qui permettent de distinguer les changements de tableaux. Un violoncelle sera le fil rouge du personnage de la mère décédée de Carlo et de Francesco, frères rivaux se disputant la main d'Amalia, l'un par amour bien que brigand, l'autre par désir de possession et parricide. Seuls figurent quelques sapins au milieu de l'intrigue, puis des cerfs blancs géants, bien incongrus et à l'utilité douteuse. C'est toutefois sur le plan vocal qu'il faut chercher l'ivresse de la soirée.
En effet, lorgnant toujours du côté du bel canto avec ses cantilènes lunaires et ses vocalises grisantes, Verdi caractérise de façon assez conventionnelle son écriture vocale mais avec une dextérité qui amènera son évolution vers une composition plus orchestrale de la voix. Dans la droite ligne de Joan Sutherland, Lisette Oropesa est fabuleuse de brillance vocale et de maîtrise de son instrument. L'extrême aigu n'est désormais plus l'aspect le plus saillant de sa tessiture par rapport à son début de carrière, mais le médium est d'une richesse harmonique avec une épaisseur moelleuse qui laisse penser ce que deviendra cette voix dans dix ans et ce qu'elle pourra trouver comme épanouissement dans les Verdi de la maturité. Quelques notes filées ont parfois besoin d'un peu plus de soutien pour éviter des problèmes d'intonation mais ceux-ci sont péchés véniels et peut être temporaires tant l'ensemble du diamant brille de toutes ses facettes. La vocalise facile et la projection sans faille complètent le tableau d'un rôle qui lui sied parfaitement à ce moment de sa carrière.

Le ténor Charles Castronovo ne peut s'enorgueillir d'une même santé vocale. Le timbre manque d'éclat et semble un peu trop mat pour tout à fait se différencier de son baryton de frère. Toutefois, son engagement dramatique et sa présence scénique sont admirables et il faut constater que ce rôle lui est plus adapté que celui de Don Carlos. Erwin Schrott est respectable dans le rôle de Massimiliano, avec ce qu'il faut de grandeur aristocratique et de tendresse paternelle, tant envers Amalia qu'envers son fils qui le trahit, le baryton Alfredo Daza. Ce dernier est précis dans les détails de son rôle, avec une tendance parfois à être trop dans la performance, dont toutefois il faut convenir qu'elle est convaincante, tant par l'homogénéité de son registre que de la tenue vocale.
L'orchestre n'est pas en reste. Les pupitres sont parfaitement équilibrés et les différents soli aménagés par Verdi sont gracieusement exécutés (tel celui du violoncelle à l'ouverture). L'ensemble fonctionne admirablement bien avec un chœur présent et bien mené.
Crédits photographiques : © Geoffroy Schied
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