Le grand écart de Marie Depoorter à l’Athénée
Dans Grand Battement, Marie Depoorter joue le rôle d'une danseuse classique en proie à la découverte de sa sexualité. Un seule-en-scène original et percutant comme un fouetté !

En bord de scène, toutes lumières allumées, Marie Depoorter explique aux spectateurs de la petite salle Christian Bérard du Théâtre de l'Athénée-Louis Jouvet la genèse du spectacle Grand battement, qu'elle a créé en 2017, à la sortie de l'ENSATT, département Jeu. Nelly, le personnage principal qu'elle interprète, est une jeune danseuse tiraillée entre l'exigence technique de sa pratique et la découverte de la sexualité qui tourne vite à l'obsession et risque de ruiner les efforts de toute une vie. Tout en pratiquant un échauffement classique à la barre, Nelly se livre à un monologue souvent glaçant, duquel émerge la figure despotique et abusive de sa mère, la dureté de sa professeure de danse qui la juge froide puis pas assez concentrée quand Nelly tombe amoureuse de son partenaire de pas-de-deux, l'excellent Mickaël Treguer.
Dans la pénombre, les deux danseurs exécutent une danse, le fameux-pas-de-deux, qui évolue vite en amour physique. Leurs respirations se font plus haletantes, le souffle se transforme en cris de jouissance. Car Nelly, adepte de perfection et tout en contrôle perd les pédales en découvrant la sexualité et se laisse totalement déborder. Son corps et son esprit, corsetés et programmés depuis l'enfance lui jouent des tours. La pornographie devient terrain d'études, la danse devient acte sexuel et vice-versa. Le langage est cru, les situations aussi parfois, provoquant un certain malaise voulu par l'artiste qui revendique l'envie de faire rire jaune ses spectateurs en pratiquant l'humour noir. « Il est viscéral pour moi… que cette femme parle de ces sujets-là sans métaphore » explique Marie Depoorter. Dans Grand Battement, la langue est directe, aussi percutante qu'un battement de jambe. De fait, le corps de la danseuse, lieu de bien des souffrances et contraintes pour parvenir à la perfection attendue, vit la sexualité comme une autre violence à intégrer ; une technique comme une autre qu'il faut apprendre à maîtriser. Mais c'est aussi un espace de liberté et d'émancipation pour la danseuse maintenue à l'état d'enfant par sa mère et son obsession de perfection.
Marie Depoorter ose tout et livre avec Grand Battement une exploration personnelle de la découverte du désir, dans un univers, celui de la danse classique, où le corps est au centre de tout mais tellement contraint qu'il en finit par être nié dans ce qu'il a de plus humain.








