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À Munich, La chatte anglaise de Henze ne sort pas les griffes

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Munich. Cuvilliés Theater. 9-XI-2025. Hans Werner Henze (1929-2012) : Die englische Katze (La chatte anglaise), opéra sur un livret d’Edward Bond, version allemande de Ken Bartlett. Mise en scène : Christiane Lutz ; décors : Christian Andre Tabakoff ; costumes : Dorothee Joisten. Avec Michael Butler (Lord Puff), Daniel Vening (Arnold), Zhe Liu (Mr. Jones/Juge/Mr. Fawn), Armand Rabot (Tom), Samuel Stopford (Peter), Dafydd Jones (Mr. Keen /Avocat/Pasteur), Seonwoo Lee (Minette), Lucy Altus (Babette), Iana Aivazian (Louise), Elene Gvritishvili (Miss Crisp), Nontobeko Bhengu (Mrs. Gomfit), Jess Dandy (Lady Toodle) ; Bruno Khouri (Mr. Plunkett/Procureur), Meg Brilleslyper (Betty). Bayerisches Staatsorchester ; direction : Katharina Wincor.

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Les limites d'une comédie un peu convenue sont aggravées par une mise en scène qui ne va pas au-delà d'un boulevard un peu mou.

À première vue, La chatte anglaise de est un choix idéal pour un spectacle de jeunes chanteurs. Pas moins de quatorze chanteurs, et une histoire comique qui devrait déchaîner d'interprètes qui ici se doivent être autant acteurs que musiciens. Le spectacle annuel du studio lyrique de l'Opéra de Bavière vient, hélas, nous détromper. Il faut bien dire, avant tout, que La chatte anglaise n'a pas la même ambition que les meilleurs opéras de Henze, Les Bassarides ou Le prince de Hombourg – Henze avait déjà donné dans la satire britannique avec Le jeune lord, composé en 1965 : cette nouvelle tentative, datée de 1983, est même plutôt moins efficace.

Le livret d'Edward Bond ici donné dans sa version allemande, sur laquelle Henze a composé l'opéra, est souvent décrit comme une  satire mordante de la société bourgeoise.  À vrai dire, on ne rit pas beaucoup dans cette comédie animalière. Ni le livret ni même la musique  ne nous donne véritablement beaucoup de raisons à cela : on aimerait au moins sourire devant l'hypocrisie de cette Société royale de protection des rats, qui permet aux chats de se poser en bienfaiteurs tout en utilisant leurs bonnes œuvres pour asseoir leur position sociale et réprimer tous ceux qui oseraient sortir du rang.

La mise en scène de   n'arrange pas les choses. L'opéra parle de chats et même d'une souris, mais elle a choisi de refuser toute illustration animalière : on comprend bien que déguiser chacun et chacune en fourrure intégrale pouvait être délicat, mais cette animalité n'est tout de même pas un détail dans la pièce. On se retrouve donc face à une comédie victorienne au premier degré, qu'on a l'impression d'avoir vue mille fois ; qui plus est, le temps de répétition n'a visiblement pas suffi à dégager une véritable caractérisation des personnages, a fortiori pour les rôles secondaires. Babette, la sœur de l'héroïne Minette, est avec la souris Louise (à qui revient aussi le mot de la fin) la seule à exister scéniquement et à porter un peu d'émotion ; toutes deux sont également les seules à être en marge de la société bourgeoise des chats ; Lucy Altus et Iana Aivazian parviennent à imposer une certaine présence vocale et scénique. Les rôles principaux parviennent certes pour l'essentiel à maîtriser leur partition, mais pas à se les approprier assez pour faire passer de l'émotion, et moins encore l'humour du livret. L'esthétique du spectacle a quelque chose des comédies de boulevard d'Au théâtre ce soir, mais sans en avoir le dynamisme et sans avoir la même audace pour mettre les pieds dans le plat.

Un facteur aggravant de cette préparation inaboutie est que l'orchestre de l'Opéra de Bavière joue constamment très fort. L'œuvre a été écrite pour le théâtre du château de Schwetzingen, qui n'est pas plus grand que le théâtre Cuvilliés ; Henze a certes choisi un effectif assez important pour une petite salle (bois par deux, 4 cuivres, 3 percussionnistes ici placés dans des loges latérales, 17 cordes), mais il faut naturellement y voir une incitation à une approche chambriste, que ne saisit pas. Le résultat est particulièrement pénible dans les ensembles, où tout le monde semble crier et où on ne distingue plus rien – d'autant plus que la mise en scène ne parvient pas à mettre en forme visuelle ce qui se passe dans les moments de foule.

Le rôle-titre, autrement dit Minette, est chanté par , que le public munichois avait pu découvrir dans une situation autrement plus favorable avec Matsukaze de Hosokawa ; elle montre ses qualités purement musicales, mais le contexte ne l'aide pas à donner une véritable personnalité à son rôle. Son grand amour, le chat de gouttière Tom, est chanté par , qui semble indisposé, surtout en première partie ; ce n'est pas le cas de l'époux officiel Lord Puff, que Michael Butler chante efficacement, sans parvenir lui non plus à donner une tournure caractéristique à son personnage, tout comme son neveu, l'intrigant Arnold (Daniel ). On aurait certainement pu tirer beaucoup plus du livret et de la musique de Henze pour mettre en avant leur humour et leur potentiel critique, mais on sort aussi du Cuvilliés perplexe devant une œuvre qui semble avoir beaucoup perdu de son actualité et de sa force.

Crédit photographique © Geoffroy Schied 

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