Nouvelle production de Iolanta à Bordeaux par Stéphane Braunschweig
Rarement programmé, le dernier opéra de Tchaïkovski voit apparaître une nouvelle production à Bordeaux, dans une mise en scène minimaliste de Stéphane Braunschweig, sous la direction vivante de Pierre Dumoussaud.
Prévu dans une version scénique plus tard dans la saison à l'Opéra de Rouen avec le directeur musical actuel Ben Glasberg, Iolanta apparaît au Grand Théâtre de Bordeaux dans une nouvelle production dirigée par le prochain directeur de la salle normande, Pierre Dumoussaud. Sans coproducteur, la salle bordelaise a fait appel à Stéphane Braunschweig pour la mise en scène, sans doute avec un budget limité, vu le peu de décors et la simplicité de la proposition.
Sur une scène verte plutôt laide, un lit trône au centre pour la dernière héroïne de Tchaïkovski. D'une heure trente à peine (l'ouvrage était couplé à Casse-Noisette à la création, comme à Paris en 2016 et 2019), l'action située en Provence change peu de lieu et ne justifie pas de nombreuses adaptations scéniques. Pour autant, si les roses sont bien présentes des deux côtés pour rendre très, et même trop lisible, la scène de la découverte de sa cécité par Iolanta, aucune idée forte ne vient perturber un propos des plus sommaires. Littérale et sans la moindre relecture ou interprétation de la part de Braunschweig, cette mise en scène se veut purement narrative. Alors, si les artistes arrivent souvent par l'arrière du parterre, sans que cela n'apporte rien non plus à l'action, au moins profite-t-on de tous les airs avec des interprètes de pleine face sur le devant du plateau. À la scène finale, le chœur, dispersé en arc de cercle tout autour du public, permet de bien dynamiser la réapparition de la lumière dans toute la salle, en même temps que Iolanta se met à voir.
En difficulté à l'Introduction, non tant sur le cor anglais juste correct, mais dès le basson puis à l'apparition des autres instruments de la petite harmonie et des cors, l'Orchestre National Bordeaux Aquitaine met du temps à s'échauffer en ce soir de Première. Pourtant, les gestes et la ferveur de Pierre Dumoussaud sont bien là, mais il faut attendre le plus beau moment de l'opéra, l'air « Dva Mira » du médecin, pour que la fosse commence vraiment à porter le plateau. Le Chœur de l'Opéra National de Bordeaux préparé par Salvatore Caputo convainc davantage, de sa première intervention à sa dernière, puissante et sonore.
Si les chanteurs en possession de l'idiome russe y gagnent en fluidité par rapport aux autres, les artistes européens ne déméritent pas. Commençons par louer l'Ibn-Hakia profond du baryton mongol Ariunbaatar Ganbaatar, magnifique pour son grand air, et le Robert de Vladislav Chizhov, d'un très beau médium. Engagé, le Vaudémont du ténor Julien Henric offre un beau duo d'amour comme un air d'une belle émotivité, tandis que René trouve avec la basse estonienne Ain Anger un Roi de belle stature physique et vocale. Les seconds rôles masculins ne sont pas en reste, avec un Alméric bien présent grâce à Abel Zamora et le Bertrand plus intéressant vocalement que scéniquement d'Ugo Rabec.
Chez les femmes, Franciana Nogues et Astrid Dupuis parviennent à faire vivre les courts rôles de Brigitte et Laura, malgré le peu de visibilité que leur donne la mise en scène, où elles sont noyées au milieu d'une dizaine d'autres femmes. Enfin, si la Martha de la mezzo-contralto Lauriane Tregan-Marcuz profite d'une vocalité particulièrement adaptée à la Nourrice, c'est avant tout Iolanta elle-même qui porte l'opéra, grâce au beau médium et à l'aigu étincelant de la soprano Claire Antoine.









