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Les Delius et coutumes de Sir Thomas Beecham

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Frederick Delius : Oeuvres Orchestrales. Brigg fair (An english rhapsody) ~ Dance rhapsody n° 2 ~ Deux pièces pour petit orchestre : On hearing the first cuckoo in spring, Summer night on the river ~ A song before sunrise ~ Fennimore and Gerda : Intermezzo ~ Irmelin prelude ~ Sleighride ~ Summer evening ~ Florida suite : Daybreak – Dance. Royal Philharmonic Orchestra, direction : Sir Thomas Beecham. Enregistrements stéréophoniques de 1956 et 1957. Son magnifiquement remastérisé aux studios EMI d’Abbey Road en 2001. 1 CD EMI « Great recordings of the century » n° 7 24356 75522 2.

 
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Le 11 Janvier 1908, un jeune (mais déjà renommé) chef d'orchestre britannique de vingt-huit ans, , donnait à Liverpool Paris, the song of a great city de (1862-1934), compositeur que le Quartier Latin – justement – surnommait « le grand Anglais ». Le 7 Mai 1960, Sir Thomas, lors de son ultime concert de Portsmouth, tirait sa révérence avec, entre autres, Florida suite ; une des toutes premières créations de Delius, écrite en 1884 sur le Nouveau Continent.

Entre ces deux dates, Beecham dirigea plus d'un millier de fois les oeuvres de son compatriote, dont il fut l'ami et le soutien le plus important jusqu'au bout (*). Il en créa beaucoup, dont l'opéra A village Romeo and Juliet (presque jamais joué), et ce monument de l'histoire de la musique chorale, guère plus heureux dans la postérité interprétative : A mass of life (Eine Messe des Lebens). Au Prom's, à Londres, on se régale de son art inclassable le plus naturellement du monde ; aux côtés d'Arnold, Bax, Elgar, Finzi, Vaughan-Williams… La France, qui ne se souvient presque plus d'un Albert Roussel, et où Delius passa (à Gretz-sur-Loing) près de quarante des soixante-douze années de sa vie, semble mettre un point d'honneur à le maintenir dans le plus profond des oublis.

Ce panthéiste apatride, tel un Jean Giono musical, traite l'orchestre avec un raffinement inouï ; le seul peut-être à constituer un ciment décisif entre Wagner et Debussy – de qui il est l'exact contemporain -, tout en annonçant Strauss. La preuve par l'exemple avec Brigg fair, un cheval de bataille que Beecham enregistra à Abbey Road dès 1928 : ne dirait-on pas de ce splendide poème qu'il marie Siegfried Idyll au Prélude à l'après-midi d'un faune, avec la manière centrale d'Ainsi parlait Zarathoustra (**) ?! La patte exceptionnelle du chef, âgé de soixante-dix-huit ans, s'y est encore enrichie dans ce disque-testament, avec un tempo plus modéré et une onctuosité de cordes à damner un saint.

La Florida suite – on y revient – est d'autant plus précieuse que c'est Beecham lui-même qui publia cette merveille : Delius ne l'entendit jamais jouer de son vivant. Même réduite à son premier volet, « Daybreak-Dance », la partition happe l'auditeur par cette candeur pastorale, que le vieux Sir Thomas cultive avec une gourmandise d'enfant rêvant d'années de pèlerinage. Les deux Pièces pour petit orchestre font chavirer par une délicatesse des vents (les cors !), très caractéristique de Delius, et que le maître sait faire chanter d'incomparable manière depuis certaine Flûte mozartienne de 1938 (les deux Finales…). Une sorte de nirvana, un festin arachnéen si l'on peut dire – luxe de couleurs et sobriété de ligne – ressort de la Dance rhapsody n° 2 et de Summer evening, pour déboucher sur un Intermezzo de Fennimore and Gerda à tirer des larmes. Résultat identique avec Irmelin prelude et Sleighride : du très très grand art.

Mais, c'est encore dans le célèbre A song before sunrise que Beecham réalise, avec la plus grande osmose possible, son dernier hommage à l'une des plus fortes et plus fécondes amitiés musicales de l'histoire ; en même temps que ses propres adieux à la Muse en studio (avec la mythique Carmen de 1959). Depuis la première matrice de 1945, guère plus ancienne pourtant, le mage semble reparcourir le jardin de Klingsor avec tout l'enchantement du vendredi saint ! Ode inquiète, tendre et rassérénée à la fois, au balancement irrésistible, que l'on meurt d'envie de rebaptiser A song before sunset… Quel dommage que le chef n'ait pas refait pour la circonstance un des intermèdes de A village Romeo and Juliet (première gravure Columbia, 1927), dont le nom seul qualifierait ce CD : « The walk to the paradise garden » !

Assurément, un titre de gloire pour , qui en a bien besoin de ce côté-ci de la Manche ; parallèlement, l'un des plus fabuleux disques de compilation orchestrale pure du patrimoine – avec le Richard Strauss de Karajan chez DGG « The Originals ». Et une couronne impériale sur la remarquable collection EMI « Great recordings of the century », qui pour ce Noël 2001 aura décidément fait de sa hotte une corne d'abondance.

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