À Nancy, place au premier programme imaginé par Maud Le Pladec, la nouvelle directrice du CCN Ballet de Lorraine, avec des reprises, dont The Fugue, une pièce rare de Twyla Tharp et le fameux tableau Synchronicité des Jeux Olympiques.

Pour son premier programme de la saison, Maud Le Pladec choisit d'abord de recréer Works, l'impressionnante et intense pièce de 2016 qu'elle avait créée pour le ballet dans le cadre du programme « Plaisirs inconnus ». C'était sa première collaboration pour le CCN Ballet de Lorraine dont elle a aujourd'hui pris la direction. Works est une entreprise de déconstruction énergique du vocabulaire de la danse classique qui demande précision et intensité de la part des excellents danseurs du CCN. En académique doré sur un plateau totalement nu, ils sont formidables ! Figures qui se croisent, déplacements, port de bras étirés, une vision très contemporaine du ballet sur une musique de Michael Gordon inspirée de la Septième Symphonie de Beethoven.

Morning Burning de Jan Martens, créé lors de la même soirée « Plaisirs inconnus » en 2016, est une expérimentation minimale et hypnotique sur le motif du cercle et de la rotation. Quatorze danseurs, vêtus de jeans et de T-shirts blanc ornés d'une lettre, formant en ligne la phrase « The World Is Burning », tournent en cercles symétriques, puis concentriques, avant de s'éclater en lignes et en colonnes. Une construction géométrique simple et efficace qui puise aux sources du minimalisme de Lucinda Childs, ou de l'art de la ronde d'Anne Teresa de Keersmaeker. Les danseurs maîtrisent à la perfection ce format compact, lui aussi très intense et tonique.

Après l'entracte, The fugue, une rareté de Twyla Tharp, est littéralement ressuscitée sur la scène de l'Opéra de Nancy. Trois danseuses se lancent dans une gigue à l'irlandaise ou un subtil jeu de claquettes à l'américaine dans un trio minimaliste et radical, lui aussi. En silence, à l'exception de la frappe des mains sur les cuisses ou des pieds sur le plancher, elles se lancent dans un tricotage savant. The Fugue est construite autour d'un thème à vingt temps, décliné en vingt phrases chorégraphiques. Chacun des trois interprètes représente un registre musical : basse, alto, soprano. Un minimalisme, là aussi, qui rappelle les premières pièces d'Anne Teresa de Keersmaeker. Les trois danseuses sont hyper rigoureuses et très braves dans leur jeans et chemises grises. Une vraie bouffée d'air frais !

Très attendu par le public lorrain, l'un des tableaux phares de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de 2024 est le clou de la soirée. Synchronicité nous rappelle tout de suite les couleurs dorées des berges de la Seine et la pluie qui commençait à couler sur les épaules des 250 danseurs réunis pour ce tableau désormais mythique. Pour sa reprise sur scène, ils sont 10 fois moins (25 tout de même) mais avec une énergie décuplée ! À revoir ce tableau, initialement conçu pour l'extérieur, on en perçoit mieux les ressorts et le déploiement d'énergie qu'a voulu Maud Le Pladec. Conçu pour être vu de loin et télévisé, le tableau a dû être scénographié pour la scène de l'Opéra de Nancy. Une intro bien sentie, les lumières très show biz pour un ensemble qui met en joie le public en ce vendredi soir. Les danseurs dépensent l'énergie inépuisable qui leur reste après avoir dansé trois pièces et donnent de l'amplitude à ces mouvements inspirés du waacking, de la house, du classique ou même du modern jazz.

Synchronicité apparaît, de fait, comme une synthèse audacieuse et plus grand public de l'exigeante soirée à laquelle nous venons d'assister : un zeste de classique déconstruit, une bonne dose de géométrie minimaliste, la redécouverte de pièces pointues du répertoire et beaucoup de bonne humeur et d'énergie. Voilà une soirée qui augure bien du mandat de Maud Le Pladec à la tête du CCN Ballet de Lorraine.

Crédits photographiques : Works ; Turning Burning © Arno Paul ; Synchronicité ©Fred Marvaux / Ville de Nancy