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Toulouse. Halle aux Grains. 9-II-2006. Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano n°1 en ré mineur op. 15 ; Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°5 en ré mineur op. 47. Emanuel Ax : piano. Orchestre National du Capitole, direction : Jaap van Zweden.

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et l'orchestre du Capitole

La critique française a longtemps négligé , semblant ne voir en lui, assez dédaigneusement, que » l'accompagnateur d'Isaac Sern et de Yo-Yo Ma ». Singulier ostracisme, qui voudrait qu'être partenaire de musique de chambre d'un soliste célèbre soit une sorte de marque d'infériorité pis, une tare, et dont ont également été touchés d'aussi excellents musiciens qu'Eugene Istomin et Mieczyslaw Horszowski ou même des chefs d'orchestre par ailleurs aussi brillants que Constantin Silvestri et Paul Kletzki. Etrange : après tout, personne n'a jamais dit de Wilhelm Kempff qu'il était « l'accompagnateur » de Georg Kulenkampff (on dirait même plutôt de ce dernier qu'il était « le violoniste de Kempff ») ou qu'Alfred Cortot était « le pianistede Pablo Casals »… Bref, tout cela pour dire qu'il est sans doute urgent de réévaluer l'importance artistique d'Emmanuel Ax, dont les enregistrements, irrégulièrement disponibles, sont pourtant souvent de très grande qualité. En concert on ne peut qu'admirer les qualités timbriques d'un jeu exceptionnellement riche : un son plein, large, profond, puissant sans aucune dureté, articulé mais toujours chantant. Ce toucher si varié, aux nuances très travaillées, est mis au service d'une conception cursive et d'une grande simplicité. La netteté des attaques et des tempos, le refus des exagérations, tout cela va droit au but, sans froideur mais avec un naturel volontairement anti-spectaculaire. Ce sentiment d'évidence ne doit pas masquer d'exceptionnels moyens techniques : un tel naturel ne s'obtient qu'au prix d'un travail assidu. Sans rien de rugueux ni de melliflu, ce jeu puissant donne un Brahms mâle, assuré, concentré et pourtant jamais violent ou inutilement agité. Bref, maîtrisé.

Mais qui dit concerto dit habituellement orchestre, et, surprise désagréable, on peine à reconnaître ici les qualités habituelles des musiciens toulousains et du chef. Attaques décalées et parfois incertaines, manque de netteté générale qui donne un côté pataud aux réponses de l'orchestre face à un pianiste si délié. Quelques velléités de hausser le ton n'aboutissent qu'à des tutti bruyants et sans puissance, car privés d'ensemble. Un résultat d'autant plus mystérieux que a par ailleurs signé une intégrale des Symphonies de Brahms mieux qu'honorable pour Brilliant Classics.

La Symphonie n°5 de Chostakovitch donne sans doute la clef de l'énigme : il y a fort à parier que l'essentiel des répétitions avait été consacré à la deuxième partie. On retrouve-là l'orchestre à son meilleur : net, clair, précis, d'un impact parfois impressionnant. Et, surtout, , montre enfin toute l'énergie dont il sait faire preuve. Bien sûr, on reste loin de l'espèce d'hystérie froide que Svetlanov -explosif- ou Rozhdesvenski -acerbe- imposaient à l'œuvre. Mais Zweden, lui, délivre un sentiment de sourde angoisse latente, comme une menace jamais précisée et prête à fondre sur l'auditeur. Rien de moins détendu que le Largo, d'une tension constante jusqu'au malaise physique. À la violence éclatante des Russes, préfère donc une sorte de colère contenue, d'inquiétude sous-jacente. L'Orchestre du Capitole, par la finesse et le tranchant des coloris comme la qualité des solistes, est tout à fait à l'aise dans ce répertoire et dans cette approche. Cependant, on ne peut s'empêcher de trouver que les violoncelles font preuve d'une chaleur expressive qui manque parfois aux violons, sentiment assez net dans le mouvement lent.

Concert inégal, donc, et la rencontre attendue avec Emmanuel Ax n'a pas vraiment eu lieu. On a entendu ce soir-là un excellent pianiste et un excellent orchestre, malheureusement pas ensemble!

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Toulouse. Halle aux Grains. 9-II-2006. Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano n°1 en ré mineur op. 15 ; Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°5 en ré mineur op. 47. Emanuel Ax : piano. Orchestre National du Capitole, direction : Jaap van Zweden.

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