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Formidable marathon russe dans l’hiver parisien

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Paris. Salle Cortot. 15, 16, 17-XII-2006. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : intégrale des Quatuors à cordes. Quatuor Danel : Marc Danel, violon I ; Gilles Millet, violon II ; Vlad Bogdanas, alto ; Guy Danel, violoncelle.

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Intégrale des quatuors de Chostakovitch par le

En cinq concerts (trois soirées et deux matinées), allant du vendredi soir au dimanche soir, le a brillamment réussi l'impressionnant marathon des quinze quatuors de Chostakovitch, et concentré sur à peine plus de 48 heures plus de 36 années de compositions, de 1938 à 1974. Presque toute la vie du compositeur, et une bonne partie de l'histoire contemporaine de la Russie ont ainsi défilé devant le public de la salle Cortot.

Il serait long et fastidieux d'entrer dans le détail et d'analyser chaque quatuor, ce n'est d'ailleurs pas le but du concert plus propice à la sensation et l'émotion immédiates qu'à l'analyse ; pour cela, il y a les disques. D'autant que les œuvres en question ne sont pas encore aussi connues que d'autres bien ancrées dans le répertoire (quatuors de Beethoven et Schubert par exemple, dont ils constituent le prolongement dans le XXe siècle). Qui plus est, à l'intérieur du corpus, tous les quatuors ne jouissent pas de la même notoriété, l'arbre du plus célèbre, le 8ième, ayant un peu masqué la forêt des 14 autres, étant pendant longtemps aussi souvent joué que tous les autres réunis. Pour beaucoup, l'auditeur est donc encore en phase de découverte.

Même si la parenté et le cousinage de ces quatuors ne laisse aucun doute, ils présentent une grande variété dans leur forme, leur durée, leur « modernisme » plus ou moins marqué, leur climat, qui font que l'écoute continue n'est jamais lassante, pour peu que les interprètes soient à la hauteur. Et justement ils le furent et brillamment.

Ce qui frappe d'entrée est qu'ils chantent et phrasent « naturellement russe » comme si c'était leur langue maternelle. Ceci s'explique sans doute par l'enseignement reçu : « Fondé en 1991, le a reçu en quinze ans l'enseignement des Borodine et de Fiodor Droujinine, altiste du Quatuor Beethoven, les deux formations de quatuors qui ont le plus compté pour Chostakovitch. » peut-on lire dans l'entretien publié sur ResMusica. Et bien cela s'entend, la filiation avec le quatuor Borodine, auteur de l'intégrale de référence au disque depuis toujours est patente. L'héritage est assuré avec les honneurs, le flux musical s'écoulant sous leurs doigts et leurs archets avec évidence.

Autre élément clé pour réussir un tel cycle : l'engagement et l'intensité ! Il ne faut pas prendre cette musique avec retenue, mais « y aller » à fond, oser prendre des risques. Le texte l'exige, qui étend les nuances de tempo (du plus lent au plus échevelé), de rythme (du paisible à l'obstiné), de dynamique (du plus infime pianissimo au plus puissant fortissimo), tout réclame une intensité, héritée directement de Beethoven mais poussée aux extrêmes comme sait le faire Chostakovitch, que les quatre instrumentistes ont su parfaitement mettre dans leur jeu, parfois jusqu'à la rupture … de corde – incident arrivé au premier violon l'obligeant à s'éclipser momentanément en coulisse le temps d'une réparation – mais cela en valait la chandelle. Leur maîtrise de la dynamique chostakovienne était impressionnante.

Enfin ces œuvres exigent des qualités artistiques et techniques individuelles et d'ensemble de haut niveau. Là encore les Danel se sont montrés remarquables, les quatre instrumentistes ayant pu tour à tour montrer leurs indéniables qualités, mais c'est surtout la qualité d'ensemble qui marque. C'était particulièrement évident dans leur façon de réaliser ces violents crescendo sans se perdre. Tout aussi réussis étaient les nombreux diminuendo jusqu'au plus infime pianissimo (beaucoup des quatuors se terminent ainsi), joués avec du corps et expressifs jusqu'à l'extinction de la dernière note, chose bien difficile à faire.

Remarquons ici que la réussite sonore n'aurait sans doute pas été aussi audible sans les qualités acoustiques de la salle Cortot, idéale dans sa structure et son volume, pour ce genre de musique, la proximité de chaque auditeur avec les instrumentistes étant indispensable pour percevoir toutes les nuances de cette musique et faire corps avec elle.

Déjà auteur d'une intégrale discographique saluée ici même par une clef ResMusica, le quatuor Danel a donc parfaitement réussi en live ce véritable marathon musical, dans une composition légèrement modifiée par rapport au disque, l'altiste Vlad Bogdanas remplaçant Tony Nys. Ils ont bien mérité les applaudissements chaleureux d'une audience qui aurait pu être plus fournie, notamment lors des matinées. Il faut dire que les organisateurs avaient choisi la difficulté en programmant cette intégrale, pas encore populairissime, le dernier week-end avant Noël. Félicitons d'autant plus le Quatuor Danel d'avoir relevé si intelligemment et brillamment ce défi.

Chronique de l'intégrale des quatuors de Chostakovitch par les Danel chez Fuga Libera

Crédit photographique : © Quatuor Danel

Entretien avec le Quatuor Danel

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Entretiens de chambre : Quatuor Danel (2nde partie)

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