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Prix de Lausanne 2009 : Force vive de la danse

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Lausanne. Théâtre de Beaulieu. Du 28 janvier au 1er février 2009. Variations classiques et variations Neumeier. Avec les sélectionnés au Prix de Lausanne.

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ResMusica était en 2009 pour la première fois au Prix de Lausanne, dont vient de se clore la trente septième édition. Le concours international pour jeunes danseurs se déroulait, comme depuis quelques années dans le très fonctionnel Théâtre de Beaulieu.

Avant de véritablement rendre compte de ce qui s'y est passé, il convient de rappeler quelques notions. Sur 192 candidats, âgés de 15 à 18 ans, qui ont envoyé au Prix une variation classique et une autre contemporaine (Neumeier l'est incontestablement), sur support vidéo, 73 candidats sont choisis pour concourir durant la semaine du Prix. Ceux-ci sont alors évalués quotidiennement lors de leçons classiques et contemporaines (comptant pour un quart de la note chacune), et lors de la préfinale où sont reprises les deux variations classiques et Neumeier (un quart chacune). Une vingtaine de finalistes sont finalement retenus et concourent avec les mêmes variations pour une des sept bourses proposées, offrant un stage d'un an proposées parmi un choix de 29 écoles partenaires (il s'agit alors d'une bourse d'études), et de 20 compagnies pour les candidats âgés de 17 ans et plus (il s'agit alors d'une bourse d'apprentissage). Pour note, 95% des candidats intègrent la compagnie définitivement au terme de ce stage. Ces bourses, proposées par des mécènes, sont équivalentes en termes financiers (16 000 Francs Suisses), et en termes de notoriété ; les autres finalistes reçoivent une bourse d'encouragement (de 1 000 Francs Suisses), ainsi qu'un stage d'été. Sont enfin attribués un prix du public qui est sollicité lors de l'entracte de la finale, un prix d'interprétation contemporaine et un prix du meilleur suisse. Cette année, aucun suisse ne concourant, une bourse sera mise en place en avril 2009 afin de favoriser la possibilité pour les suisses les sélections au Prix.

Ce qui frappe avant tout dans le Prix est la grande équité, toute helvète, de l'organisation. Le suivi des artistes après le Prix, qui ont un mois pour choisir leur bourse et leur intégration optimale dans leur lieu d'études, assurée par le comité de direction, est des plus sérieux. Qui, aujourd'hui, peut se targuer de prendre le temps de la réflexion, en respectant la jeunesse des candidats, et la verdeur de leurs décisions ? Qui peut également s'enorgueillir de réunir neuf membres du jury, bénévoles, ainsi que de nombreux coachs et professeurs (pas moins que , , Cynthia Harvey), afin de réaliser une sélection sur cinq jours, afin d'évaluer de manière plus juste 74 candidats ? Cette semaine est un travail en profondeur dont les participants retirent bien plus de bénéfices que s'ils étaient jugés sur une ou deux variations.

Pour en terminer avec les données chiffrées, il convient de signaler l'éclectisme international des danseurs : 21 pays représentés, dont 21 japonais (un quart des sélectionnés !), 7 coréens, 6 chinois, 6 australiens, 7 français, les autres pays étant figurés par un candidat (Arménie, Turquie, Paraguay, Norvège, Argentine…), ou légèrement plus (USA, Hongrie, Espagne, Russie, Grande-Bretagne). Souvent venant d'écoles privées et de pays où la danse n'est pas des implantées, le Prix de Lausanne semble être la providence d'un service public international.

Enfin, et c'est la finalité même du Prix, c'est le potentiel qui est valorisé. L'aptitude à s'affirmer, à réagir aux commentaires, à l'évolution durant la semaine sont pris en compte que les critères purement techniques. Qu'il est rare aussi, à l'heure où l'on privilégie l'innée, d'exalter l'expectative d'une maturité artistique aussi fragile qu'incertaine. Il est d'autant plus difficile de rendre compte de plusieurs jours de concours sur la répétition de variations telles que Nocturnes ou Spring and Fall, où s'installe une passivité du spectateur et où contrastent la réussite d'un tel que l'on remarque et la relative indifférence que l'on a à une nouvelle vision de cette même variation. Ainsi se trouvent révélées la si grande subjectivité et la rudesse du chroniqueur de danse !

L'étasunienne Karen Johnson (Coppélia/ Nocturnes), très sûre techniquement, aurait pu choisir une variation plus brillante encore, la conscience des directions, son regard accompagnateur et sa «planitude» nous font gager de la carrière prometteuse qui se dessine pour elle. Face à elle, et difficilement départageable, la néo-zélandaise , au talent plus discret et plus persistant. Sa musicalité extrême et sa féminité délicate et gracieuse (3ème ombre) s'agrémentent d'une justesse de ton dans le Préludes CV. Un coup de cœur pour une révélation toute en finesse ; Miki Mizutani (Japon), touchante dans Nocturnes, tente d'en imposer dans la technique lors de la finale, et perd en légèreté ce qu'elle gagne en effet. L'apanage des grands que de remplacer une qualité par une autre ! La finaliste Futaba Ishizaki (Japon) montre un épaulement tout russe et le Bach Suite II est piquant, d'un sérieux sans gravité. On regrette que Carolina Cœlho Pais (Brésil) n'ait été autorisée à poursuivre l'aventure, car, malgré sa petite taille, sa générosité, sa vélocité dans les tours compensent un manège un peu raté et son engagement et son entrain sont convaincants dans le Préludes CV. La chinoise Ruiqui Yang, avec un art de composer de belles phrases (Nocturnes), une recherche dans le style et dans l'académisme (Coppélia) est aussi persuasive que Saki Maeda (Japon) dont on remarque le travail de pointe dans le solo du pas de deux des Vendangeurs et l'explosivité dans Bach Suite II. On apprécie moins Zhaoqian Peng (Chine), parfaite, mais justement, trop mécanique, sèche et athlétique (1ère ombre). Toutefois, toute la série des développés quatrième, seconde, arabesque est impressionnante d'assurance et d'aplomb.

La catégorie des garçons de 15-16 ans comporte Qi Chen (Chine), avec un en-dehors impeccable, une batterie méritant toutes éloges (la Fille mal gardée), et un lyrisme dans la douceur du folklore de Youndering, ainsi que Edo Wijnen (Belgique), léger, souple et mœlleux. Son Spring and Fall en fait un interprète fabuleux, qui narre avec candeur la poésie chère au monde de Neumeier. Récompensé par une bourse, c'est en outre lui qui a raflé le prix d'interprétation contemporaine. Sans contestation.

La vivacité de Machi Moritaka (Japon), ses sauts amples et généreux (Gamzatti) surprennent avec la nostalgie qu'elle convoque dans Nocturnes. Rina Nemoto (Japon) tire de cette même variation une complicité mutine ; les poses sont efficaces et elle respire sur la musique. Chae-Eun Yang (Corée) a une progression dans les répétitions de passage de Nocturnes, et l'on est déçu de l'absence en finale de Haruka Soutome (Japon), brillance et brio dans Kitri, de Eun Won Lee (Corée) et d'Erina Akatsuka (dans le piège que constitue la variation du troisième acte de la Belle, ses battements nerveux et sur les temps, ainsi que ses yeux interrogatifs dans Cinderella, tout semblait pouvoir la qualifier pour la finale). Une dernière belle Gamzatti, Rafaelle Queiroz Rodrigues, doublée d'un Vaslaw à l'interprétation inattendue, et les présélections se clôturent par les garçons de 17-18 ans.

L'arménien Tigran Mkrtchyan, sublime raconteur dans Youndering, a cette virilité fruste et brutale des corsaires russes. Tatsuki Takada (Japon) est très virtuose (Basilio), tandis que Skylar Campbell (USA) est complet dans les tours et d'une certaine émotion (Albrecht), quoique immature dans Youndering ; Telmo Moreira (Portugal), prix du public pour le cabotin Wrong Note Rag, venant au nom de l'Académie Vaganova, a une style très reconnaissable, abouti et il est plein d'un sourire désarmant. L'étonnement vient de Sebastian Concha (Chili), qui ne démérite pas dans Nijinsky (bien que non exceptionnel), mais le choix du Prince Désiré dans la variation classique ne le trouve pas à son avantage ; y manquant une fluidité et la perfection technique que l'on est en droit d'attendre devant un si périlleux exercice.

Un dernier mot sur le plus jeune candidat de sa catégorie, le marseillais Kevin Pœung ; sa petite batterie est des plus virtuoses qui soit. Son balon est terriblement efficace. Le courage de prendre la variation de James et le panache qu'il déploie dans Wrong Note Rag s'allient judicieusement à sa modeste taille. Sa non sélection reflète, à nos yeux, le respect le plus loyal qu'a le jury vis-à-vis de ses candidats : il vaut mieux laisser, à bon escient, poursuivre et achever la formation du jeune danseur plutôt que de le sur utiliser sur la vitalité de la jeunesse ; Dans ce présent cas, un travail sur le dos et la réception des sauts doit être impérativement assimilé pour qu'il puisse être pérenne dans son corps et son métier.

Le spectacle d'entracte en attendant la délibération du jury lors de la finale, offrait l'incarnation physique d'un solo énergique de Marco Gœcke par , et l'allégresse connue de l'École Rudra. Ainsi, en quelques mots, les impressions, et le cœur serré de quitter ce bouillon de culture artistique, modestement soumis à l'admiration que l'on a, des candidats, certes, mais surtout de toute l'équipe, consciencieuse et attentionnée, du Prix dont les efforts convergent vers l'émergence et l'éclosion de ceux qui, demain, pourront se faire valoir d'avoir pu participer au Prix de Lausanne.

L'édition prochaine aura lieu du 26 au 31 janvier 2010.

PRIX DE LAUSANNE «BOURSE»

Lauréats

Mlle O'Neill Hannah, Nouvelle Zélande, The Australian Ballet School ; Mt Eden Ballet School, Nouvelle Zélande

Mlle Peng Zhaoqian, Chine. Shanghai Dance School

M. Mizutani Miki, Japon. Acri-Horimoto Ballet Academy, Saitama

M. Wijnen Edo, Belgique.Ecole Royale de Ballet d'Anvers

M. Moreira Telmo, Portugal. Académie Vaganova, St-Pétersbourg ; Conservatoire national, Lisbonne

Mlle Nemoto Rina, Japon.Centre d'Art Chorégraphique Franco-Japonais, Conflans-Saint-Honorine

>Mlle Concha Sebastian, Chili. Houston Ballet Ben Stevenson Academy

PRIX D'INTERPRETATION CONTEMPORAINE

Lauréat

M. Wijnen Edo, Belgique. Ecole Royale de Ballet d'Anvers

PRIX DU PUBLIC

M. Moreira Telmo, Portugal. Académie Vaganova, St-Pétersbourg ; Conservatoire national, Lisbonne

Crédit photographique : Edo Wijnen, © Jean-Bernard Sieber, Prix de Lausanne

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