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L’amour des trois oranges à Genève, un prêt à porter scénique

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Genève. Grand Théâtre. 13-VI-2010. Sergueï Prokofiev (1891-1953) : L’Amour des Trois Oranges, opéra en 4 actes et un prologue sur un livret du compositeur d’après la pièce de Carlo Gozzi (version en français). Mise en scène : Benno Besson / Ezio Toffolutti. Décors : Ezio Toffolutti. Costume : Patricia Toffolutti. Lumières : Volker Weinhart. Avec : Jean Teitgen, Le Roi de Trèfles ; Chad Shelton, Le Prince ; Katherine Rhorer, La Princesse Clarisse ; Nicolas Testé, Léandre ; Emilio Pons, Trouffaldino ; Heikki Kilpeläinen, Pantalon ; Mikhail Milanov, Tchélio ; Jeanne Piland, Fata Morgana ; Suzanne Gritschneder, Linette ; Christophoros Stamboglis, La Cuisinière ; Thomas Dear, Farfadello ; Jérémie Brocard, Le Hérault ; Agnieszka Adamczak, Nicolette ; Clémence Tilquin, Ninette ; Carine Séchaye, Sméraldine ; Fabrice Farina, le Maître des Cérémonies. Chœurs du Grand Théâtre (chef des chœurs : Ching-Lien Wu), Orchestre de la Suisse Romande, direction : Michail Jurowski.

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Créée à La Fenice de Venise en 2001, reprise au Deutsche Oper am Rhein de Düsseldorf en 2002, et en 2007 sur la petite scène vaudoise du Théâtre du Jorat, cette production de L'Amour des Trois Oranges garde encore intacte sa force théâtrale quand bien même son génial metteur en scène est décédé depuis cinq ans.

Avec l'idée maîtresse du décor d'Ezio Toffoluti de situer l'action dans le décor du double de la « vieille » Fenice, détruite par un incendie en 1996, la mise en scène de raconte l'intrigue de Carlo Gozzi en s'appuyant sur les canons de la Commedia dell'Arte.

Véritable bijou de théâtre, L'Amour des Trois Oranges est une satire de la société et de l'amour vainqueur où le livret de ne laisse pas de place à l'interprétation de l'action. Chaque intervention, chaque dialogue exprime l'action qui va être entreprise dans l'avenir immédiat. Si l'inventivité du livret porte le spectateur vers un discours théâtral clair, l'action demande aux acteurs de sublimer la parole dans le geste. Et c'est là que le travail de l'homme de théâtre prend toute sa dimension. Malheureusement n'est pas un directeur d'acteurs. En reprenant le spectacle de , il ne réussit ici qu'à transcrire les idées du metteur en scène. Il ne capte pas ce que indiquerait aux chanteurs qu'il a sous la main. fabrique un prêt-à-porter de la mise en scène de Benno Besson. Marcher, courir, être sur une scène dépend de l'acteur présent et non pas de l'action qu'on veut lui imposer. Or, les chanteurs de la scène genevoise ne sont qu'habillés des costumes sans habiter les personnages.

Dommage parce que musicalement, cette production genevoise est d'un excellent niveau. Incontestable vedette du plateau, le Chœur du Grand Théâtre, une fois de plus, exemplaire. Sur une musique chargée de sons souvent tapageurs (cuivres claironnants, percussions sonores), l'intelligibilité de leur prononciation française est irréprochable. Nul besoin de se réfugier vers les surtitres. Chaque mot prononcé est d'une intelligibilité incroyable. Que ce soit en petits groupes, comme Les Médecins, Les Diablotins, Les Lyriques ou Les Comiques ou dans les ensembles du chœur, c'est une dentelle de langage.

A noter les belles prestations de la basse agréablement profonde Jean Teitgen (Le Roi de Trèfles) et du baryton (Léandre). Certes, si la tristesse du Roi de Trèfles, comme la veulerie du courtisan Léandre ne demandent pas des aptitudes théâtrales insurmontables, leur message vocal soigné dans un français magnifiquement articulé donne à leur personnage une crédibilité majeure. A l'opposé, malgré l'importance du rôle, sa verve, le ténor (Trouffaldino), vocalement convaincant, manque singulièrement de drôlerie dans son rôle de bouffon.

Un problème similaire qu'on rencontre chez Chad Shelton (Le Prince) qui, théâtralement abandonné, peine à nous persuader de son hypocondrie parce que calquée sur l'idée générale de Benno Besson et non sur la personne du chanteur. Par la suite, le ténor se sent plus à l'aise en Prince amoureux qu'en malade des premiers instants de l'opéra. Malgré la tessiture assassine de la partition de Prokofiev, Chad Shelton ne semble ne pas avoir le moindre problème à le chanter. Avec sa voix aux aigus claironants, même si sa prononciation française n'est pas toujours exempte de défauts, il occupe avec brio toute la seconde partie de l'opéra.

Il est vrai qu'il  est certainement fasciné par la voix d'un charme dévastateur sortant de la troisième orange. Elle exhale de la soprano Clémence Tilquin (Ninette) dont la fraîcheur, les couleurs vocale, le legato, la sensibilité et la musicalité font de la jeune interprète, membre de la troupe de jeunes solistes en résidence à l'opéra de Genève, l'une des plus prometteuses découvertes de ces dernières productions genevoises.

Si la plupart des autres chanteurs tiennent leurs rôles avec constance et professionnalisme, aucun ne semble émerger sauf peut-être la basse Thomas Dear (Farfadello) qui, malgré l'exiguïté de sa prestation laisse le souvenir d'une voix au timbre clair admirablement conduite. A noter encore l'impressionnant registre grave de la basse (La Cuisinière).

Les rôles de la Fée Morgane et du magicien Tchélio sont des joyaux de théâtre. Grâce au diabolisme des personnages, tous les excès sont permis. Malheureusement, la soprano Jeannne Piland (Fata Morgana) et la basse Mikhail Milanov (Tchélio) n'ont plus les moyens vocaux pour projeter leur voix avec conviction.

Dans la fosse, la baguette dynamique d'un excellent et précis révèle un aux couleurs orchestrales aussi éclatantes que celles des costumes bariolés et superbes qui ornent cette production.

Crédit photographique : Chad Shelton (Le Prince), (Léandre), (La Princesse Clarisse) ; (Sméraldine), (Trouffaldino), Chad Shelton (Le Prince), Clémence Tilquin (Ninette), Jean Teitgen (Le Roi de Trèfles), (Pantalon), (Léandre), Katherine Rhorer (La Princesse Clarisse) © GTG / Yunus Durukan

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Genève. Grand Théâtre. 13-VI-2010. Sergueï Prokofiev (1891-1953) : L’Amour des Trois Oranges, opéra en 4 actes et un prologue sur un livret du compositeur d’après la pièce de Carlo Gozzi (version en français). Mise en scène : Benno Besson / Ezio Toffolutti. Décors : Ezio Toffolutti. Costume : Patricia Toffolutti. Lumières : Volker Weinhart. Avec : Jean Teitgen, Le Roi de Trèfles ; Chad Shelton, Le Prince ; Katherine Rhorer, La Princesse Clarisse ; Nicolas Testé, Léandre ; Emilio Pons, Trouffaldino ; Heikki Kilpeläinen, Pantalon ; Mikhail Milanov, Tchélio ; Jeanne Piland, Fata Morgana ; Suzanne Gritschneder, Linette ; Christophoros Stamboglis, La Cuisinière ; Thomas Dear, Farfadello ; Jérémie Brocard, Le Hérault ; Agnieszka Adamczak, Nicolette ; Clémence Tilquin, Ninette ; Carine Séchaye, Sméraldine ; Fabrice Farina, le Maître des Cérémonies. Chœurs du Grand Théâtre (chef des chœurs : Ching-Lien Wu), Orchestre de la Suisse Romande, direction : Michail Jurowski.

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