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Triomphe des Ballets Russes à Genève

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Genève. 16-X-2011. Grand Théâtre. Igor Stravinski (1882-1981) : Petrouchka. Chorégraphie et scénographie : Laurence Yadi & Nicolas Cantillon. Costumes : Philippe Combeau.
Lumières
 : Patrick Riou. Carl Maria von Weber (1786-1826) : Le Spectre de la Rose. Chorégraphie : Benjamin Millepied. Scénographie et costumes : Paul Cox. Lumières : Madjid Hakimi. Frédéric Chopin (1810-1849) : Les Sylphides. Chorégraphie : Benjamin Millepied. Scénographie et costumes : Paul Cox. Lumières : Madjid Hakimi. Avec : 
Fernanda Barbora, Hélène Bourbeillon, Gabriela Gomez, Virginie Nopper, Yu Otagaki, Isabelle Schramm, Sara Shigenari, Sarawanee Tanatanit, Madeline Wong, Daniela Zaghini & Joseph Aitken, Loris Bonani, Armando Gonzalez, Pierre-Antoine Brunet, Grégory Delzendre, Aurélien Dougé, Paul Girard, Clément Haenen, Vladimir Ippolitov, Natanaël Marie. Orchestre de la Suisse Romande, direction musicale : David Parry

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Un Grand Théâtre archi plein pour cette soirée de ballets russes, pas un fauteuil, pas un strapontin de libre. Il faut dire que pour ce spectacle, on avait mis les petits plats dans les grands.

D'abord, trois œuvres parmi les plus connues du répertoire, puis la troupe du Ballet du Grand Théâtre de Genève dont la qualité des prestations s'affirme de représentations en représentations et dans la fosse, en accompagnateur de luxe, l' dirigé par un attentif .

Si on sait qu'à l'opéra, certains metteurs en scène projettent leurs fantasmes personnels au lieu de simplement raconter ce qui se trouve dans le livret, cette « maladie » semblait épargner les chorégraphes. Cependant, c'est certainement pour « vivre avec son temps » que certains singent les metteurs en scène d'opéra pour transformer l'action originale en une extrapolation scénique intellectuelle.

C'est ainsi que et ont imaginé un Petrouchka à l'envers du sens de l'œuvre de Stravinski. Ce n'est plus Charlatan qui dirige les trois poupées que sont Petrouchka, la Ballerine et le Maure, c'est un double de Petrouchka qui prend sa place. Dans l'idée des deux chorégraphes, cette transposition du personnage principal se voudrait d'exprimer la vengeance de Petrouchka sur sa laideur. Belle invention que celle-là ! Disons-le d'emblée, cette trouvaille n'amène rien à l'histoire. Tout au plus procure-t-elle la confusion. Hormis cette incompréhension, les deux jeunes chorégraphes montrent bien la toute puissance de Charlatan-Petrouchka qui tire les ficelles des trois marionnettes comme des autres personnages gravitant autour d'eux. Un ballet animé, bien conduit, où les fondus enchaînés des éclairages favorisent la discrétion des entrées et des sorties des danseurs. Dans cet univers sombre, une pieuvre lumineuse, inspirée par la gigantesque araignée de la sculptrice qui trônait cet été devant le Grand Théâtre de Genève, finalement engloutira dans ses bras électriques tout ce beau monde, laissant Charlatan-Petrouchka seul à savourer sa victoire. Remarquable rythmant à l'envi les pas de la troupe.

Toute autre ambiance musicale avec cette invitation à la valse célèbre de extraite de son opéra Der Freischütz. Dès les premiers instants du Spectre de la Rose, on mesure l'aisance avec laquelle domine son sujet. Faisant fi des décors classiques et poussiéreux traditionnels et à la chorégraphie d'images d'Epinal qu'on associe souvent à ce ballet,  il baigne l'action de ce rêve dans une ambiance années cinquante. Dans un décor volontairement cubiste aux couleurs froides d'orangers, de jaunes-sales et de verts merde-d'oie, la transition entre rêve et réalité devient flagrante. Belle et majestueuse dans sa légère robe noire, d'une beauté qui n'a d'égale que sa grâce fascine le public par sa formidable présence. Elle est le rêve. Quelques pas, elle s'étendre puis s'endort. Le Spectre, ici personnifié par trois jeunes gens vêtus de complets vestons, entre brusquement. Quelques virevoltes et ils s'emparent du corps de la jeune femme qu'ils vont élever au-dessus d'eux avant de la reposer délicatement dans un ballet effréné où l'humour se mélange à la performance sans que jamais la légèreté des mouvements ne s'interrompe. Extraordinaire vitalité d'une jeunesse follement amoureuse dans ce déploiement de courses, de jetés, de portés, d'enjambées magistrales. Bientôt, le rêve s'achève, les trois servants s'échappent par la porte coulissante. La ballerine les salue d'un large geste, puis songeuse s'arrête au seuil de la porte. Soudain, à l'instant même où le public est prompt à applaudir cette très belle réalisation, l'un des servants revient dans l'espace de la porte et enlève brusquement la ballerine pour la porter dans le noir du fond de scène. Des instants de pur bonheur salués par une ovation unanime du public.

Sur des musiques orchestrées de Chopin, les Sylphides est un ballet sans argument. De la danse pour la danse. Si ne révolutionne pas ce ballet, sa chorégraphie reste plaisante. On s'attend à une démonstration stéréotypée mettant en valeur l'ensemble des danseurs. Il n'échappe pas à cette contrainte et alors qu'on s'achemine vers une belle suite de mouvements d'ensemble dans un climat de classicisme, voilà que l'humour s'introduit brusquement. D'abord, avec une reprise de mouvements identiques d'abord exécutée par trois danseurs, puis par six, puis par douze, chaque mouvement répété pour se terminer dans une chute programmée. Au passage, les moulinets rapides des bras sont ponctués d'expirations bruyantes couvrant l'orchestre à la manière des boxeurs lorsqu'ils assènent leurs coups à l'adversaire. L'effet comique est irrésistible. Alors que la chute générale se produit, une danseuse s'approche, gravit l'amoncellement des corps pour s'en aller, debout, éteindre une lampe qui était alors descendue des cintres. Délaissés les tutus traditionnels et les justaucorps pour les remplacer par d'aimables robes aux couleurs pastels pour les dames et par les complets-veston pour les messieurs. Dans cette profusion de légèreté, d'ensembles parfaits, tous dansent le plaisir. Tout au plus apprécie-t-on la ballerine qui, dans un pas de deux, élève son art habillé d'une légère robe bleue au dessus de cette grande beauté plastique d'un ballet habité d'un décor à-la-Cocteau du meilleur effet.

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 : Patrick Riou. Carl Maria von Weber (1786-1826) : Le Spectre de la Rose. Chorégraphie : Benjamin Millepied. Scénographie et costumes : Paul Cox. Lumières : Madjid Hakimi. Frédéric Chopin (1810-1849) : Les Sylphides. Chorégraphie : Benjamin Millepied. Scénographie et costumes : Paul Cox. Lumières : Madjid Hakimi. Avec : 
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