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Concert d’ouverture du Festival Claude Helffer

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Théâtre Jean Vilar et Conservatoire de musique de Vitry-sur-Seine. 17-V-2013. Festival Claude Helffer (du 17 au 28 mai). Iannis Xenakis (1922-2001): Rebonds A et B pour percussion; Claudio Monteverdi/Nicolas Mondon (né en 1980): Sfogava con le stelle, instrumentation-rêverie pour ensemble; Gérard Pesson (né en 1958): Branle du Poitou pour 9 instruments; Salvatore Sciarrino (né en 1947): Il silenzio degli oracoli pour quintette à vent; Infinito nero, extase en un acte pour mezzo-soprano et 8 instruments d’après les visions de Maria Maddalena de Pazzi; John Taverner/Gérard Pesson, In nomine I – Instrumentation colorée pour ensemble. Mise en scène Alexia Guiomar; Patrick Bouretz, lumières; direction artistique, Nicolas Mondon. Emilie Cousin Levesque, mezzo-soprano; Ensemble InSoliTus: Samuel Bricot, flûte; Damien Fourchot, hautbois; Annelise Clément, clarinettes; Benjamin El Arbi, basson; Alexandre Souillart, saxophone; Benjamin Locher, cor; Vassilena Serafimova, percussion; Matthieu Acar, piano; Simon Milone, violon; Marina Capstick, alto; Marie Ytier, violoncelle; Ulysse Vigreux, contrebasse; direction Javier González Novales.

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La seconde édition du Festival initié par et – deux éminents pianistes ayant reçu l'enseignement du maître – s'ouvrait au Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine avec un concert/spectacle de L'. Ce collectif de jeunes musiciens audacieux et bourrés de talent, tout récemment crée (2012) par le saxophoniste Alexandre Souillart et le compositeur , se donne pour mission de propager la musique d'aujourd'hui en bousculant un rien le rituel du concert: il était pensé ce soir autour du très rare Infinito nero que son concepteur sous-titre « Extase en un acte » et dont , artiste polyvalente, en réalisait la première mise en scène française.

Cette soirée « avec Sciarrino » débutait en front de scène par le très percutant Rebond B auquel faisait écho un peu plus tard Rebond A – de Xenakis, dont a été l'interprète privilégié. Pierre angulaire du répertoire des percussionnistes, ces deux pièces relèvent d'une combinatoire rythmique implacable et d'un geste tribal que la jeune , très impressionnante, investissait d'une puissance et d'une plénitude sonore phénoménales. La musique de Sciarrino, avec laquelle les musiciens d'InSoliTus enchaînaient, se lovait alors dans les dernières résonances de ce déchaînement tellurique. Le son fragile et traversé de souffle d'Il silenzio degli Oracoli pour quintette à vent offre un contraste saisissant. L'écriture y est tendue et agitée de mille soubresauts dont les musiciens profilent très finement le détail des figures à la faveur du geste précis et chambriste de préférant diriger assis. Dans cette configuration sonore – contrebasse et saxophone en sus -, on entendait, dans la transcription de , le madrigal Sfogava con le stelle de Monteverdi: une « instrumentation rêverie » selon les mots du compositeur, retrouvant à travers l'écriture du timbre – les bisbigliandi du saxophone, le shuntage/filtrage des sonorités instrumentales… – la sensualité indicible des voix monteverdiennes.

On écartait les panneaux qui jusque là masquaient le fond de scène pour laisser s'installer les neuf musiciens du Branle du Poitou de , un compositeur dont les techniques instrumentales et la raréfaction des sonorités tissent le lien de filiation avec la musique de Sciarrino. « Affaire de pieds » – ceux des interprètes frottant le sol en cadence – le branle chez Pesson est épure rythmique, agencement virtuose de sons bruités (petits chocs, souffle, sifflets, frottements…) rehaussés de quelques colorations instrumentales furtives: l'univers étrange et fantomatique du compositeur, non dénué d'humour, est merveilleusement assumé par les instrumentistes sous le geste réactif de .

On entendait alors en voix off la traduction française du texte d'Infinito nero, l'une des visions de Maria Maddalena da Pazzi – mystique du XVIème siècle qui sera canonisée par le pape Clément IX – tandis que l'« Extase » de Sciarrino nous parvenait juste après le retentissant Rebond A de Xenakis.

Un plan surélevé en fond de scène séparait l'ensemble instrumental du personnage de Maria Maddalena. « Elle projetait littéralement les mots hors d'elle telle une mitrailleuse avant de sombrer brusquement dans un profond mutisme » raconte Sciarrino qui découvre, à la fin des années 80, Le parole dell'estasi contenant les textes de cette illuminée. « On ne peut pas faire la part des choses entre Dieu et le Diable dans ses propos » poursuit-il; « le noir infini » y côtoie « le blanc infini » dans cette harmonie des contraires que le compositeur veut mettre en scène.

Le début est quasi silencieux, porté par le rythme de la respiration – le souffle du flûtiste – réitéré en une longue attente dans le noir: « j'ai voulu pénétrer plus profondément le son du silence » déclare Sciarrino; le personnage baigné de lumière blanche – Emilie Cousin Levesque saisissante – ne fait d'abord qu'une brusque apparition, s'exprimant dans le débit extrême d'une parole insaisissable, avant d'investir totalement la scène. On y retrouve, dans l'univers sonore raréfié du compositeur, ces figures typiques de la vocalité sciarrinienne dont la voix d'Emilie Cousin-Levesque épouse la plasticité avec une souplesse confondante; sensuelles autant que violentes, les intervention de la voix sur le soutien ténu des instruments instaure une dramaturgie étrange et suffocante.

La mise en scène épurée d', relayée par les lumières de Patrick Bouretz, mettait l'écoute littéralement en arrêt, donnant à ces trente minutes extatiques une intensité et une force émotionnelle rares. Le court et apaisant In nomine de John Taverner, donné sans transition et dans « l'instrumentation colorée » de , ponctuait très poétiquement la soirée.

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Théâtre Jean Vilar et Conservatoire de musique de Vitry-sur-Seine. 17-V-2013. Festival Claude Helffer (du 17 au 28 mai). Iannis Xenakis (1922-2001): Rebonds A et B pour percussion; Claudio Monteverdi/Nicolas Mondon (né en 1980): Sfogava con le stelle, instrumentation-rêverie pour ensemble; Gérard Pesson (né en 1958): Branle du Poitou pour 9 instruments; Salvatore Sciarrino (né en 1947): Il silenzio degli oracoli pour quintette à vent; Infinito nero, extase en un acte pour mezzo-soprano et 8 instruments d’après les visions de Maria Maddalena de Pazzi; John Taverner/Gérard Pesson, In nomine I – Instrumentation colorée pour ensemble. Mise en scène Alexia Guiomar; Patrick Bouretz, lumières; direction artistique, Nicolas Mondon. Emilie Cousin Levesque, mezzo-soprano; Ensemble InSoliTus: Samuel Bricot, flûte; Damien Fourchot, hautbois; Annelise Clément, clarinettes; Benjamin El Arbi, basson; Alexandre Souillart, saxophone; Benjamin Locher, cor; Vassilena Serafimova, percussion; Matthieu Acar, piano; Simon Milone, violon; Marina Capstick, alto; Marie Ytier, violoncelle; Ulysse Vigreux, contrebasse; direction Javier González Novales.

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