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La science-fiction à l’opéra avec Solaris de Dai Fujikura

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Paris. héâtre des Champs Élysées. 7-III-2015. Dai Fujikura (né en 1977): Solaris, opéra en quatre actes (CM), livret de Saburo Teshigawara d’après le roman éponyme de Stanislas Lem; mise en scène, chorégraphie, décors, costumes, lumières, Saburo Teshigawara; images, collaboration à la conception lumières, Ulf Langheinrich. Sarah Tynan, soprano, Hari; Leigh Melrose, baryton, Kris Kelvin; Tom Randle, ténor, Snaut; Callum Thorpe, baryton-basse, Gibarian; Marcus Farnsworth, baryton, Kris Kelvin (voix off); Rihoko Sato, danseuse Hari; Václav Kuneš, danseur Kelvin; Nicolas Le Riche, danseur Snaut; Saburo Teshigawara, danseur Gibaran. Ensemble Intercontemporain; réalisation informatique, IRCAM / Gilbert Nouno. Direction musicale Erik Nielsen.

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Dans Solaris au Théâtre des Champs-Élysées, avec une chorégraphie somptueuse, place l'auditeur au centre de l'espace cosmique.

SOLARIS -Solaris, le roman de science-fiction de Stanislas Lem, a été porté à l'écran par deux fois, en 1972 par Andreï Tarkovsky et en 2002 par Steven Soderbergh. La planète-océan de l'écrivain polonais avait déjà inspiré au sein de son écriture instrumentale. Avec le librettiste , il adapte le roman dans son premier opéra, commande du Théâtre des Champs-Élysées au compositeur nippon-britannique qui déploie l'appareil technologique pour façonner le timbre de ce vaste océan.

Le roman de Stanislas Lem est un huit-clos spatial où débattent quatre personnages, occupants et « visiteurs », tous saisis par cette inquiétude étrange qui règne dans la station orbitale. Douée d'intelligence extra-terrestre, la planète-océan, véritable personnage, a le pouvoir de faire revenir les morts: notamment Hari, la femme de Kris Kelvin, qui s'est suicidée dix ans auparavant, et Gibarian, l'ami de Kris, qui vient de se donner la mort. L'idée de est d'instaurer de constants aller-retour entre le monde intérieur et confiné où s'affrontent les personnages et la dimension extérieure et surnaturelle suscitée par l'omniprésence de la planète-océan.

Dans Solaris, les chanteurs, très hiératiques dans leur costume, sauf lorsqu'ils rejoignent leur alter-ego sur scène, sont placés le plus souvent à l'extérieur du décor. Ils sont systématiquement doublés par des danseurs au centre du plateau. L'action passe donc par le geste mais la dramaturgie est une convergence de la chorégraphie, du chant et du son qui nous parvient tout à la fois de la fosse et des haut-parleurs, à la faveur d'une technologie IRCAM très sophistiquée. Elle confère aux « copies » de Hary et Gibarian, engendrées par la planète-océan, leur « aura » extra-terrestre et sonorise les pensées tourmentées de Kelvin par le biais d'une seconde voix pour le même personnage qui est traitée et spatialisée comme si « le public était plongé dans la tête de Kris », nous dit le compositeur. C'est donc à un spectacle visuel autant qu'auriculaire qu'est convié l'auditeur, embarqué dans la dimension cosmique de cet univers par la vidéo inaugurale en 3D.

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La chorégraphie, suggestive autant que stylisée, de , lui-même danseur Gibarian, est une splendeur. Sa seconde apparition, au passage du deuxième et troisième jour, toujours dans le silence et sur fond d'océan, est un moment d'apesanteur des plus saisissants. Rihoko Sato/Hari, Václav Kuneš/ Kris Kelvin et /Snaut ne sont pas moins méritants dans l'incarnation très vivante des trois autres personnages. Le partis pris de la doublure avec les chanteurs est assumée avec une parfaite synergie et fonctionne admirablement bien dans un décor au dépouillement extrême qu'habillent les lumières somptueuses du même Teshigawara.

Côté chanteurs,la soprano est une révélation à la voix rayonnante et très flexible. Le ténor ductile et lumineux de /Snaut, ainsi que le baryton vaillant et très expressif de Leigh Melrose/Kris Kelvin, se jouent d'une écriture exigeante servant de très près la prosodie de la langue anglaise. La première des deux interventions de Gibarian – Marcus Farnsworth très impressionnant –  fait apparaître sur la vidéo (celle de ) le visage sans regard de .

Tous les instruments de la fosse sont sous le contrôle de l'électronique qui envoie par intermittence des effluves sonores dans l'espace ou opère la synthèse de la voix et des instruments. La partition est au service de la dramaturgie, à travers une écriture du timbre très ciselée, variant pour chaque personnage: les cordes dans l'aigu, frôlant le son de synthèse, pour la virtuelle Hari, les sonorités constellatoires des vents pour Snaut, personnage passablement perturbé par son séjour dans la planète océan… L' sous la direction d' ajoute à l'excellence du plateau et donne la mesure de l'investissement compositionnel.

Si le livret est un rien bavard, induisant une partie vocale un peu envahissante, Dai Fujikura et ses collaborateurs tirent toute l'efficacité des moyens mis à l'oeuvre pour placer l'auditeur au centre de l'espace cosmique et faire vivre la planète-océan, un univers hanté où chacun est amené à s'interroger sur l'autre et sur soi-même.

Crédit photo : “Solaris” TCE / © Vincent Pontet

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