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9178050-largeLa postérité du compositeur suisse naturalisé américain (1880-1959), repose, en dépit d'un catalogue intéressant, sur un authentique chef-d'œuvre : une rhapsodie hébraïque pour violoncelle et orchestre intitulée Schelomo, créée il y a un siècle à New York, le 3 mai 1917.

Élève d' à Genève, d' à Bruxelles et de en Allemagne, élabora au cours de sa carrière, un vaste catalogue aussi passionnant qu'inspiré mais par trop négligé en ce début de XXIe siècle. Citons à titre de rappel sa grande Symphonie n° 2 « Israël » pour 5 voix solistes et orchestre, les Trois poèmes juifs pour orchestre, Baal Schem pour violon et orchestre, Service sacré, deux Concertos grossos réputés et un Concerto pour violon.

composa son Schelomo à Genève entre janvier et février 1916 mais la création se déroula plusieurs mois plus tard le 3 mai 1917 à New York, alors qu'il s'était installé aux États-Unis. Le violoncelliste Hans Kindler, l'Orchestre philharmonique de New York  et Bloch lui-même à la direction, défendirent cette création dans le cadre d'un concert  inscrit dans un cycle juif, organisé par la Société des amis de la musique. Au même programme figurait sa Symphonie n°2 « Israël ». Le  compositeur se montra exigeant envers le violoncelle et l'orchestre dont il sollicita beaucoup d'engagement pour cette première représentation.

Initialement, Ernest Bloch avait envisagé de produire un cycle de chants avec orchestre d'après des textes en hébreu du Livre de la Sagesse du roi Salomon (L'Ecclésiaste). Il dévia de son idée originale sous l'influence du violoncelliste Alexandre Barjansky auquel la dédicace de cette partition est destinée. Des textes initiaux, il se contenta de dresser un tableau musical du « Vieux Sage », le roi d'Israël Salomon, sans oublier de constamment traduire en musique le thème philosophique central du texte : « Vanité des vanités et tout est vanité. »

Vanité des vanités et tout est vanité

Ernest Bloch sut parer son œuvre de sonorités tantôt luxuriantes, parfois redevables d'un héritage postromantique et ailleurs de réminiscences orientales, mais également de fortes tensions, de lyrisme intense voire exacerbé, de traits heurtés des fois violents. Dès la première mesure du Lento moderato, le soliste semble pratiquement improviser tandis que la masse orchestrale demeure en retrait dans un timbre oriental amené par la présence abondante de secondes augmentées. Le violoncelle entame une courte cadence, l'orchestre intervient brièvement, puis le soliste réapparaît avec davantage de rythmes, l'ensemble monte en puissance, évoquant de cette manière la force du monde ancien. L'Allegro moderato laisse s'exprimer le hautbois qui psalmodie un thème inspiré d'un air populaire juif que le père du compositeur chantait jadis. L'orchestre reprend cette partie avec intensité tandis que le soliste s'affiche incantatoire. L'ensemble prend une ampleur exacerbée et impressionnante faite d'urgence et de haute spiritualité. L'orchestre explose littéralement, avec toutefois discipline et volonté. Musique incandescente, incantatoire et imprécatoire et pour le moins saisissante et troublante. Puis la pression décroît progressivement. L'Andante moderato, reprend le thème précédent mais doucement soutenu par  les timbales. Il n'abandonne pas la mélancolie et les traits orientaux qui caractérisent en grande partie la musique orientale juive. Peu à peu domine une discrète mais prégnante intériorité soulignée dans le grave du violoncelle.

CaptureSchelomo demeure la musique la plus populaire du compositeur, très prisée des violoncellistes, et bénéficie de nombreuses interprétations de par le monde. Bloch en a donné une réduction pour violoncelle et deux pianos en 1916.

Mais quelques appréciations divergentes s'exprimaient au cours des années 1920-1930 dans la presse française. Jean Labrot, dans Le Ménestrel du 16 décembre 1921, livra ses impressions : « Je goûte particulièrement la fluidité et la grâce, nous eûmes la seconde audition de Schelomo de M. Ernest Bloch… Ces mélodies hébraïques sont souvent d'une grande beauté et M. Bloch les commente avec un tel pittoresque… » Dans la Semaine de Paris du 18 janvier 1929, le chroniqueur Carol-Berard écrivit : « Ernest Bloch est un israélite suisse devenu américain ; il rêve de créer une musique juive… Dans tous les cas, Schelomo est une œuvre vigoureuse, poétique, qui atteste une personnalité. » Trois ans plus tôt, dans le Ménestrel du 13 novembre 1925, Pierre de la Pommeraye avançait : « Le Schelomo de M. Ernest Bloch est une œuvre curieuse pleine de sentiment religieux, ardente de foi et d'espérance, admirablement traitée, par moments du point de vue symphonique, mais où l'instrument soliste paraît, phénomène singulier, le moins favorisé par le musicien. Les thèmes dont l'exposition lui est confiée sont amorphes, hésitants, flous, alors que l'orchestre, au contraire, riche de couleurs, avec des rythmes nets, met en valeur des chants vigoureux de véritable origine hébraïque, sans doute, qui ont une saveur singulière. » Son collègue N. Kerjinsky affirma dans Le Ménestrel daté du 24 mai 1929 : « œuvre passionnée et douloureuse, il atteint un point de maturité remarquable. »

Ernest Bloch réalise avec Schelomo une jonction passionnante entre la vieille Europe et la jeunesse du Nouveau monde. La revendication de son héritage juif s'allie parfaitement au langage de son époque et atteint son acmé dans une illustration non figée de ses racines ancestrales et inspirantes.

Image : Ernst Bloch autoportrait, Genève, 1916 – Image libre de droit : Hans Kindler

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