Concerts, La Scène, Musique symphonique

Paavo Järvi, un retour en demi teinte face à l’Orchestre de Paris

Plus de détails

Instagram

Paris. Philharmonie – Grande salle Pierre Boulez. 29-XI-2017. Jean Sibelius (1865-1957) : Concerto pour violon et orchestre en ré mineur op. 47. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n° 7 dite « Leningrad » en ut majeur op. 60. Akiko Suwanai, violon. Orchestre de Paris, direction : Paavo Järvi

Instagram

paavo jarviUn retour sans doute trop attendu que celui de , pour un soir à la tête de son ancien orchestre en tant que chef invité. Une attente trop prégnante, trop espérée du public et des musiciens, dans un programme taillé sur mesures pour le chef estonien, convoquant Sibelius et Chostakovitch.

Le Concerto pour violon de Sibelius, pièce incontournable du répertoire violonistique, reste une pièce difficile d'exécution qui demande, bien sûr, une technique impeccable, mais surtout une recherche permanente de l'expression, sobre et justement calculée, pour faire naître l'émotion en évitant l'exaltation virtuose ou le pathos excessif. Et c'est bien là que le bât blesse dans la prestation virtuose mais bien trop froide d'. Pourtant les premières mesures de l'Allegro initial sont parfaitement négociées, développant la sonorité subtile et poétique de son Stradivarius 1714 « Dolphin » ayant appartenu à Jascha Heifetz ! Mais rapidement le jeu se dégrade dans son expression qui se durcit et se cantonne à une bien vaine virtuosité. L'Adagio fade et sans lyrisme et le Final, encore une fois purement virtuose, achèvent de caractériser une interprétation sans affect qui ne restera pas dans les mémoires.

On se souvient encore d'une mémorable interprétation de la Symphonie n° 7 de Chostakovitch, il y a un an, quasiment jour pour jour, par Neeme Järvi à la tête du « National » à l'auditorium de la Maison de Radio-France. Difficile filiation à assumer, tant les styles paraissent aujourd'hui différents !

Composée en 1941, en partie sous les bombes lors du siège de la ville par les troupes allemandes, Leningrad, première des symphonies de guerre, est une œuvre mythique, véritable moment d'histoire, emblématique de la lutte contre le nazisme. Photographiée, microfilmée, cachée dans une boîte de conserve, la partition fut envoyée à New York où elle fut dirigée dès 1942 par Toscanini, par Mvravinski à Novossibirsk, par Samosoud à Kouïbychef, et par Karl Eliasberg à Leningrad où trois instrumentistes moururent de faim avant la fin des répétitions, puis diffusée, enfin, dans le monde entier. Une œuvre à part dont l'auteur donna plus tard une autre clé de lecture dans ses Mémoires, rappelant les réminiscences et analogies pouvant exister dans son esprit entre la cruauté de ces années de guerre et celle des années de purges staliniennes antérieures. Constituée de quatre mouvements, elle est la plus longue des symphonies de Chostakovitch. nous en donne ici une lecture en demi-teinte, plutôt dans la lignée d'une vision européenne, plus lente, plus lyrique, plus policée et moins abrupte que des interprétations russes de référence comme celles de Kondrachine notamment.

Le premier mouvement, Allegretto, saisissant d'effroi, consiste en un grand crescendo qui se déploie sur un rythme de marche scandé par les roulements obstinés de la caisse claire. Il se termine sur un murmure qui prélude à un silence résigné. Parfaitement mené dans une dynamique claire et tendue qui fait intervenir tour à tour les différents pupitres, il représente, sans nul doute, le meilleur moment de cette interprétation. Le second mouvement, Moderato, manque de l'ambiguïté, lyrique et grinçante (cordes, hautbois et cor anglais), caractéristique des compositions de Chostakovitch, mais permet d'apprécier les associations audacieuses de timbres, comme la clarinette basse associée à la harpe. Le troisième mouvement, Adagio, est assurément le maillon faible de cette interprétation, mené sur un tempo trop lent, suivant un phrasé décousu, avec une répartition mal assurée des plans sonores où la tension se dilue pour laisser rapidement place à l'ennui, éludant la vaste déploration souhaitée par le compositeur, malgré un superbe pupitre d'altos. Le Final grandiose, de belle tenue, retrouve enfin tout son allant apocalyptique pour conclure cette œuvre hors normes où le public, paradoxalement, semble avoir trouvé son compte !

Une lecture où, à l'évidence, le chef estonien se trouve plus à l'aise dans les mouvements rapides, sans parvenir à maintenir la tension dans les mouvements centraux, plus lents. Un concert en demi-teinte pour une Leningrad en pointillé.

Crédit photographique : © Ixi Chen

(Visited 1 284 times, 1 visits today)

Plus de détails

Instagram

Paris. Philharmonie – Grande salle Pierre Boulez. 29-XI-2017. Jean Sibelius (1865-1957) : Concerto pour violon et orchestre en ré mineur op. 47. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n° 7 dite « Leningrad » en ut majeur op. 60. Akiko Suwanai, violon. Orchestre de Paris, direction : Paavo Järvi

Mots-clefs de cet article
Instagram
Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte, écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.