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Ghostland de Pierre Jodlowski à la Philharmonie

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Paris. Philharmonie, Le studio. 20-I-2019. Pierre Jodlowski (né en 1971) : Ghostland. Les Percussions de Strasbourg : Minh-Tâm Nguyen, François Papirer, Galdric Subirana, Flora Duverger, percussions. Iulia Maracine, manipulation d’objets. Pierre Jodlowski, électronique en direct

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_CLAUDIA_HANSEN2_800Pour son week-end « fais-moi peur », la Philharmonie accueille Ghostland de , commande des pour quatre percussions et électronique, créée en 2017 à Varsovie. L'œuvre intègre une dimension scénique où le geste du musicien est central.

Au fond de la scène, derrière les instruments, une toile permet à la fois la projection vidéo et un jeu d'ombres chinoises : les interprètes passent ainsi régulièrement derrière la toile pour jouer les spectres. L'installation se complète d'un jeu de lumières et d'interventions ponctuelles et discrètes de la performeuse Iulia Maracine. Une immersion sonore évoque le film d'horreur (vent, cliquetis d'objets…), puis un spectre en ombre chinoise apparaît sur une toile, sur le texte enregistré d'Erlkönig (Le Roi des Aulnes de Goethe). Les textes allemands qui émaillent l'œuvre restent associés au romantisme noir indépendamment du sens saisi ou non par l'auditeur. Dans un premier temps, le spectacle réveille donc l'imaginaire sonore et visuel des ombres et de la peur du public.

Dans un premier « acte » (le terme est de nous), les quatre interprètes en noir et capuche sont au tambour, spectres émergeant de l'ombre. Les tambours sont tapés, grattés, frottés à la main, à la baguette et avec divers accessoires, dans une partition très structurée et prenante (ainsi l'alternance de coups forte et de grattements diffus). Les dimensions visuelles et auditives sont intégrées et dialoguent abondamment. Sur scène, percussions, électronique en direct, geste des interprètes, jeux de lumière, projection vidéo sont entièrement liés. Aussi faut-il saluer l'interprétation millimétrée et dense de et de la console, qui se confirme tout au long du spectacle.

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Dans un deuxième temps les spectres prennent un tour plus contemporain. « Le monde tel que nous le créons se peuple de fantômes, d'avatars, de situations ambigües où le réel aurait perdu une grande part de sa matérialité » (, livret du CD Ghostland). Dans un décor vidéo d'un bureau froid et déshumanisé en open space, qui finit par vaciller et se déliter, les fantômes ont pour attributs costume et attaché-case. Ils installent frénétiquement la batterie, sur une accélération rythmique propre à la musique électro, tout en utilisant les attaché-case comme boîtes à musique déclencheur de son. La virtuosité du quatuor de percussions qui suit est saisissante, soit en tutti ou alternant des soli sur des trajectoires accelerando-crescendo. Enfin, le dernier « acte » prend la forme d'un rituel : les quatre interprètes frappent des claves en faisant le tour de la scène à tour de rôle, la performeuse perturbant leur avancée régulière et distanciée, qui se désorganise jusqu'à son délitement. Abandonnant leurs instruments, les interprètes ne sont plus que gestes et danse.

confirme ici son intérêt pour le geste de l'interprète, qui compte autant que le son qu'il produit. Le son devient un prolongement du corps de manière explicite. Parfois le geste produit un son par la voie indirecte de la musique électronique : l'ouverture des attachés-case, les coups de la percussionniste sur la toile à la fin peuvent déclencher les sons. Une des réussites de l'œuvre n'est pas tant dans le discours, somme toute peu nouveau, dénonçant une déshumanisation de nos sociétés, mais plutôt dans le fait paradoxal que celui-ci s'exprime par un regain de présence sur scène de l'humain, du corps de l'interprète. Les se sont prêtées au jeu brillamment.

Crédits photographiques : Percussions de Strasbourg © pierrejodlowski.fr

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