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François-Xavier Roth célèbre Bartók et Varèse à Berlin

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Berlin. Philharmonie. 26-X-2019.
Concert de 19 h : Joseph Haydn (1732-1809) : Symphonie n° 59 « Le Feu » ; Béla Bartók (1881-1945) : Konzert für Klavier und Orchester Nr. 3 Sz, Suite de danses Sz 77 ; Edgard Varèse (1883-1965) : Arcana pour grand orchestre, version révisée de 1960. Pierre-Laurent Aimard, piano ; Berliner Philharmoniker ; direction : François-Xavier Roth.
Concert de 22 h : Edgard Varèse : Poème électronique ; Ionisation pour percussions ; Density 21.5 pour flûte ; Octandre pour vents et contrebasse ; Intégrales pour vents et percussions ; Hyperprism pour vents et percussions ; Offrandes pour soprano et ensemble. Musiciens des Berliner Philharmoniker et invités ; Sarah Aristidou, soprano ; François-Xavier Roth, direction.

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propose un concerto d'une intelligence incisive, Roth offre un large panorama de l'œuvre de Varèse.

Berliner Philharmoniker, Berlin, 24.10.19Arcana d'une part, Density 21.5 ou Ionisation d'autre part : ce contraste entre l'occultisme de Paracelse, cité sur la page de titre de la partition, et les références scientifiques auxquelles Varèse reste attaché définit un paradoxe parmi d'autres dans l'œuvre singulière de Varèse. Le double concert donné par le Philharmonique de Berlin avec a le mérite de présenter un large panorama de la période la plus créative de l'une des figures les plus singulières de l'histoire de la musique. D'abord, dans le traditionnel concert symphonique d'abonnement, la grande forme d'Arcana, ensuite, devant un public moins nombreux, des œuvres pour effectifs plus limités.

C'est qui propose au public berlinois cette riche soirée ; lui qui, au défi des spécialistes, aime franchir les époques et rapprocher les styles la débute avec une symphonie de Haydn, la n° 59 : la vivacité rythmique et l'allant sont ceux d'un chef qui ne refuse pas les évolutions interprétatives des quarante dernières années, mais la couleur de l'orchestre et la densité du tissu sonore viennent d'une tradition orchestrale plus ancienne : même si des interprétations plus lumineuses auraient aussi leur justification, on ne peut qu'admirer le poli sombre du son orchestral, qui n'alourdit pour autant jamais le discours.

Le cœur du concert est ensuite consacré à Bartók, avec tout d'abord pour le troisième concerto. Pas de feu d'artifice pianistique ici, pas de virtuose constamment sous le feu des projecteurs : Aimard dialogue avec l'orchestre, en donnant à ses phrases tout le relief qu'elles méritent, mais aussi, à l'occasion, en se plaçant en retrait pour faire de sa partie un commentaire plutôt qu'un manifeste. La communauté de vue entre le soliste et le chef est évidente, et il faut se féliciter de la capacité de l'orchestre à embrasser cette conception où personne ne semble préoccupé par le désir de briller. Les mêmes qualités sont à l'œuvre ensuite dans la Suite de danse, à mille lieues de tout folklorisme. Sans jamais alourdir, sans figer les rythmes, Roth sait donner à l'œuvre une ampleur symphonique inhabituelle et bienvenue.

C'est ensuite que vient la musique de Varèse. Arcana est moins souvent au programme des concerts qu'Amériques, et c'est un tort : l'étrange alliance de désorientation moderne et de force hymnique a une séduction immédiate que les vents de l'orchestre magnifient – cette fois, la lumière entre abondamment sur scène, par brusques éclats qui ne constituent jamais une atmosphère d'ensemble. Les différentes œuvres pour effectifs plus réduits jouées dans le second concert, où dominent cuivres et percussions, apparaissent alors comme des manières successives de développer les stimulations d'Arcana : la flûte solo de Density 21.5 (ici Egor Egorkin) fait naître ces espaces nouveaux du timbre et de l'ambitus limités d'un instrument unique, mais l'inépuisable variété des percussions de Ionisation, la dominante cuivrée d'Intégrales, l'apport de la voix soliste dans Offrandes sont d'autres visions d'un même univers, le jeu des parentés et des divergences entre ces différentes expériences musicales donnant au concert une intensité proprement fascinante. Pour les interprètes, il n'était pas question, malgré l'heure avancée, d'en faire un simple après-concert moins exigeant : le degré de concentration et la préparation minutieuse dirigée par sont à la hauteur de ces œuvres sans pareille. En ouverture de ce concert nocturne, le chef n'a qu'à appuyer sur un bouton pour lancer le Poème électronique beaucoup plus tardif de Varèse : essai sur la spatialisation du son et sur le montage de sources sonores hétérogènes, l'œuvre est le témoin d'une époque qui n'a pas pu distendre le lien du public avec l'interprète vivant, mais dans le vaste espace de la Philharmonie, il semble un hommage en acte à l'architecture visionnaire de Hans Scharoun.

Crédit photographique © Stephan Rabold.

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Concert de 19 h : Joseph Haydn (1732-1809) : Symphonie n° 59 « Le Feu » ; Béla Bartók (1881-1945) : Konzert für Klavier und Orchester Nr. 3 Sz, Suite de danses Sz 77 ; Edgard Varèse (1883-1965) : Arcana pour grand orchestre, version révisée de 1960. Pierre-Laurent Aimard, piano ; Berliner Philharmoniker ; direction : François-Xavier Roth.
Concert de 22 h : Edgard Varèse : Poème électronique ; Ionisation pour percussions ; Density 21.5 pour flûte ; Octandre pour vents et contrebasse ; Intégrales pour vents et percussions ; Hyperprism pour vents et percussions ; Offrandes pour soprano et ensemble. Musiciens des Berliner Philharmoniker et invités ; Sarah Aristidou, soprano ; François-Xavier Roth, direction.

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