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À l’Atelier Lyrique de Tourcoing « Sur le fil » ou le mythe d’Ariane revisité

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Baisieux. Centre culturel Jacques Villeret d’Ogimont. 11-X-2020. « Sur le fil », spectacle de théâtre musical mêlant partitions baroques et danse urbaine. Claudio Monteverdi (1567-1643) : lamento d’Arianna. Heinrich Ignaz Franz von Biber (1644-1704) : sonate du Rosaire « l’Annonciation ». Dario Castello (1602-1631) : sonata seconda. Alessandro Stradella (1643-1682) : sonate en ré mineur pour violon et violoncelle. Barbara Strozzi (1619-1677) : Lagrime mie (extrait). Georg Philipp Telemann (1681-1767) : fantaisie pour violon seul en mi mineur. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Prélude de la suite pour violoncelle n° 2 en ré mineur BWV 1008. Direction artistique : Claire Lamquet et François Grenier. Mise en espace : Christophe Piret. Régie générale : Alexis Noël. Ensemble Hemiolia : Juliette de Massy, soprano ; Laura Corolla, violon ; Claire Lamquet, violoncelle ; François Grenier, clavecin et orgue. Matthieu Corosine, danse

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L' propose comme première production de cette nouvelle saison, un spectacle intimiste centré autour du mythe du Fil d'Ariane et du fameux lamento, seul fragment à nous être parvenu du deuxième opéra de Monteverdi. L'ensemble baroque Hemiolia y rencontre le danseur urbain Mathieu Corosine, pour une pleine heure de théâtre musical. 

Hemiolia
La mythologie veut qu'Ariane aida Thésée dans son combat contre le Minotaure, par son fameux « fil » qui permit au héros de retrouver son chemin dans le labyrinthe crétois. La malheureuse à qui Thésée avait promis le mariage fut abandonnée à Naxos et son désarroi inspira à Monteverdi l'une de ses plus poignantes pages, seul vestige à nous être parvenu d'une action dramatique bien plus vaste.

Ce lamento est ici éclaté au fil… du spectacle, comme autant de retours à ici-bas entre les flash-backs d'une aventure tout d'abord heureuse puis funeste. Les strophes en sont donc écartelées et laissent la place, outre au bref « Lagrime mie » de –seule autre diversion  vocale -, à  divers fragments instrumentaux de plus vastes ensembles (des extraits de sonates de Biber, Stradella, ou ) en passant par l'une des fantaisies pour violon solo de Telemann ou le sombre prélude de la deuxième suite pour violoncelle seul de J. S. Bach. Le tout est conçu dans un esprit de continuité musicale et autour d'une véritable trame narrative : les quelques fragments poétiques finement énoncés et l'expression corporelle des musiciens – lesquels prestent tous sans partition !-  encadrent l'incroyable performance chorégraphique de Mathieu Corosine, culminant en un abracadabrantesque solo central, sans autre support musical qu'une sorte de body taping.

Les pages musicales constituent autant de miroirs musicaux évoquant les relations ambiguës entre Thésée et Ariane depuis la « Naissance » de l'amour – une Sonate du Rosaire de Biber – jusqu'au sentiment de total abandon final. Les enchaînements naturels des tonalités et des ambiances, les « gimmicks » de certains intervalles véritables leitmotive à connotation douloureuse, nourrissent la geste chorégraphique tantôt fluide tantôt beaucoup plus hachée : autant de fils tendus entre l'époque baroque et nos temps contemporains apportant de nouveaux éclairages symboliques au récit circonscrit dans un simple quadrilatère tracé au sol, figuration à la fois de l'espace de jeu, le Labyrinthe et l'ïle de Naxos dans cette efficace mise en espace de Christophe Piret.

Mathhieu Corosine, Laura Carolla Claire Lamquet

La soprano  campe une Arianna de feu, rongée par la colère, la jalousie et le remord dans un total sentiment d'abandon, par une projection vocale superlative et un engagement presque expressionniste dans le soutien des lignes de chant jusqu'à leur extinction. La violoniste  témoigne elle aussi d'une belle implication (magnifique Sonate du Rosaire de Biber, belle Fantaisie en mi mineur de Telemann) nonobstant quelques minimes accidents de sonorité sans gravité. ponctue presque le spectacle avec un émouvant prélude de la deuxième suite pour violoncelle. Instrumentalement, le spectacle culmine sans doute dans cette Sonate en ré mineur de Stradella où les musiciennes jouent dos à dos dans une joute exténuante et sans merci, ponctuée de la performance funambulesque de . Il faut aussi souligner le remarquable travail du continuiste et directeur musical  entre orgue et clavecin, pimentant le discours avec tout l'à-propos dramatique requis.

En bref, voici un spectacle très réussi, explorant un bon siècle d'histoire de la musique baroque par le truchement de l'expression corporelle la plus contemporaine, offrant ainsi une rencontre inattendue entre deux univers opposés mais complémentaires, et une lecture transversale d'un des mythes fondateurs de notre civilisation. Une heure où chaque génération pourra trouver son propre écho à la légende dans notre monde contemporain, selon sa sensibilité musicale ou chorégraphique, par cette joute scénique transversale et transgénérationnelle.

L' propose quatre autres dates dans la région lilloise tout au long du mois de novembre. Espérons que le rebond de la pandémie et les nouvelles restrictions ne gâcheront pas la brève tournée de cette production en tout point remarquable et de cet attachant spectacle.

Crédits photographiques © ,

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Baisieux. Centre culturel Jacques Villeret d’Ogimont. 11-X-2020. « Sur le fil », spectacle de théâtre musical mêlant partitions baroques et danse urbaine. Claudio Monteverdi (1567-1643) : lamento d’Arianna. Heinrich Ignaz Franz von Biber (1644-1704) : sonate du Rosaire « l’Annonciation ». Dario Castello (1602-1631) : sonata seconda. Alessandro Stradella (1643-1682) : sonate en ré mineur pour violon et violoncelle. Barbara Strozzi (1619-1677) : Lagrime mie (extrait). Georg Philipp Telemann (1681-1767) : fantaisie pour violon seul en mi mineur. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Prélude de la suite pour violoncelle n° 2 en ré mineur BWV 1008. Direction artistique : Claire Lamquet et François Grenier. Mise en espace : Christophe Piret. Régie générale : Alexis Noël. Ensemble Hemiolia : Juliette de Massy, soprano ; Laura Corolla, violon ; Claire Lamquet, violoncelle ; François Grenier, clavecin et orgue. Matthieu Corosine, danse

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