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L’Orchestre Baroque de Toulouse exalte Bach à l’abbaye de Boulaur avec la soprano Clémence Garcia

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Abbaye Sainte-Marie de Boulaur. Église abbatiale. 12-VIII-2023. Exaltez Bach. Giuseppe Torelli (1658-1709) : Concerto en ré majeur pour trompette et orchestre à cordes ; Georg-Philipp Telemann (1681-1767) : Concerto en mi mineur TV 52 pour flûte à bec et traverso ; Johan Sebastian Bach (1685-1750) : Cantate pour soprano et orchestre BWV 82 a « Ich habe genug » ; Cantate pour soprano, trompette naturelle et orchestre BWV 51 « Jauchzet Gott in allen Landen ». Patrick Pagès, trompette naturelle ; Stéphanie Cettolo, flûte à bec ; Clémence Garcia, soprano ; Orchestre Baroque de Toulouse ; Direction et traverso : Michel Brun.

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Après le festival du mois de juillet, les Musicales des Coteaux de Gimone continuent de programmer des concerts au cours de l'été. Les rendez-vous fixés chez les très accueillantes sœurs cisterciennes de Boulaur sont très courus, d'où une annonce « complet » plusieurs jours avant ce concert de l' venu en voisin.


Cette formation sur instruments anciens, qui vient de fêter ses vingt-cinq ans, rassemble des musiciens professionnels passionnés par la musique baroque. Elle doit beaucoup à l'enthousiasme, à la passion et à l'inventivité de son chef, le flûtiste .

Virtuosité instrumentale

Au programme, deux concertos encadraient deux cantates pour soprano de Jean-Sébastien Bach.
Considéré comme l'inventeur du concerto, développe une écriture virtuose pour le soliste, qu'il s'agisse d'un violon, d'un hautbois ou d'une trompette. C'est ce que démontre magistralement avec sa trompette naturelle dans le Concerto en ré majeur où il est rejoint en virtuosité par les cordes dans l'Adagio.

Avec une œuvre considérable est l'un des compositeurs les plus prolifiques de l'histoire de la musique. Dans un tel foisonnement, le commun peut côtoyer le génial, mais il y a peu de déchets parmi ce qui nous est parvenu. Le Concerto en mi mineur pour flûte à bec et traverso TV 52 est une œuvre rare, associant la flûte à bec sur le déclin au traverso en pleine ascension. Le traverso agile de répond à la douce flûte à bec de en un dialogue des plus harmonieux. L'Adagio se développe en pizzicati entre les ripiénistes et le continuo, avant un finale alla polacca qui évoque les jeunes années polonaises de Telemann à la cour de Sorau en Poméranie.

Deux merveilles de cantates pour soprano

Mais l'essentiel du concert réside dans les deux cantates pour soprano, parmi les plus célèbres de Bach.

Composée initialement pour basse à l'occasion de la fête de la purification de la Vierge en 1727, avec l'évangile de la présentation au temple, la Cantate BWV 82 « Ich habe Genug » se base sur le Cantique de Siméon. Dans la spiritualité luthérienne piétiste de Bach, c'est une belle et profonde méditation sur la mort. Il s'agit d'une rare cantate soliste, sans chœur, ni choral, avec un effectif restreint. Elle devait plaire au Cantor et aux fidèles de Leipzig, puisqu'il la reprit plusieurs fois en 1731, 1735, 1746, 1747 et 1748, la transcrivant pour alto, puis pour soprano, remplaçant comme ici le hautbois par la flûte.

, qui chante avec cette formation depuis ses débuts, est très inspirée dans l'admirable cantilène de la première aria, en un superbe duo avec la flûte de et convaincante dans le récitatif qui suit. Le vieillard Siméon, qui a pris Jésus dans ses bras, reconnaît en lui le Sauveur et dit qu'il peut partir en paix. Le sommet de ce petit chef d'œuvre d'expression est atteint dans la deuxième aria en forme de berceuse ou de sommeil à la française « Schlummert ein, ihr matten Augen » (Entrez dans le sommeil, mes yeux si las). Selon une parfaite diction allemande, la soprano souligne les silences, qui suivent les points d'orgue, troublant passagèrement la quiétude annoncée.

Dans le deuxième récitatif et l'aria finale où Siméon (ou le croyant) appelle de ses vœux la mort consolatrice, la musique dépasse le texte en créant un climat de soulagement mêlé de lassitude envers ce monde. Le caractère dansant de l'aria conclusive « Ich freue mich auf meinen Tod » (Je me réjouis à l'idée de ma mort) peut sembler étonnant et hors de propos, mais la foi de Bach s'exprimait ainsi. L'interprétation habitée de , soutenue par la flûte et les cordes de l' impressionne vivement le public.

L'atmosphère est bien différente dans l'éclatante Cantate BWV 51 « Jauchzet Gott in allen Landen », où tout est jubilation et louange. « Peut-être s'agit-il de la plus belle méditation de JS Bach », s'émerveille Michel Brun dans sa présentation. Normalement destinée au 15e dimanche après la trinité, c'est l'unique cantate pour laquelle Bach ait rajouté la mention « Pour tous les temps ». Écrite pour une soprano soliste dialoguant avec une trompette, cordes et continuo, cette cantate est sans doute l'une de plus populaires de Bach. Son exécution est d'ailleurs redoutable pour la soprano et la trompette solo. L'entrée solaire de la trompette précède une aria éblouissante de la soprano, qui rivalise de virtuosité et en ornements avec la trompette, dans l'esprit d'un concerto italien de Vivaldi ou Alessandro Scarlatti. L'épicentre émotionnel de la cantate arrive avec la prière sensible du récitatif, qui devient un arioso expressif avec des mélismes syncopés, suivi de la deuxième aria où la voix soutenue par un ostinato du continuo, monte en vertigineux colorature pour exprimer librement la vénération du croyant à l'égard du « Très Haut ». Cette superbe méditation suspend le temps. Au lieu d'un second récitatif, Bach insère un mouvement de choral de type fantaisie, dont la soprano énonce la strophe « Sei Lob und Preis mit Ehren Gott Vater, Sohn und  Heiligen Geist ! » (Louange et gloire à Dieu le Père, au Fils et au Saint-Esprit), accompagnée par deux violons en canon. À ce moment magique d'une extraordinaire subtilité d'écriture, Michel Brun considère que nous avons là « Bach plus Vivaldi » ! Sans transition, on atteint l'apothéose avec le retour de la trompette et le tutti pour le fulgurant Alleluia fugué final où fait des merveilles.

Subjugué, le public fait une longue ovation aux musiciens et à cette jeune soprano, que beaucoup ne connaissaient pas encore, mais dont le nom est assurément à retenir.

Crédits photographiques : © Alain Huc de Vaubert

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