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Le Boston Symphony Orchestra et Andris Nelsons à Paris : l’un séduit, l’autre pas…

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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 8-IX-2023. Carlos Simon (né en 1986) : Four Black American Dances, création française ; George Gershwin (1898-1937) : Concerto en fa majeur pour piano et orchestre ; Sergueï Prokofiev (1891-1953) : Symphonie n° 5 en si bémol majeur op. 100. Jean-Yves Thibaudet, piano. Boston Symphony Orchestra, direction : Andris Nelsons

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De passage à Paris dans le cadre de sa tournée européenne sous la direction de son directeur musical , en compagnie du pianiste , la prestigieuse phalange américaine, membre du célèbre « Big Five » propose au public parisien un programme éclectique convoquant , Gershwin et Prokofiev.

Après la prestation très apollinienne des Berliner Philharmoniker tout récemment, c'est à une fête orchestrale toute dionysiaque, haute en couleurs, que nous convie le BSO dans une flamboyante invitation à la danse.

En création française et répondant à une commande du BSO, les Four Black American Dances du compositeur américain (né en 1986) ouvrent la soirée sur une suite de danses, composée en 2023, qui illustre les différents types d'expressions de la musique et de la danse, comme moyen de communication, de rituel, de célébration et de culte dans la culture afro-américaine. Une œuvre très rythmique et contrastée, portée par une orchestration riche et brillante, déclinée en quatre parties : Ring shout, qui fait la part belle aux cuivres et percussions, inspirée du rituel religieux pratiqué par les esclaves qui se déplaçaient en cercle en trainant les pieds et en tapant des mains ; Valse qui met en avant les cordes dans un lyrisme un peu mélancolique auquel les cuivres apportent une touche de gravité ; Claquettes, tout un symbole de la culture noire américaine, aux accents très jazzy ; Danse sacrée, chant de louanges aux allures de gospel, fortement imprégnée d'un intense sentiment d'attente entretenu par des appels de trombones sur un ostinato de cordes lancinantes avant qu'un crescendo furieux n'apporte une conclusion glorieuse à cette belle pièce, parfaitement mise en place qui souligne d'emblée l'excellence des cuivres et des percussions du BSO.

Interprété par , le plus américain des pianistes français, le Concerto en fa pour piano et orchestre (1925) de poursuit dans la même veine sur ses rythmes de jazz, de blues, de charleston et de valse développés dans un moule éminemment classique en trois mouvements qui mêle avec bonheur un lyrisme et une virtuosité dignes de Tchaïkovski et de Rachmaninov dont J.Y Thibaudet, grand défenseur de l'œuvre, livre une interprétation somme toute assez sage dans une joute qui tournera rapidement en faveur de l'orchestre. Entamé par l'orchestre sur un rythme syncopé de charleston, l'entrée du soliste se fait sur une sorte de cadence au lyrisme mélancolique avant de s'élancer dans un dialogue virtuose pénalisé par un équilibre précaire entre un piano timide qui manque de swing et un orchestre rutilant, sonnant superbement de tous ses pupitres. L'Andante suivant, sur un motif de blues, impressionne plus par son déchirant solo de trompette et par l'ampleur de la sonorité orchestrale que par le jeu un peu maniéré, avare en émotion, du pianiste avant que l'Allegro final ne retrouve enfin un semblant de symbiose entre soliste et orchestre dans une orgie de rythmes.

Ne devant rien à la danse, si ce n'est un court thème de valse dans le Trio, et faisant quelque peu figure d'intruse dans ce programme, la Symphonie n° 5 de (1944) occupe à elle seule toute la seconde partie ; symphonie de guerre, portée par un souffle épique et patriotique qui valut à son compositeur l'obtention du prix Staline. Plus encore que ses vertus propagandistes ou philosophiques dans lesquelles Prokofiev voyait « l'expression de la grandeur de l'esprit humain », elle constitue un formidable exercice d'orchestre où, hélas, la direction d' ne parvient pas à convaincre totalement, livrant une interprétation sans typologie franche, lâchant la proie pour l'ombre et se perdant dans une lecture trop analytique sans jamais  parvenir à fédérer les superbes performances solistiques individuelles  et collectives de son orchestre dans un tout cohérent. Le premier mouvement Andante, excessivement chargé de nuances, dans un mélange de solennité et d'attente, mâtiné d'un rien de dramatisme, manque de cet indispensable souffle épique fédérateur, pour se réduire aux belles interventions de la flute, des cuivres (trombones) et des cordes (contrebasses). Le Scherzo, très rythmique quasi motoriste, où se distinguent les altos, la petite harmonie, les percussions et les cors manque d'allant, paraissant bien laborieux sur un tempo exagérément lent. L'Adagio judicieusement empreint d'un sombre dramatisme est, à son tour, pénalisé par la pesanteur écrasante du phrasé, comme par la lenteur du tempo, malgré les belles interventions de la petite harmonie (clarinette) et des véhémentes contrebasses, avant que l' Allegro giocoso final regroupant tous les pupitres ne vienne mettre un terme à cette interprétation un peu déliquescente sur une coda apocalyptique fortement cuivrée, soulignant une fois encore la sonorité éclatante de la phalange américaine.

Crédit photographique : © Marco Borggreve  

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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 8-IX-2023. Carlos Simon (né en 1986) : Four Black American Dances, création française ; George Gershwin (1898-1937) : Concerto en fa majeur pour piano et orchestre ; Sergueï Prokofiev (1891-1953) : Symphonie n° 5 en si bémol majeur op. 100. Jean-Yves Thibaudet, piano. Boston Symphony Orchestra, direction : Andris Nelsons

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