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Faire société avec le festival Ensemble(s)

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Bagnolet. Théâtre de L’Échangeur 13-IX-2023. Festival Ensemble(s). Franck Bedrossian (né en 1971) : Epigram I pour ensemble ; Luigi Nono (1924-1990) : Djamila Boupacha, pour voix seule ; Lara Morciano (née en 1968) : Come d’echi pour ensemble et électronique (CM) ; Toshio Hosokawa (né en 1955) : Melodia, pour accordéon ; Agata Zubel (née en 1978) : Labyrinth, pour voix et petit ensemble ; Jean-Luc Hervé (né en 1960) : Zones, pour ensemble, chœur de guitares électriques et électronique (CM). Ensembles 2e2m, Multilatérale, Cairn, Sillages, Court-Circuit et Next. Electronique CIRM ; Direction, Guillaume Bourgogne, Jean Deroyer, Léo Margue, Jane Latron

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Le festival Ensemble(s), présidé par le compositeur , a élu domicile au Théâtre L'Échangeur de Bagnolet. Pour sa quatrième édition, les cinq phalanges constitutives (Cairn, Court-Circuit, Sillages, 2e2m et Multilatérale) en accueillent une sixième, le jeune du CNSM de Paris.

La salle est comble pour ce premier concert diffusé en direct sur les ondes de France Musique, le producteur Arnaud Merlin invitant au micro les principaux acteurs de la soirée. Les musiciens des six ensembles sont sollicités ce soir et autant d'œuvres pour grand effectif affichant deux créations et convoquant sur le podium rien moins que quatre chefs. Pas de compositeur.trice en résidence cette année mais une thématique qui traverse toute la programmation, celle de la vocalité et du rapport au texte qu'elle sous-tend.

Au cœur du sujet, Epigram I pour soprano et grand ensemble qui lance la soirée, est écrit sur des poèmes d'Emily Dickinson et constitue un tournant dans le processus compositionnel de , avec l'arrivée du texte dans son écriture. C'est l'organicité du matériau vocal et instrumental qui est recherchée, une quasi fusion de la voix et ses divers modes d'énonciation (sifflante, chuchotement, souffle, étirement et contraction des mots, etc.) avec son environnement instrumental dont l'écriture extrêmement ciselée contribue au rendu expressif du poème. La tension du verbe chez Dinckinson et l'ambiguïté du sens qu'il véhicule ont boosté l'imaginaire sonore du compositeur qui réalise, dans ce premier volet du triptyque Epigram, l'un des chefs d'œuvre de son catalogue, magnifiquement restitué par la soprano Jeanne Crousaud et les musiciens sous la direction de .

La soprano (étudiante du CNSM) est seule en scène dans Djamila Boupacha (1962), une œuvre emblématique de qui dénonce les atrocités de la guerre à travers un poème de Jesus López Pacheco, Esta Noche, dédié à la jeune femme militante du FLN torturée par des parachutistes de l'armée française dans l'Algérie coloniale. Arnaud Merlin nous lit le poème avant l'arrivée de . La ligne mouvante et expressive, gagnant des aigus vertigineux, est entrecoupée de silences éloquents. Peu de moyens mis en œuvre mais une force expressive qui nous étreint.

La première création est celle de , compositrice italienne virtuose de la musique mixte et du « temps réel » (transformation live du son instrumental). Come d'echi (Comme des échos), pour grand ensemble et électronique, explore le phénomène de réverbération du son dans l'espace et le dialogue entre la source instrumentale et la machine. La diffusion de l'électronique bénéficie du dispositif Pré, une vingtaine de petits haut-parleurs dissimulés sous les sièges des auditeurs s'ajoutant à la couronne des haut-parleurs sur le pourtour de la salle. On retrouve la manière puissante de la compositrice, l'énergie du son, la richesse des alliages instrumentaux et la fulgurance du geste au sein d'une partition éminemment conduite par . L'électronique lui confère une profondeur singulière, un supplément de résonance, bref, un confort d'écoute dans la salle plutôt sèche de L'Échangeur.

Un rien datée (elle a du moins le mérite de raccrocher la thématique), Melodia (1979) du japonais est une pièce exploratoire laissant s'éployer dans tous les registres des faisceaux de lignes rappelant les sonorités de l'orgue à bouche shō. Elle est finement jouée par Julia Sinoimeri, étudiante du CNSM rattachée à l'.

On retrouve la soprano Jeanne Crousaud, avec sur le podium, dans une œuvre pour voix et petit ensemble (flûte, saxophone, trompette et contrebasse) Labyrinth, de la compositrice et vocaliste polonaise . Elle a choisi, parmi les Prix Nobel de littérature qu'elle aime sélectionner, un texte de la poétesse Wisława Szymborska (1923-2012), dont la traduction ne nous est pas révélée. Entre hystérie et abattement, improvisation débridée et passages murmurés (où la voix passe par l'amplification d'un mégaphone), Labyrinth procède par cycles contrastés. La voix et les différents instruments solistes fonctionnent en hétérophonie, Zubel recherchant l'hybridation des timbres dans un ensemble très coloré où la chanteuse reste toujours souveraine.

Le concert s'achève avec la seconde création, commande du festival passée à . Zones, « ces endroits laissés à l'abandon où l'on peut reconstruire une société », nous dit le compositeur au micro d'Arnaud Merlin, est une proposition originale, revêtant une dimension participative. Sept guitaristes amateurs, « un chœur de guitares électriques« , selon les termes d'Hervé, sont amenés à intervenir au cours de l'œuvre, tel un chœur antique conduit par son « coryphée« , le guitariste Pierre Pradier qui leur fait face sur le plateau. Pour les dix musiciens convoqués, dirigés par (cheffe du Nouvel Orchestre Symphonique du Pays d'Aix), élabore une toile sonore somptueuse et mouvante, finement texturée, dont il modifie à mesure les composantes, entre transparence et distorsion, fulgurances sonores et stases répétitives. Chacune des interventions du « chœur de guitares », jouant le rôle d'interface entre le public et les interprètes sur scène, est relayée par le dispositif d'écoute Pré dont on pouvait apprécier pleinement l'effet immersif.

Crédits photographiques : © Gary Gorizian

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Bagnolet. Théâtre de L’Échangeur 13-IX-2023. Festival Ensemble(s). Franck Bedrossian (né en 1971) : Epigram I pour ensemble ; Luigi Nono (1924-1990) : Djamila Boupacha, pour voix seule ; Lara Morciano (née en 1968) : Come d’echi pour ensemble et électronique (CM) ; Toshio Hosokawa (né en 1955) : Melodia, pour accordéon ; Agata Zubel (née en 1978) : Labyrinth, pour voix et petit ensemble ; Jean-Luc Hervé (né en 1960) : Zones, pour ensemble, chœur de guitares électriques et électronique (CM). Ensembles 2e2m, Multilatérale, Cairn, Sillages, Court-Circuit et Next. Electronique CIRM ; Direction, Guillaume Bourgogne, Jean Deroyer, Léo Margue, Jane Latron

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