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Le journal inédit et plus que posthume de Reynaldo Hahn

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Reynaldo Hahn (1874-1947) : Journal 1890 – 1945. Anthologie établie, présentée et annotée par Philippe Blay. Sous la direction de Jean-Yves Tadié, préface de Jean-Yves Tadié. Postface de Mathias Auclair. 1 livre BnF Éditions-Gallimard. 400 pages. 28 €. Dépôt légal novembre 2022

 
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Le bandeau rouge « Le musicien de Marcel Proust » vantant la publication du journal inédit de est un bel exemple de manchette racoleuse qui passe à côté de l'essentiel. Ce Journal vaut heureusement bien mieux que cela !

C'est 75 ans après la disparition de que paraît son Journal, succession d'épisodes savoureux, drôles ou amers, de 1890 à 1945, où se révèle une plume d'écrivain, vive, fine et sincère, en particulier sur les salons de la Belle époque, la Guerre de 14-18, la période de l'entre-deux-guerres et de la seconde Guerre mondiale ne représentant qu'une part congrue de l'ensemble.

La raison d'une si longue attente pour la publication de ce Journal, qui rassemble une vingtaine de carnets et de documents, s'explique par le testament du compagnon de , Guy Ferrant, qui légua en 1953 les documents en sa possession à la Bibliothèque nationale de France (pour qu'ils échappent à la famille Hahn !) en interdisant toute communication au public jusqu'à ce que l'œuvre du musicien entre dans le domaine public… ce qui devait intervenir en 1997, avant que l'extension de vingt ans supplémentaires ne prolonge l'attente jusqu'en 2017.

Si Reynaldo Hahn et Marcel Proust ont bien été amants puis amis, et si le Journal contient quelques propos finement ciselés sur l'écrivain, c'est bien la peinture du monde musical et culturel de la fin du XIXe siècle et les pages pleines d'énergie, admiratives mais lucides sur la phénoménale Sarah Bernhardt (pages déjà publiées entre les deux guerres) qui font le prix de cette publication. Alors que la Mairie de Paris a pris l'heureuse décision de redonner à la pâle dénomination Théâtre de la Ville le nom de Théâtre Sarah-Bernhardt, la publication de ces pages est des plus opportunes.

L'autre moment de bravoure de ce journal, qui ne recouvre la vie du compositeur que de manière parcellaire malheureusement, se trouve dans les pages consacrées à la guerre de 14. Resté trois ans et demi sur le front, affecté à l'état-major de deux généraux, il reçut la Croix de guerre pour sa bravoure. De cela il ne dit rien, mais il est le témoin attristé des errements de la justice militaire et des terribles bilans humains d'attaques hasardeuses qui prennent aujourd'hui une sombre et cruelle actualité.

L'appareil critique est riche, complet et reprend à peu près tous les bons mots et les analyses les plus fines du compositeur-écrivain, ce qui est pratique pour qui veut aller à l'essentiel. Un peu trop pratique peut-être. Du musicien qui vénérait Massenet et Saint-Saëns et ne pensait pas de bien de Berlioz ni de Debussy (ce qui relativise le peu de bien que Debussy pensait de Berlioz), nous ne dévoilerons rien de ses bons mots sauf, tout de même, en guise d'amuse-bouche et pour donner envie de se plonger dans cette lecture, ces propos sur : « Jamais novateur ne fut plus fêté, plus admiré. On a beau faire, on ne peut arriver à plaindre cet artiste passionnément vanté par tout ce qui comptait vraiment à son époque, ce triomphateur qui relate ses triomphes avec une exaltation orgueilleuse, mais qui n'en a jamais, jamais assez d'être acclamé et qui enregistre comme des iniquités les moindres déceptions que la vie lui impose comme à tout le monde ».

Cette parution établie par , auteur d'une biographie de référence du compositeur chez Fayard, est remarquable par la qualité de la plume de son auteur et par les sept décennies d'attente, qui font qu'elle arrive peut-être au meilleur moment pour concourir à la réévaluation du compositeur.

Reynaldo Hahn : une somme éblouissante chez Fayard

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Reynaldo Hahn (1874-1947) : Journal 1890 – 1945. Anthologie établie, présentée et annotée par Philippe Blay. Sous la direction de Jean-Yves Tadié, préface de Jean-Yves Tadié. Postface de Mathias Auclair. 1 livre BnF Éditions-Gallimard. 400 pages. 28 €. Dépôt légal novembre 2022

 
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