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Maria-Paz Santibáñez seule en scène pour rendre hommage à Allende

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Paris. Salle des fêtes de l’Hôtel de ville. 10-X-2023. Œuvres de Debussy, Bartók, Valeria Valle, Andrés Alcalde, Sergio Ortega, Hèctor Parra, Esteban Benzecry, Marco Pérez-Ramirez, Nicolas Tzortzis, Ramón Gorigoitía, Cristina Villalonga et Adrian Pertout.
Conception et piano, Maria-Paz Santibáñez ; mise en scène Glyslein Lefever ; art visuel-vidéo Morena Zilleruelo, Aurora Gasull, Daniela Castillo Briceño et Maria-Paz Santibáñez

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Sous les ors de la salle des fêtes de l’Hôtel de ville, Carine Rolland, adjointe à la Mairie de Paris chargée de la culture, recevait la maire de Santiago, Iraci Hassler, pour célébrer en musique et avec la pianiste chilienne Maria-Paz Santibáñez, les 50 ans du coup d’état au Chili.

Le 11 septembre 1973, le gouvernement du président démocratiquement élu Salvador Allende est renversé par un coup d’état militaire : Salvador Allende est assassiné lors du siège du palais de la Moneda. C’est dans ce lieu historique que Maria-Paz Santibáñez a donné, il y a quelques semaines de cela, le concert-spectacle en hommage au héros de la démocratie qu’elle offre ce soir au public parisien dans une Salle des fêtes chauffée à blanc par un auditoire très concerné et venu nombreux pour commémorer l’événement. Elle est seule à son piano dans un véritable one woman show mis en scène par Glyslein Lefever et relayé par les images projetées sur un écran circulaire qui domine le plateau.

Artiste tout terrain – elle est à son clavier mais joue aussi dans les cordes du piano, donne de la voix (parlée, chantée, voire criée selon les mots du poète), prépare son instrument, percute des casseroles – Maria-Paz Santibáñez a élaboré un programme ambitieux qui témoigne de son engagement pour la musique d’aujourd’hui. Si le piano de Debussy (Prélude et Images) et celui de Bartók (suite En plein air) sont à l’affiche, la pianiste a commandé, sur fond de résistance pour le respect de la dignité des personnes et des droits humains, de courtes pièces pour piano et casseroles (la suite Impact) à sept compositeurs.trices d’horizons très divers dont certain.e.s sont dans les rangs du public.

Sur l’écran, et pour donner le ton, passent les images de la performance « Un violeur sur ton chemin », créée par le collectif féministe de Valparaiso Lastesis (es) pour manifester contre les violations des droits des femmes. Elles introduisent l’œuvre de la Vénézuélienne Valeria Valle, Vendajes -et violador es… eres… eras… (Bandages – le violeur est … c’est… c’était… ) sollicitant le jeu dans les cordes du piano et la voix dûment projetée de la pianiste.

La vidéo (scènes filmées de manifestations, gestes revendicatifs mais aussi danses et fêtes populaires très colorées) est le plus souvent sans le son, assurant la transition entre les pièces de piano. Elle les accompagne parfois, en lien plus étroit avec la musique, comme ce ballet très drôle des doigts tatoués de la pianiste (tout à la fois à son clavier et sur l’écran) durant l’exécution de Poursuite, la dernière pièce de la suite En plein air de Bartók jouée avec fougue par Maria-Paz Santibáñez.

Le piano est amplifié, assurant un confort d’écoute pour le public sur toute la longueur de cette immense Salle des fêtes. Il est souvent ‟préparé” pour l’interprétation des pièces de la suite Impact avec casserole(s) obligée(s). La Catalane Cristina Villalonga a judicieusement posé ses casseroles sur les cordes du piano dans Hierve la noche toque de queda (Nuit bouillonnante – couvre feu) introduisant une résonance inquiétante au sein d’une écriture fluide aux arabesques élégantes. Dans Reportage (sur témoignage d’une victime de répression) du Grec Nicolás Tzortzis, le registre grave du clavier n’est joué que par la main gauche de la pianiste, battu par le rythme de la casserole percutée de la main droite. Les mots de Maria-Paz viennent exacerber la tension dans les dernières minutes.

La voix de la pianiste est également sollicitée dans La terre est ta mère de l’Australien Andrian Pertout. Les casseroles sont entendues à travers les haut-parleurs, astucieusement mixées aux sonorités d’un piano-jouet. L’univers sonore y est foisonnant, doublé d’une vidéo délicatement suggestive. Ramón Gorigoitía recourt également à l’électronique et aux échantillons sonores en dialogue avec le piano préparé dans Contodosinopaké. La casserole est percutée en live par l’interprète et le piano est offensif dans Marrichihueu (Mille fois nous vaincrons, hommage aux têtes de file) du Franco-chilien Marco Pérez-Ramirez dont la musique cantonnée dans les graves et rehaussée des cris et lamentations de Maria-Paz n’évite pas le pathos. C’est le jeu sur la casserole qui fixe le pattern rythmique sur lequel s’échafaude Ojos (Yeux) du Franco-argentin Esteban Benzecry. Le Catalan Hèctor Parra tresse les sonorités de la casserole avec celles des cordes du piano dans Reñma (De face) s’appuyant sur le poème de Lionel Lienlaf : « Le vent devient fou parmi les roches ». Le piano est puissant, qui trahit cette terreur panique, et le geste de Maria-Paz implacable sur la casserole au point de casser la baguette de bois qui la percute avant la fin de la pièce! L’énergie de la pianiste est spectaculaire et l’aisance virtuose pour passer d’un dispositif à l’autre et habiter l’univers de chacun.

Elle avait débuté par le chef d’œuvre du Livre II des Préludes de Debussy, La terrasse des audiences au clair de lune, Maria-Paz Santibáñez referme la soirée avec le Livre I des Images du même Debussy, long épilogue très apaisant surligné par les images de la vidéo.

Crédit photographique : © Cristian Santibáñez

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Paris. Salle des fêtes de l’Hôtel de ville. 10-X-2023. Œuvres de Debussy, Bartók, Valeria Valle, Andrés Alcalde, Sergio Ortega, Hèctor Parra, Esteban Benzecry, Marco Pérez-Ramirez, Nicolas Tzortzis, Ramón Gorigoitía, Cristina Villalonga et Adrian Pertout.
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