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Colossale Huitième de Mahler par Daniel Harding et l’Orchestre de Paris

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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 24-XI-2023. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 8en mi bémol majeur dite « Des Mille ». Johanni van Oostrum, soprano. Sarah Wagener, soprano. Johanna Wallroth, soprano. Jamie Barton, mezzo-soprano. Marie-Andrée Bouchard Lesieur, mezzo-soprano. André Staples, ténor. Christopher Maltman, baryton. Tareq Nazmi, basse. Chœur d’enfants et d’adultes de l’Orchestre de Paris. Chœur et Maitrise du CRR de Paris. Orchestre de Paris, direction : Daniel Harding

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retrouve l' pour une fervente interprétation de la Symphonie n° 8 de portée par un casting vocal (chœurs et solistes) de haute tenue.

Unique entre toutes, par son contenu fortement spiritualisé répondant à une authentique « Pentecôte musicale » (à l'instar des Symphonies n° 2 et n° 3) ; rarement donnée en concert du fait de l'effectif colossal, vocal et instrumental, qu'elle requiert (justifiant son nom « Des Mille » lors de sa création à Munich le 12 septembre 1910 sous la direction du compositeur) ; la Symphonie n° 8 couronne la quête unificatrice mahlérienne dans une audacieuse mise en miroir de deux mouvements essentiellement vocaux qui rappellent l'oratorio, réalisant la suprême fusion entre Foi et Humanisme, entre Sacré et Profane. Elle constitue un ensemble parfaitement cohérent bien que constituée de deux moitiés aussi dissemblables que possible, de par les textes, de par les langues, de par les cultures, de par les époques très éloignées. Son unité découle de la similitude des matériaux thématiques réunis dans un hymne à la Création (Esprit créateur et Eros créateur) respectivement déclinés dans le Veni Creator et dans la Scène finale du Second Faust de Goethe (une analogie qui n'avait pas échappé à Goethe qui avait d'ailleurs traduit le Veni Creator en allemand), mais également par le fait que l'œuvre entière exprime une seule et même pensée dispensatrice de joie et de rédemption. Perçue par Mahler comme une œuvre récapitulative embrassant « tout l'univers qui se met à sonner et à résonner, on y entend le chant des planètes et des soleils qui tournoient dans l'espace » elle ouvre sur une nouvelle cosmogonie musicale et spirituelle : la verticalité cosmique de l'œuvre et son message d'espérance adressé à l'humanité lui conférant une allure quasi messianique.

Malgré son architecture binaire, elle répond à une organisation complexe faite d'un assemblage de moments « apparemment » disparates, presque divisés en chapitres qui annonce les grandes œuvres ultérieures testamentaires (Neuvième et Chant de la Terre).

Le monumental Veni Creator (hymne religieuse du IXe siècle) ouvre la symphonie en célébrant l'Esprit Saint dans un formidable exercice contrapuntique mettant en jeu d'imposantes masses chorales rassemblant Chœur d'enfants et d'adultes de l' et Maitrise du CRR de Paris, associés à sept solistes et à un orchestre pléthorique regroupant l' et l'Orchestre du Conservatoire de Paris, tous réunis dans une même ferveur où mise en place, clarté et équilibre constituent les maîtres-mots d'une interprétation parfaitement maitrisée, ce soir, par soutenu par un orchestre superlatif où se distinguent entre autres un magnifique pupitre de cors. Après une entame saisissante réunissant voix et orgue, on est immédiatement séduit par la puissance et la clarté de la polyphonie entrelaçant ses lignes dans un écheveau complexe pour culminer en une gigantesque double fugue scandée, dans son aspiration à la Lumière, par des cloches mystérieuses jusqu'à une coda grandiose.

Bien différente, la Scène finale du Second Faust, profondément remaniée par Mahler, célèbre l'Eros créateur et le pouvoir rédempteur de l'Amour, répondant à l'hymne religieuse précédente mais se déclinant, a contrario, sans effet de masse chorale, pour nous conter l'ascension progressive de Faust vers les hautes sphères que commentent la hiérarchie des chœurs et des tessitures.

L'Introduction se fait sur un long et mystérieux épisode orchestral évoquant la solitude des anachorètes dans la montagne jusqu'à l'entrée des pères : Pater Ecstaticus incarné par l'excellent baryton , bientôt relayé par le moins convaincant Pater Profondus de dont la basse manque un rien de projection.

Puis le tempo s'anime tandis que l'âme de Faust poursuit son parcours ascendant entourée du Chœur des Anges (femmes) et du Chœur des enfants bienheureux pour déboucher ensuite sur l'hymne à la Vierge entonné par le Docteur Marianus (excellent ténor Andrew Staples).

Le très poétique Thème de l'Amour énoncé par l'orchestre seul (violons, harmonium et harpe) fournit une courte pause avant la dernière étape de l'élévation progressive, quasi initiatique, vers la Mater Gloriosa, image de l'Éternel féminin et étape ultime de la quête rédemptrice. Les interventions successives de l'irréprochable Chœur d'hommes, du non moins valeureux Chœur des Pénitentes, des bien chantantes sopranos Sarah Wegener, et des altos et émailleront comme autant de jalons cette dernière section avant que la sidérante apparition de en Mater Gloriosa n'apparaisse, nimbée de Lumière, tout en haut de la grande Salle Pierre Boulez, précédant un immense crescendo vocal et orchestral parfaitement mené par pour conclure en beauté cette bouleversante interprétation. Un grand moment !

Crédit photographique : © Arne Hyckenberg

 

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