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Bach en italique(s), sous les doigts de Justin Taylor

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Alessandro Scarlatti (1660-1725) : Arpeggio de la toccata en ré mineur ; Largo de la toccata en sol mineur. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Fantaisie chromatique en ré mineur BWV 903 ; Concerto en ré mineur BWV 974 d’après le concerto pour hautbois d’Alessandro Marcello ; Largo e spiccato du concerto pour orgue en ré mineur BWV 596 d’après l’opus 3 n° 11 d’Antonio Vivaldi ; Cadenza de l’Allegro du concerto en ut majeur BWV 594 d’après le concerto RV 208 « Grosso Mogul » d’Antonio Vivaldi ; Concerto italien en fa majeur BWV 971 ; Andante du concerto en ut majeur Anh. 151 ; Praeludium BWV 921 ; Concerto en fa majeur BWV 978 d’après le concerto opus 3 n° 3 d’Antonio Vivaldi ; Andante du concerto en si mineur BWV 979 d’après le concerto RV 813 d’Antonio Vivaldi ; Toccata en mi mineur BWV 914 ; Concerto en ré majeur BWV 972 d’après l’opus 3 n° 9 d’Antonio Vivaldi ; Largo du concerto en sol majeur BWV 973, d’après le concerto opus 7 n° 8 d’Antonio Vivaldi. Benedetto Marcello (1868-1739) : Adagio de la sonate VII pour clavecin. Antonio Vivaldi (1678-1741) : Largo du concerto pour flautino RV 443, transcription de Justin Taylor. Justin Taylor, clavecin anonyme du Château d’Assas. 1 CD Alpha. Enregistré au Château d’Assas en mars 2023. Notice de présentation en français, anglais et allemand. Durée : 71:53

 
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propose avec ce nouveau récital discographique, élégant patchwork intelligemment agencé, un condensé de l'art de , compositeur ou transcripteur, sous influence transalpine : un portrait italianisant par petites touches mêlant approche virtuose, joie de vivre et amertume nostalgique.

est au disque coutumier de rapprochements esthétiques judicieux par delà les siècles et les frontières (le beau programme Scarlatti/Ligeti) ou par l'emprunt de subtils chemins généalogiques (la famille Rameau explorée au gré de sa descendance jusqu'à …Debussy) : deux disques parus chez le même éditeur Alpha. Avec à-propos et élégance, cette fois c'est sur l'Italie onirique, telle qu'imaginée par un depuis sa Saxe natale, qu'il a jeté son dévolu.

Ce programme, doctement illustré par un texte de présentation passionnant signé , tient autant du puzzle bien ficelé que du jeu de pistes, articulé en trois étapes savamment ordonnées par l'enchainement des climats poétiques et des tonalités. Trois œuvres phares originales du maître germain (la sévère et ruptrice fantaisie chromatique BWV 904, encore placée dans l'héritage du stylus phantasticus pratiqué dans l'Allemagne du Nord et donnée ici sans sa fugue d'allure plus allemande – le célébrissime concerto dans le goût …italien BWV 971, et la volubile, solaire toccata en mi mineur BWV 914, héritière lointaine des fastes scripturaux d'un Merulo ou d'un Frescobaldi) sont associées à trois transcriptions du maître saxon, données intégralement, géniales et gourmandes refontes pour le seul clavecin de concerti vénitiens signés ou (ce dernier pour deux des plus fameux de l'Estro Armonico BWV 978 et 972). En outre sont ajoutés quelques mouvements lents épars d'autres transcriptions, en guise d'intermèdes.

A l'instar de l'aria de « ses » variations Goldberg données en concert à Paris ou en Belgique cet automne, fait préluder chacune des trois vastes pages du (futur) Cantor par une figure d'improvisation … pensée et écrite par un maître italien, ici un arpeggio du père Scarlatti, là un adagio du frère Marcello ou encore une cadence d'un concerto du Prete rosso (telle celle du concerto Grosso Mogul tel que revu par Bach – BWV 594). Tout s'enchaine avec un confondant naturel, comme si cette guirlande musicale était par essence, au gré des enchaînements, une seule et même œuvre dictée par la communion des esprits par delà frontières et montagnes. Le claveciniste français y va aussi de sa propre transcription, dans le même esprit du sublime largo du concerto pour flautino RV 443 du même Vivaldi.

Justin Taylor touche ici le mythique et somptueux clavecin anonyme français du Château-Folie d'Assas, jadis chéri et retenu par – pour ses intégrales Rameau et Couperin (Stil, à rééditer) et pour une bonne part de son intégrale légendaire des 555 sonates de Domenico Scarlatti (Warner). L'instrument par sa versatilité et sa rapidité de réponse se plie parfaitement à la réunion des goûts allemands et italiens, ici, capté dans une perspective agréable, globalisante et subtilement aérée.

Par-delà la maîtrise stylistique et de l'expansivité digitale, l'interprétation se veut souvent flamboyante, au fil des mouvements vifs des concerti, comme dans l'enchaînement des ruades les plus imprévisibles de la fantaisie BWV 903 ou du praeludium BWV921. Mais, une fois outrepassés les foucades de façade bien allègres ou les éclats virtuoses délibérément prolixes, une nostalgie tantôt extatique (andante du Concerto italien) tantôt quasi-douloureuse ( adagio du BWV 974, largo e spiccato, seul mouvement retenu ici du BWV 594, transcrit initialement pour l'orgue) nimbant les mouvements lents marquera encore davantage l'oreille et l'esprit de l'auditeur attentif et teindra d'une impalpable amertume l'entier récital. C'est d'ailleurs sur la pointe des doigts que prend congé notre interprète, au gré du seul largo du concerto BWV 973, fantomatique cortège d'ombres errantes semblant boucler la boucle et renvoyer à l'augural arpeggio d', entendu soixante-douze ( bien courtes) minutes plus tôt. Une invitation pour l'auditeur à se replonger, pour une nouvelle lecture, dans ce maître-disque, chaudement recommandé, car aussi funambulesque et fantasque que par moment so(m)brement mélancolique.

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Alessandro Scarlatti (1660-1725) : Arpeggio de la toccata en ré mineur ; Largo de la toccata en sol mineur. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Fantaisie chromatique en ré mineur BWV 903 ; Concerto en ré mineur BWV 974 d’après le concerto pour hautbois d’Alessandro Marcello ; Largo e spiccato du concerto pour orgue en ré mineur BWV 596 d’après l’opus 3 n° 11 d’Antonio Vivaldi ; Cadenza de l’Allegro du concerto en ut majeur BWV 594 d’après le concerto RV 208 « Grosso Mogul » d’Antonio Vivaldi ; Concerto italien en fa majeur BWV 971 ; Andante du concerto en ut majeur Anh. 151 ; Praeludium BWV 921 ; Concerto en fa majeur BWV 978 d’après le concerto opus 3 n° 3 d’Antonio Vivaldi ; Andante du concerto en si mineur BWV 979 d’après le concerto RV 813 d’Antonio Vivaldi ; Toccata en mi mineur BWV 914 ; Concerto en ré majeur BWV 972 d’après l’opus 3 n° 9 d’Antonio Vivaldi ; Largo du concerto en sol majeur BWV 973, d’après le concerto opus 7 n° 8 d’Antonio Vivaldi. Benedetto Marcello (1868-1739) : Adagio de la sonate VII pour clavecin. Antonio Vivaldi (1678-1741) : Largo du concerto pour flautino RV 443, transcription de Justin Taylor. Justin Taylor, clavecin anonyme du Château d’Assas. 1 CD Alpha. Enregistré au Château d’Assas en mars 2023. Notice de présentation en français, anglais et allemand. Durée : 71:53

 
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