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Richard Wagner, mort à Venise

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En tant que médecin et musicologue, Jean-Luc Caron propose aux lecteurs de ResMusica un dossier original sur les pathologies et la mort des plus grands musiciens. Pour accéder au dossier complet : Pathologies et mort de musiciens

 
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Toute sa vie, a œuvré à la rénovation totale de l'opéra, ambitionnant de créer un art total (Gesamtkunstwerk) associant la musique, le chant, la poésie, la danse, et le décor. Il compose des opéras puissants et fabuleux, assure pour certains les textes et participe à la mise en scène. Il fait édifier un théâtre à Bayreuth (le Festspielhaus) à la fin de sa vie où est créé son opéra Parsifal, son chef-d'œuvre.

Connu et joué dans le monde entier, il déclenche l'admiration et l'adulation sans bornes autant que la critique acerbe. Il n'en demeure pas moins l'un des compositeurs les plus magiques et saisissants de toute l'histoire de la musique occidentale. Il est également un chef d'orchestre talentueux.

Né dans la ville allemande de Leipzig (Saxe) le 22 mai 1813, il décède à Venise (Italie) le 13 février 1883, à l'âge de 70 ans. Son existence mouvementée, ses prises de positions sur l'art, l'antisémitisme et de nombreux sujets philosophiques et politiques ont enrichi une existence passionnante qui touche le monde musical dans son entièreté. On se contentera, face à l'ampleur de la tâche, de résumer drastiquement son héritage musical matérialisé par ses opéras et drames musicaux, essentiellement Rienzi (1837-40), Le Vaisseau Fantôme (1841), Tannhäuser (1842-45), Lohengrin (1845-50), Tristan et Isolde (1856-59), Les Maîtres chanteurs de Nuremberg (1861-67), L'Anneau des Niebelung (Tétralogie comprenant : L'Or du Rhin ; La Walkyrie ; Siegfried, Le Crépuscule des Dieux) composé entre 1845 et 1874 et Parsifal (1882).

Au niveau des antécédents pathologiques du patient Wagner, on peut relever une anxiété chronique, des traits psychosomatiques à type d'insomnie, d'érysipèle (infection cutanée), d'eczéma, de troubles digestifs, mais également des crises de goutte (inflammation douloureuse des articulations), des rhumatismes. En septembre 1882, il voyage en direction de Venise afin de s'y reposer. Quelques semaines plus tôt, à partir du 26 juillet, s'était déroulé le deuxième festival de Bayreuth avec Parsifal, achevé le 13 janvier de la même année. On donna 16 représentations de l'ultime opéra.

Après avoir subi une puissante tempête, et sa famille arrivèrent dans la cité des Doges le 16 septembre, échappant de peu à l'écroulement de deux ponts de chemin de fer quelques minutes après leur passage. Les Wagner apprirent la tragédie après s'être installés à l'Hôtel de l'Europe ainsi que la survenue de fièvres sévères secondaires à des inondations. Dès le lendemain, ils posèrent leurs valises dans le somptueux palais Vendramin-Calergi, où une quinzaine de pièces leur étaient réservées dont une donnant sur le Grand Canal. Le compositeur profita du luxe de l'établissement, de son jardin avec ses bassins de marbre, et entrepris des promenades magnifiques tandis qu'une gondole dédiée pouvait le transporter où il le désirait à tout instant. Ces moments de détente où il circulait incognito lui permirent sans doute de repasser le film de son exaltante et frénétique existence. Néanmoins, ses préoccupations concernant l'avenir de son œuvre, et plus particulièrement celui de Parsifal occupaient une part importante de ses pensées et rendaient compte de son humeur changeante.

Il ressentait avec une fréquence et une intensité croissantes des douleurs transfixiantes intenses dans la poitrine. Ces symptômes, très angoissants, le fatiguaient, l'obligeaient à ralentir sa marche, souvent à s'arrêter, voire à s'asseoir et à exercer une pression manuelle sur sa poitrine. Médicalement, on peut avancer qu'il souffrait d'une angine de poitrine (angor coronarien), son cœur (muscle cardiaque) n'étant pas suffisamment oxygéné par le sang en rapport avec une artériosclérose rétrécissant les artères coronaires irriguant cet organe, provoquant in fine un infarctus du myocarde. Il reçoit des visiteurs et se montre d'une humeur variable mais donne volontiers le change avec ses attitudes théâtrales ou désinvoltes.

Il entreprend, en octobre, un essai relatif à la mise en scène dans le cadre du théâtre musical et ressent des « crampes » fréquentes dans le thorax ce qui l'amène à absorber des gouttes d'opium afin d'atténuer l'intensité des crises.

La visite de , ami de longue date et père de son épouse Cosima, fut marquée par une alternance de rapprochements et d'incompréhensions, avec pour conséquence une dispute entre lui, irascible, et Cosima, prenant la défense de son père. D'autres visiteurs et activités diverses se succédèrent avant que le calme ne revienne et que la santé de Wagner ne se dégrade davantage encore. La fin est proche maintenant. Dans une lettre à son protecteur le roi Louis II de Bavière, il évoque Parsifal comme une « œuvre d'adieu au monde. »

Son pessimisme tantôt troublé par des accès de réflexions sur des sujets divers escorte les pensées et le corps d'un homme chancelant, tourmenté et dépressif, en grande perte de vitesse, se rapprochant inéluctablement du point final.

Le 24 décembre 1882, il dirige, en l'honneur de  sa femme Cosima, sa Symphonie en ut majeur à la Fenice, une œuvre composée en 1832.  Son état se détériore sensiblement et son moral s'effondre résolument. Plusieurs alertes cardiaques sévères se manifestent régulièrement avec une intensité croissante.

Il est soudainement victime d'une crise cardiaque au début de l'après-midi du 13 février 1883 et s'éteint peu après, le même jour, au Palazzo Vendramin, en présence de Cosima. Le monde culturel européen manifeste sa peine et la certitude de la disparition d'un créateur  de génie. Trois jours plus tard, le 16 février, son corps est transféré à Bayreuth où il est enterré dans un caveau situé dans le jardin de sa villa Wahnfried (Bayreuth) le 18 du même mois. Les obsèques sont qualifiées de grandioses.

En guise de conclusion citons cette phrase de Gabriel Fauré écrite en 1884 : « Si on n'a pas entendu Wagner à Bayreuth, on n'a rien entendu ! »

Pour aller plus loin encore

BOUTELDJA Pascal, Un patient nommé Wagner, Symétrie, 2014. Voir également notre chronique Les petits maux de Richard Wagner, mis en  ligne sur ResMusica le 29 avril 2011.

DENIZEAU Gérard, , Bleu nuit éditeur, 2012.

GREGOR-DELLIN Martin, Wagner au jour le jour, Idées/Gallimard, 1976.

GREGOR-DELLIN Martin, Richard Wagner, Fayard, 1981.

Dictionnaire encyclopédique Wagner, sous la direction de Timothée Picard, Actes Sud/Cité de la musique, 2010.

Image libre de droits : Portrait de Franz von Lenbach (1836 – 1904)

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